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Et voilà, déjà la dernière contribution au défi littéraire 2020 lancé par Madame lit. Ce fut un plaisir de découvrir des titres et des catégories de livres que je n’aurais pas eu l’occasion de lire sans cet aiguillon canadien. Tous mes remerciements lui sont offerts pour cette belle initiative. 12 mois, 12 lectures, 12 chroniques, que du plaisir!
Pour finir, ce mois de décembre, il me fallait rencontrer un auteur ou une autrice primé(e) par le jury du Prix littéraire France-Québec. Après avoir hésité entre « Chercher le vent », titre superbe de Guillaume Vigneault, fils de Gilles dont j’ai tant suivi la carrière de chantre de son pays et « Les écrivements » de Matthieu Simard dont le titre m’a tellement plus dans la bouche d’une enfant qui ne sait pas encore lire mais qui a compris que sont consignées dans le carnet marron les plus belles histoires de Jeanne. J’ai finalement opté pour ce récit de vie que l’enfant appellera Les écrivements! Et je ne l’ai jamais regretté.
Fourmi est devenue une adolescente. Comme bien d’autre, elle a quelques peines à garder le lien avec ses parents. C’est donc naturellement qu’elle va se réfugier auprès de Jeanne, vieille maintenant de 81 ans qui a été toujours présente, en tant que voisine, lorsque Fourmi n’était qu’une enfant, curieuse, aimant déjà la compagnie de Jeanne et tissant avec elle une de ces complicités de vie inaltérables.
De son côté, bien avant de connaître sa petite voisine Fourmi, Jeanne a eu un amour, Suzor, un amour fou, passionné, délirant, pourvoyeur de tant et tant de souvenirs. Mais un jour, Suzor est parti. Sans se retourner, sans s’expliquer. Pour lui, la fuite est un moyen d’expression. Pour Jeanne, c’est un écroulement, depuis quarante ans. Elle va tout faire pour l’oublier, pour le sortir de sa vie. Jour après jour, elle va consigner dans son petit carnet marron, les souvenirs qu’elle veut se sortir de la tête et, plus encore du cœur. Ce sont les écrivements, dira Fourmi.
Entre ces deux générations qu’une génération sépare, le petit carnet marron va devenir l’écharpe de communication qui relie leurs cœurs. Fourmi alors ne sait pas lire, Jeanne lui laisse donc ouvrir le carnet et, ensemble, elles inventent des histoires. C’est touchant, tendre, chaleureux.
Mais le cœur du roman est la mémoire. Celle que Jeanne veut vider, celle de Suzor dont elle apprend, l’âge avançant toujours trop vite, qu’il est rattrapé par Alzheimer. Et si la mémoire de Suzor était à raviver, celle de Jeanne, consignée dans ses écrivements pouvant en être l’outil ? Jeanne dont la vie est quasi derrière va partir avec la Fourmi qui n’est qu’à l’aube de la sienne. Un road trip passionnant dont le seul but est de retrouver Suzor, retrouver l’amour et se réchauffer aux feux intérieurs qui couvent encore.
C’est une très belle histoire, même si elle est triste, même si la neige, celle du Canada et celle de l’Oural y est omniprésente. Il fait froid dans ce récit. Le blanc neigeux participe à l’effacement des traces. Il estompe tout, ôte les repères. Pour Jeanne, les yeux du cœur retrouveront-ils la trace de Suzor ?
Je découvre cet auteur dont je n’avais jamais entendu parler. Quel bonheur ! Il maîtrise une écriture poétique, chantante, chaleureuse même quand l’histoire nous glace le sang. Pour le belge, francophone que je suis, les expressions que je suppose typiquement québécoises ne m’ont absolument pas freiné dans mon plaisir de lire. Sans en comprendre toute la pertinence et donc la richesse, j’en ai saisi le sens dans l’ensemble du texte. Là aussi, c’était pour moi un vrai plaisir que de goûter à ce parler canadien qui fait chanter mon cœur et mon esprit.
Une superbe découverte. Merci, Madame lit !
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