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L'action se déroule en 1954, à Saint-Germain-des-Prés. Simone de Beauvoir s'apprête à recevoir cette année là, le Prix Goncourt pour son livre "Les Mandarins".
Le narrateur, Gérard Cohen, 24 ans, garçon de courses chez Gallimard se rend comme chaque semaine chez le médecin Destouches (alias Céline) qui vit reclus dans sa demeure à Meudon afin de lui remettre quelques plis.
Mais au lieu de suivre l'itinéraire habituel, Gérard décide, aux commandes de sa moto, de flâner dans Paris. Cette balade est pour lui l'occasion de raviver des souvenirs liés à sa jeunesse, notamment la guerre de 39-45 ou il fut caché et souvent mis en danger durant l'exode en raison de ses origines juives.
Il nous fait partager son expérience, sa vision (peu reluisante il faut bien le dire !) du monde de l'édition qu'il connaît bien. En effet, son père travaille depuis longtemps aux côtés de Gaston Gallimard.
Les relations entre lui et l'auteur de "Voyage au bout de la nuit" sont ambiguës. L'antisémitisme de Céline met Gérard mal à l'aise, lui qui est "moitié juif moitié goy" (terme par lequel les juifs désignent les non-juifs).
Pourtant cela n'empêche pas au jeune homme d'éprouver une forme de fascination, d'admiration à son égard qu'il a du mal à expliquer. Désormais, Gérard se tourne vers son avenir, résigné depuis longtemps à enterrer son rêve de devenir écrivain : "Je ne suis pas écrivain […] Je veux une vie entière et rien qu'à moi".
Pour ma part, Le réprouvé est un roman initiatique réussi. On sent que l'auteur a travaillé l'écriture de son texte, que chaque mot a été soigneusement choisi. Les relations (tendues) entre auteurs et éditeurs sont très bien décrites de même que les coulisses du milieu littéraire d'après-guerre.
Un vrai plaisir de lecture !
Il n'est pas très aisé de rentrer dans ce roman, et malgré une écriture très belle, appliquée et parfois géniale, il faut bien dire que je suis un peu passé à côté de l'ensemble de ce livre. C'est un roman initiatique d'un jeune homme qui se pose des questions sur sa judaïté, sur son éventuel talent de futur écrivain. J'ai eu du mal parfois à savoir où l'auteur voulait m'emmener : beaucoup de digressions qui m'ont surpris et pas forcément emballé.
Par contre, certaines pages sont vraiment excellentes, notamment, celles qui racontent les rencontres entre Gérard Cohen et Céline qui sera pour Gérard celui qui l'aidera à passer le cap, celui qui lui permettra de répondre aux questions qui le taraudent, mais sans vraiment le savoir ou s'il le sait, sans vraiment le dire franchement.
Ce livre alterne des passages qui ne m'emballent pas, mais dans lesquels il y a des fulgurances. Certaines phrases sont somptueuses.
Mikaël Hirsch est le petit-fils de Louis-Daniel Hirsch qui fut l’un des fondateurs de la NRF. Moins romancier que libraire, il se sert de la saga familiale pour composer ce roman qui nous plonge dans le microcosme littéraire des années 50. Le héros Gérard Cohen rêve d’être écrivain… Pour le moment, il est garçon de courses chez Gallimard qui l’envoie à travers Paris et sa banlieue porter des courriers aux gloires littéraires de l’époque - savoureuse évocation de Léautaud « claquemuré dans sa bicoque » de Fontenay-aux-Roses au milieu de ses animaux : ça ne sentait pas la rose ! - et l’Académie Goncourt s’apprête à décerner son millésime 54 à Simone de Beauvoir (« le Goncourt revient à Gallimard comme l’Alsace à la France »). Le jeune coursier est « moitié juif moitié goy » et le roman culmine dans ses rencontres avec Louis-Ferdinand Céline à Meudon (« Célingrad » !). Deux réprouvés : « celui qui ne fut pas vraiment un martyr fait face à celui qui ne fut même pas un bourreau » annonce le “prière d’insérer”. Comment mieux dire ?
Ce roman est "juste" : le contexte psychologique de l’après-guerre, un Paris populaire aujourd’hui disparu, symbolisé par les Halles (et la rue Saint Denis), la médiocrité des relations entre écrivain et éditeur, les combines du commerce littéraire…, le tout porté par une écriture mordante qui sait, cerise sur le gâteau, restituer la parole du Maître ès langue : « N’ayez pas peur des chiens, mon p’tit Gérard. Ce sont de bonnes bêtes.[…] Ils vocifèrent, aboient, hurlent comme les sirènes de Billancourt. C’est toute une meute des usines, le grand jappement du monde qui turbine». On en redemande !
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