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Le premier tome de la série « Chez Adolf » prenait pour cadre l’Allemagne au moment de l’avènement d’Hitler au rang de chancelier. Le second volet : « 1939 », après une ellipse de six années, nous emmène dans l’immédiat avant-guerre.
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Nous y retrouvons le personnage du modeste professeur de collège Karl Stieg et tous les habitants de son immeuble dans une petite ville allemande typique. La vie suit son cours. Karl éprouve une sorte de désenchantement personnel : « 45 ans, célibataire, début de calvitie, petit salaire »… Rosa s’est éloigné de lui et s’affiche avec d’autres hommes et puis son ami d’université Hugo décède dans un accident de voiture. Il a donc le moral en berne quand au dehors les gens pavoisent : l’Allemagne a gagné sans coup férir 120 000 kms2 de superficie et 13 millions d’habitants. Son irrésistible ascension est d’ailleurs rappelée dans un sommaire historique en ouverture de l’album : chaque strip de la page rappelant les annexions diverses de l’Allemagne.
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L’histoire de Stieg rejoint la grande Histoire quand, à l’enterrement de son ami, il est interrogé par la Gestapo : on pense que l’accident d’Hugo n’en est pas un. Une douille a été retrouvée dans la voiture. Un enchaînement d’événements et de révélations émanant de Gertud et du pasteur vont forcer le petit professeur à sortir de sa léthargie. Il va se sentir surveillé et développer une sorte de paranoïa tandis que dans le même temps ses voisins juifs les Albo doivent déménager car Juifs et aryens ne peuvent plus désormais vivre sous le même toit. A l’incendie du Reichstag au premier tome, répond celui de la synagogue dans celui-ci. Le climat au fur et à mesure des pages devient étouffant… Rodolphe arrive fort bien à faire monter le crescendo dramatique et à nous mettre à la place du professeur. Le temps de l’indécision apparait terminé. Il va falloir que Steig se positionne et ce sera sans doute l’objet du prochain tome.
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L’ histoire est aussi solidement étayée et relayée par des documents inclus dans l’intrigue : des actualités de propagande lors d’un rendez-vous donné au cinéma, des bulletins d’information à la radio illustrés par une carte pleine page et une reprise de photos d’époque ou encore le discours de déclaration de guerre d’Hitler…. Le dessin classique et épuré de Marcos et les couleurs de Fogolin fonctionnent toujours aussi bien. Les visages sont plus détaillés que dans le premier tome et l’on arrive à percevoir les émotions qui assaillent les personnages à leurs expressions et leurs postures. Seul bémol : j’ai du mal à comprendre comment le si falot Karl Stieg déchaine autant de passion chez la gente féminine puisqu’en plus de Gertrud et Rosa qui se disputaient ses faveurs au premier tome, l’aristocrate et belle Hilde vient désormais s’ajouter à la liste !
Nous sommes le 30 janvier 1933 et Hitler vient d’être nommé chancelier. Le professeur Karl Stieg dont l’anniversaire a eu lieu la veille commence ce jour-là à tenir son journal intime dans le carnet qu’il a reçu comme cadeau. La taverne au rez-de-chaussée de son immeuble « Aux Joyeux amis » est rebaptisée par opportunisme « chez Adolf » et les locataires sont conviés à un pot de l’amitié…
Des albums sur cette période, il y en a eu des tonnes. Mais vu du point de vue allemand beaucoup moins …et sur le quotidien des petites gens sous le régime nazi très peu. C’est ce qui fait l’originalité de cette série. Ici, comme dans « Pot-bouille » de Zola, le microcosme de l’immeuble dans cette petite ville typique mais non nommée permet de représenter le macrocosme de la société : on y trouve des affiliés au parti et aux jeunesses hitlériennes, un couple de cordonniers juifs etc… et le scénariste Rodolphe montre comment chacun réagit à la nomination d’Hitler, à l’incendie du Reichstag, à l’agression des Juifs, à la purge dans les lycées et aux autodafés …
Le personnage principal n’a rien d’un héros, bien au contraire. Il porte un regard critique sur le parti nazi mais se laisse convaincre par sa hiérarchie d’adhérer au parti contrairement à son collègue Gunther qui ne cache pas ses opinions communistes et son hostilité au nouveau régime et le paiera très cher. Steig hésite également dans sa vie privée entre la délicieuse Rosa la femme de son voisin et Gertrud une collègue du collège. Il est plutôt passif en politique comme en amour…et devient en quelque sorte une allégorie du peuple allemand.
Le scénario est linéaire mais efficace. Le dessin très ligne claire de Ramon Marcos d’un classicisme qui sied au propos ; il est documenté et recrée bien l’atmosphère de ces années revanchardes et les couleurs de Dimitri Fogolin dans les tons bruns et rouges rappellent bien l’embrasement qi va guetter la société et la « tragédie brune » qui va s’abattre sur le pays.. A la lecture on ne peut s’empêcher de se poser la question lancinante : Qui suis-je pour juger ? Qu’aurais-je fait à sa place ? Les trois prochains tomes prendront place en 1939, 1943, 1945 : des tournants de l’histoire qui amèneront peut-être le professeur Karl Stieg à s’engager … ou pas .
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