Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
L'équipe du Grand Prix des lectrices ELLE a sélectionné cet intriguant essai, délicieusement intitulé Sur la bouche, au sous-titre nettement plus évocateur Une histoire insolente du rouge à lèvres. Vous imaginez bien que la première réaction de ma part fut celle de me demander dans quelle mesure pouvait-on parler d'un simple accessoire de maquillage pendant cent cinquante six pages. Evidemment que l'auteure, Rebecca Benhamou, publiée chez Premier Parallèle, ne s'est pas contentée d'en tracer ses principales dates, ainsi que l'éventail de ses nuances des plus classiques aux plus improbables, c'était très réducteur comme idée. Elle a esquissé un récit qui entremêle intimement son histoire et son rôle social dans la naissance et l'acquisition des droits de la femme.
Parce que le rouge à lèvre ne va pas sans celle (ou celui, peu importe) qui le porte, cette histoire de rouge à lèvres est aussi et surtout l'histoire de l'émergence de la femme en tant que réelle entité sociale et civile. le féminisme depuis sa naissance et son expansion à travers l'histoire. Voilà le piquant de cet essai, la façon dont la femme s'est servi de ce petit bâton de dynamite pour s'affirmer au cours de l'histoire en tant qu'individu responsable, indépendant et éclairé, au même titre que son comparse masculin. le rouge à lèvre, nous dit l'auteure, c'est l'affirmation de l'identité féminine, pas que de sa sensualité, une revendication au regard, à l'affrontement, mais aussi symboliquement à la libération de sa parole : souligner ses lèvres d'une couleur n'est pas un geste anodin. Il est en tout cas, à mon sens de femme qu se maquille ponctuellement, la marque la plus marquante, la moins neutre du geste qu'est le maquillage : une bouche nue n'a rien à voir avec une bouche colorée, qui devient ce que l'on regarde en premier, celle que l'on peut remaquiller au cours de la journée sans devoir vous coltiner des lingettes.
L'auteure emploie la métaphore de délinquance féminine pour désigner le nombre exponentiel de vols début du XXe siècle suite à la commercialisation en série de l'accessoire. Bien plus que l'aspect purement mercantile de l'expression, cette expression révèle une part certaine de vérité sur l'essence même d'enduire ses lèvres de rouge. C'est dire si le symbole qu'il porte est emblématique et lourd de sens : le rouge à lèvres est un objet de subversion depuis sa création, nettement moins aujourd'hui, un moyen d'affranchissement de l'autorité masculine, une façon de sortir d'un ordre aux lois purement fixées par la gente masculine. C'est ce subtil et tenu lien entre émancipation de la femme et évolution de cet accessoire que l'auteure s'attache à expliciter. le tout émaillé d'anecdotes littéraires qui nous rappelle sans cesse le rôle de la femme à travers les âges et la littérature, aussi bien masculine que féminine.
C'est un essai qui fleure bon l'ambiance désuète de ces parfumeries au parfum de violette des poudres Guerlain ou vanillé d'un Shalimar, c'est la première marque qui a présenté le rouge sous forme de raisin, en bâton, précédant l'arrivée des chaînes aseptisées, ou chaque cliente était unique, ou vous entreteniez un rapport cordial avec la maîtresse des lieux. Cette immersion dans ces deux histoires, celle du rouge et celle de la femme, permet de se rendre compte à quel point l'association de la femme et du maquillage porte un enjeu particulier, celui de son indépendance et de sa liberté, celui de sa façon d'oser, face à un homme qui se sent inutile, puisqu'il n'est plus celui qui donnera ou pas du pouvoir à la femme. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle, on continue de dénigrer celles qui se maquillent beaucoup en les qualifiant de la malheureuse expression de camion volé.
Histoire du féminisme, donc de la place de la femme, celle qu'elle s'est octroyée, évolution de la société, Sur la bouche est bien plus qu'un simple déroulement chronologique de faits bassement matériels, on y retrouve les femmes qui ont démocratisé et popularisé l'objet en lui-même. Dont l'icône Sarah Bernhardt, l'actrice qui, on l'apprend, a ouvert la voie à ses comparses de la liberté de jouer et de s'affranchir de l'avis et du regard de l'homme. Tout sauf anodin, le rouge à lèvres est politisé et désormais essentiel pour toute femme rentrant dans le jeu politique, l'ultime analyse est d'ailleurs très juste, autant il peut être un moyen d'assurer son ascendance, autant il est la cible des sexismes les plus insensés et ridicules.
En tant que femme, je me suis sentie étroitement liée à ce texte, il permet de se rendre compte du poids des années et des luttes, finalement une sorte de gratitude pour celles qui ont osé tenir front face au jugement populaire, à sa critique, à son dédain. En tant qu'utilisatrice occasionnelle de rouge à lèvre, de celles qui a du mal à assumer un rouge franc sur ses lèvres, j'ai eu l'occasion de ressentir le poids de celui-ci.
