Le nouvel opus de la romancière américaine divise nos lecteurs
Le nouvel opus de la romancière américaine divise nos lecteurs
"Je n'aime pas les nouvelles !"
C'est ce que je réponds quand on essaie de me convaincre d'en lire et je conclu toujours avec un truc complètement idiot du genre "Et puis, c'est trop court, moi ce que j'aime c'est les pavés ! Au moins j'ai l'impression d'en avoir pour mon argent !"
Pourtant, il n'y a pas à fouiller longtemps dans ma bibliothèque pour en trouver (Henry James, Jack London, William Faulkner, Flannery O'Connor, Francis Scott Fitzgerald, Pete Fromm, Ted Chiang, Romain Gary, Annie Saumon, Haruki Murakami, ...).
Moi ? De mauvaise foi ? Oups, très certainement !
Le dernier livre de Nicoke Krauss, ÊTRE UN HOMME, est donc un recueil de nouvelles.
Et comme elle publie peu, seulement quatre romans en pratiquement vingt ans (et seulement trois publiés en France), je me suis jetée sur ce livre sans le faire attendre des années dans ma PAL (comme à mon habitude) malgré le fait que ce ne soit pas un roman.
Ces dix nouvelles parues entre 2002 et 2020 dans diverses publications (Esquire, New Republic, New Yorker, ...) sont exceptionnelles et prouvent, si besoin était, à quel point Nicole Krauss est un des meilleurs (voir le meilleur) écrivains de sa génération car (et ce n'est pas moi qui le dit mais William Faulkner) la nouvelle est la forme littéraire la plus exigeante après la poésie.
Pour ma part, cette lecture a été un énorme COUP DE CŒUR et j'ai adoré chaque nouvelle. "En Suisse", "Voir Ershadi" et "Le mari" m'ont particulièrement touchées alors que le côté métaphysique de "Zoucha sur le toit" m'a quelque peu désarçonnée. Chaque personnage est si vrai qu'il nous emmène avec lui, que ce soit à New-York, Tel-Aviv, Genève, ... et les pages filent à tout allure.
Même si, comme moi, les nouvelles ne sont pas votre genre littéraire préféré, il ne faut pas passer à côté de ce livre sous prétexte que c'est un recueil de nouvelles. Nicole Krauss excelle dans la narration et elle porte un regard très acéré sur la charge du passé, la judéité d'aujourd'hui et la situation en Israël.
Soit vous êtes familiers de son oeuvre et certaines nouvelles titilleront peut-être votre mémoire puisque "En Suisse" et "Au jardin" sont évoquées dans "La grande maison" (que je viens de relire pour en être sûre).
Soit vous n'avez jamais lu Nicole Krauss et ces nouvelles sont une excellente manière d'aborder son univers... À condition d'aimer l'oeuvre de Philip Roth ! Car ce n'est certainement pas un hasard si ces deux-là étaient amis. On y retrouve des thèmes similaires et une façon identique de berner le lecteur car Krauss, tout comme Roth, s'inspire de sa propre expérience pour créer des fictions.
A lire absolument !
ÊTRE UN HOMME de Nicole Krauss
Traduit par Paule Guivarch
Éditions de l'Olivier
Mouais, bof bof. Un roman bien écrit mais l'histoire ne m'a pas pasionnée car je ne vois pas où voulait en venir l'auteur...
Ni Nicole écrivain en mal d'inspiration et en crise perso, ni Jules, avocat richissime à la recherche... de quoi au fait? ne m'ont passionnée... une déception!
Pour faire simple et en résumé, pour ce roman, j'ai tout aimé.
D'abord le style. J'ai trouvé que l'écriture, la précision des mots, la construction des phrases, le vocabulaire (et la traduction), tout était de très grande qualité. Il y a un vrai travail d'écrivain qui justement écrit, travail son texte. Nous ne sommes pas là sur des "copier-coller" de bouts de textes sans queue ni tête, ni sur un roman écrit à la va vite sans respect du lecteur. Non, nous sommes là face à un remarquable travail d'auteur, de la haute couture.
Puis, il y a l'histoire, enfin les histoires car deux parcours se mêlent.
