Et vous, que lisez-vous cet été ?
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#RL2015 Les explorateurs de lecteurs.com ont lu pour vous la rentrée littéraire 2015 Découvrez la critique du roman de Sophie Daull "Camille mon envolée" aux éditions Philippe Rey par Lorena Magdalena Scully
Ce livre nous fait plonger tour à tour dans les pensées d'un assassin repenti et d'une écrivaine .
Sophie Daull alterne les points de vue de de ces deux personnages, son roman ne m'a pas laissé indifférente, il a bousculé mes certitudes. L'auteure se livre( volontairement ou non )dans ce roman sur les drames de sa vie : le meurtre de sa mère et la mort de sa fille de 16 ans. Ces drames ont largement inspiré ce roman, au point que la frontière est mince entre autobiographie et fiction; mais une chose est sûre Sophie Daull est une écrivaine qui sait nous prendre aux tripes, bravo Madame et merci .
Dans les semaines qui ont suivi la mort de sa fille Camille, 16 ans, emportée après quatre jours de douleurs intenses, sa maman Sophie Daull construit un chemin de coton pour vivre après. Mot après mot, elle fabrique une ouate anesthésiante dans un mouvement d'écriture. Dans une interview, elle parle de pulsion de vie et déclare avoir chercher le cocasse dans l'insupportable. Son écriture ne verse pas dans la morbidité. L'humour est convoqué en hommage à sa relation mère-fille. L' auteure dit que la sortie de ce livre est brutal pour elle. Elle accepte de confier sur la place publique quelque-chose qui est impartageable. Ce roman généreux, courageux a saturé de larmes le ciel d'un bleu limpide de mon samedi après midi ensoleillé d'octobre.
L'auteure décrit avec pudeur et amour les 4 jours de souffrance de sa fille Camille qui avait une forte fièvre, des douleurs et qu'aucun médecin, que ce soit le docteur de famille, les urgences, le service pédiatrie de l'Hôpital n'a pris au sérieux et n'a ordonné que du doliprane et quand les pompiers urgentistes se sont déplacés il était trop tard, Camille se mourrait.
Sophie Daull a écrit ce livre pour Camille, pour lui raconter l'après, les jours suivant sa disparition, l'autopsie, la préparation de l'enterrement, le courage de ses amies qui l'ont coiffée dans son cercueil.
Elle nous raconte leur vie de parents qui se retrouvent sans enfant, le rangement de la chambre, le tri des habits, les peluches dispersées ça et là.
Un témoignage fort.
J’avais beaucoup aimé l’écriture de Sophie Daull dans son premier livre Camille, mon envolée.
Elle posait des mots sur sa douleur indicible, la perte de sa fille, comme autrefois on posait des ventouses sur le dos du malade pour extirper le mal.
Douleur à nulle autre pareille, la perte d’un enfant ne peut que vous fracasser…
Dans La suture, elle cherche qui était sa mère, elle aussi trop tôt disparue avec sa part d’ombres.
« Ma mère avait 26 ans quand je suis née, 45 quand elle est morte, moi 19.
Elle n’a donc jamais connu ma fille, qui est née quand elle aurait eu 58 ans, j’en avais 32.
Ma fille est morte à 16 ans, quand j’en avais 48, ma mère en aurait eu 74. »
L’équation est posée, peut-elle être résolue ?
C’est toujours avec cet art personnel de poser des mots justes que l’auteur s’aventure dans le passé de sa mère.
En effet, qui n’a pas connu ce sentiment de vide à la perte de ses parents, et le chagrin de voir, une fois vidée la maison, que toute leur vie se résume à quelques souvenirs qui tiennent dans une boîte à chaussures.
C’est cette boîte que va égrener notre auteur.
Ainsi elle fera un périple dans un village nommé Le Blanc dans la creuse, berceau de sa mère.
Elle se souvient de bribes de confidences, résumées en une phrase « ce sont mes années Cendrillon » suivie immédiatement d’un silence aussi lourd qu’une chape de plomb.
Ce sont les bulletins de salaires de sa mère qui seront le fil conducteur.
Ensuite, il faut imaginer la vie des années d’après-guerre jusqu’aux années 80.
Elle décrit magnifiquement, ces bourgs, villages et villes de province comme des villes fantômes, dénuées de vie communautaire.
C’est donc avec art qu’elle fait une suture, magnifique, avec minutie, pour ne pas défigurer, à l’aide de fils colorés de poésie, elle réunit les parties de chair coupées.
Une transmission de sa mère qu’elle a aussi communiquée, l’art de regarder la nature et de savoir le nom des arbres et des fleurs.
Je lis rarement d’une traite un livre, une exception faite car j’ai le sentiment comme pour son premier livre, que si j’arrêtais ma lecture, le fil des confidences serait rompu.
Car pour le lecteur, le ton du livre fait penser à deux personnes à la terrasse d’un café entre l’anonymat du lieu et l’intimité de ce qui est confié.
Je sors de cette lecture avec une énorme tendresse pour Sophie Daull, ses mots me charment encore et encore, car du personnel elle tisse quelque chose d’universel.
Une mère à l’âme ravagée mais où la tendresse affleure.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 6 août 2019.
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