Qui a décrété que le maquillage était le fait de femmes futiles ? N’a-t-on pas oublié
que cet artifice féminin pouvait aussi être un camouflage de guerre ? J’ai dévoré cet
essai que j’ai glissé en plusieurs exemplaires sous le sapin, moi qui ne me maquille
jamais, je n’avais qu’une envie après avoir fini la lecture c’était de filer dans la première
parfumerie venue pour trouver un rouge flamboyant à la hauteur de ce manifeste. Je
n’avais jamais pensé les enjeux économiques voire géopolitiques du rouge à lèvre, la
lutte sans merci des femmes à l’initiative de marques de cosmétiques aujourd’hui
toujours présentes. De cette signature des lèvres, qui a nécessité des décennies de
recherches et développement, ressort des enjeux dont les soubresauts percutent
l’armée du pays qui se voulait le plus puissant au monde. Ainsi pour emmener partout
cette folie brevetée, l’étui ne peut maintenant se dissocier l’enveloppe d’une balle et
prend tout son sens à l’instar des munitionnettes. Je me dis que c’est quand même
triste qu’une saleté de virus, anéantisse tous ces efforts d’affirmation de soi. Bas les
masques et vive le rouge à lèvres!
Un livre passionnant sur l’évolution du maquillage, sa place dans l’Histoire, dans la lutte des femmes pour leur droit.
Et à travers la vision sur le maquillage, on explore la place de la femme dans la société, son indépendance financière, dans le milieu du travail, son image sur la scène public.
On remonte à l’apparition des premiers grands magasins à Paris où la femme se sentira en sécurité pour consommer et se verra offrir un large choix. On traverse l’Atlantique pour découvrir comment sont nées les grandes marques, la mise en place de l'industrie du maquillage : la légende d’Estée Lauder, Max Factory. On voyage entre l’Europe et les Etats-Unis jusqu’en 2020 croisant Niki de Saint Phal, Andy Warhol, Madonna.
J’ai particulièrement apprécié toute la communication, la publicité autour du maquillage.
On assiste au changement du symbole que représente le maquillage qui au long des années a un rôle ambivalent : émancipation, aliénation , rebellion
On apprend ainsi comment les premières grandes marques sont apparues, ont ciblé leur public, leur communication, qu’Hitler avait horreur des “femmes peintes”, on découvre la propagande des nazis contre le maquillage qui évoque les femmes européennes et américaines. Les chiffres de la vente de cosmétique deviennent même un indicateur économique, le rouge à lèvre fait irruption dans le débat politique ou est utilisé comme arme politique. Entre symbole de l’audace des femmes ou de la critique des hommes, ce livre nous révèle beaucoup d’aspects derrière ces simples gestes qu’on a pris (ou pas ) l’habitude de répéter comme une routine.
Une lecture très intéressante et instructive.
D’abord, je tiens à dire que je trouve ce titre fabuleusement poétique et évocateur. Et qu’il colle parfaitement avec l’ambiance générale de ce roman-biographie.
Rebecca Benhamou choisi de commencer son récit au moment où Chana Orloff quitte la Russie pour Paris. Nous sommes en 1910.
Tout s’enchaîne assez vite pour la jeune femme qui entre à l’Ecole des arts décoratifs (à l’époque la « Petite École ») dans une section réservée aux femmes dès 1911.
Devenir artiste ne semble pas être pour elle une vocation, elle est arrivée à Paris pour être libre avec pour idée de poursuivre son métier de couturière.
La révélation a lieu à l’école d’art où elle se prend de passion pour la sculpture.
Très vite intégrée au sein de la communauté d’artistes du Montparnasse qui se réunit à La Rotonde, elle devient une amie proche de Chaïm Soutine et d’Amadeo Modigliani. Elle épouse un poète, ami d’Apollinaire, Ary Justman avec qui elle aura un enfant.
Mais les démons ne sont jamais loin. Dans un Paris occupé, Chana retrouve la haine qu’elle a déjà connu en 1905, lors des pogroms en Russie.
Dans un style vif, tranché, Rebecca Benhamou raconte la vie de cette artiste que pour ma part je ne connaissais pas du tout.
Une biographie passionnante sur une femme libre, passionnée. Un vrai travail de défricheur car il semble exister assez peu d’éléments de la vie de Chana Orloff.
Ce portrait de femme met aussi en lumière le travail de l’artiste et réhabilite fabuleusement cette artiste méconnue.
Ce livre fait pour moi écho au très beau roman, lui aussi biographique, Légende d’un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant. Je me plait à imaginer que Chana Orloff a croisé le chemin de Robert Desnos, car leurs amis et connaissances ainsi que les lieux qu’ils fréquentaient étaient identiques.
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