D'un coté l'histoire de Nicole cette femme écrivain qui part sur les traces de Kafka, entre rêve, fantasme et réalité. Cette femme qui, en fait, se cherche elle même jusqu'à voir son double et qui finira par un travail d'introspection magnifique sur elle même, son couple, ses enfants, son travail même écrivain. Et là on voit bien que l'écrivain est "double-face" avec son aspect "vie privée" ancré dans la réalité de son quotidien et son aspect "vie auteur" et sa création littéraire, son propre monde imaginaire qu'il met en scène jusqu'à brouiller la frontière entre réel et imaginaire.
De l'autre coté l'histoire de Jules Epsetine qui lui aussi est bien à la recherche de quelque chose, mais là sa quête est plus diffuse, plus subtile, car il arrive à la fin de sa vie et prend conscience qu'il a perdu ce qui donnait justement un sens à la vie.
Et sur tout cela se mêlent des réflexions philosophiques, religieuses, politiques d'une grande érudition. L'auteur pousse donc à l'exigence tant sur la forme que sur le fond, avec un parfait équilibre entre les deux, ce qui rend la lecture stimulante et passionnante. Ce n'est absolument pas un livre facile, parfois un peu hermétique, peut être fallait il connaitre les autres livres de cet auteur avant (ce qui n'est pas mon cas, j'ai découvert Nicole Krauss avec ce roman), afin d'avoir des clés de lectures.
Explorateurs de la rentrée littéraire 2018 – Ma chronique:
Après avoir lu le nouveau roman de Nicole Krauss me revient en mémoire l’entretien de Camille Laurens et Laure Adler sur France-Culture et cette affirmation de la romancière : «je pense comme Marcel Proust qu’on écrit toujours le même livre, parce qu’on est hanté par quelques obsessions. Mais à chaque fois je cherche une forme différente, peut-être pour dire toujours la même chose… »
« Forêt obscure » s’apparente en effet beaucoup à « L’histoire de l’amour » qui a fait connaître l’Américaine en France. En y retrouve le travail sur la mémoire et le deuil, la judéité et la littérature.
Les chapitres, empilés à la manière d’un mille-feuille, nous offrent d’abord de suivre Jules Epstein en Israël où ce riche New-yorkais a disparu sans laisser de traces, puis de revenir sur son parcours avec ses enfants Lucie, Jonah et Maya qui tentent de trouver les indices susceptibles d’expliquer cette disparition. Entre-temps, on aura fait la connaissance de Nicole, écrivain de son état, qui a suivi le même chemin qu’Epstein et a aussi séjourné au Hilton de Tel-Aviv. L’hôtel peut du reste être considéré comme un personnage du livre, tant il y est présent, y compris en photo.
Pour lier les couches du mille-feuilles, on retrouve d’une part la quête d’Epstein sur l’identité juive, ponctuée par la rencontre avec un rabbin qui entend lui démonter qu’il est un descendant direct de David et d’autre part le travail d’écriture de Nicole, également marqué par une rencontre avec un professeur de littérature qui aurait retrouvé des manuscrits de Franz Kafka.
Entremêlant les réflexions du vieil homme sur le sens de sa vie, la généalogie de David avec le portrait des enfants et petits-enfants d’Epstein, l’exégèse et les interprétations du rabbin avec des scènes de la vie quotidienne en Israël Nicole Krauss essaie d’élaguer cette forêt obscure, mais il faut bien reconnaître que son érudition et sa construction ne nous facilitent pas la tâche.
On peut certes choisir de se laisser emporter par les projets et les obsessions de cet homme. Par sa volonté farouche de vouloir laisser une trace, par exemple en faisant planter des hectares d’arbres dans le désert de cette terre promise. Alors son argent lui permettra peut-être de «prendre racine» dans ce pays et de s’assurer une postérité.
On pourra mettre en parallèle le destin de Kafka sur cette même terre et le choix de l’écrivain de se fondre dans la masse, de travailler dans un kibboutz, d’oublier la littérature. À l’image de ce contraste en noir et blanc choisi pour la couverture du livre, on comprend que la quête de la lumière à tout prix est sans doute la moins bonne voie pour laisser sa trace dans l’Histoire.
Un roman que je ne conseillerai qu’aux lecteurs passionnés par la thématique présentée ici tant sa lecture est exigeante.
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