Qui ne connait la photo de Robert Capa « La tondue de Chartres », je pense qu’avec celle du « Baiser de l’Hôtel de Ville » de Robert Doisneau, c’est l’une des plus connues. Quand le livre de Julia Héraclès « Vous ne connaissez rien de moi » avec la photo de Capa en bandeau est sorti, ce roman mêlant fiction et faits historiques a éveillé ma curiosité. En faisant des recherches, je suis tombée par hasard sur cette BD de Sylvain Ricard et Arnu West, qui était épuisée et non rééditée ! Mais avec de la persévérance, on arrive à tout.
Sylvain Ricard s’approprie à son tour l’histoire de cette femme tandis qu’Arnu West aux dessins, reproduit en couverture la photo de Capa.
L’action se situe dans la ville de Lyon en 1944, la guerre est finie, c’est l’occupation avec un quotidien qui remue le couteau dans la plaie. Dans une vieille ferme cohabite toute une famille, Delphine la mère, veuve d’un poilu qu’elle vénère, trois de ses fils, Marc, Henri, Serge et leurs épouses quant au quatrième fils, Roland, il est entré dans la résistance. Serge et son épouse Lucienne, enceinte, mènent des expériences à l’Institut National de l’Hygiène sous la coupe des allemands. Mais les employés de l’Institut voient d’un mauvais œil tout ce sucre destiné aux expériences alors que la population est rationnée et considèrent Serge comme un collabo. Mais la fin de l’occupation approche et viendra le temps des règlements de comptes. Entre temps, Lucienne a donné naissance à une petite fille. Les basses vengeances et le déchainement de haine et d’injustice vont mener Lucienne à être arrêtée et tondue en place publique pour être suspectée d’avoir eu un enfant avec un allemand.
Au travers de cette BD, on entre dans l’intimité d’une famille qui ne se parle, ne se comprend plus, plus, tiraillée par les idéologies de chacun. Serge et Lucienne travaillent aux côtés des allemands, Henri fait du marché noir et Roland a rejoint la résistance. Au final, ce sont Serge et Roland, les deux frères les plus antagonistes qui sont les plus soudés. Quant à Lucienne, l’humiliation d’avoir été tondue est plus forte que la mort, et comme elle est « moins que rien », sa fille , coupable d’être née, sera « une fille de rien ».
Sans chercher à être moralisateurs, Sylvain Ricard et Arnu West nous livrent ici une chronique amère et juste d’une période douloureuse de notre histoire.
Les dessins aux traits marqués, dans un camaïeu sombre de marron et gris illustrent à merveille cette sombre période entre la fin de l’occupation et la libération. Période durant laquelle des français revanchards, portés par une foule haineuse, se livrent en toute impunité aux pires exactions.
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