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Attentif au passage du furtif, « Le Pays des petites pluies » est un chef-d’œuvre d’humanité. Ecrit par Mary Austin en 1903, ce premier roman au souffle rare s’élève sur le désert de l’Ouest Américain dans El Pueblo de las Uvas. Cette ode au vivifiant, à la nature rebelle ou apaisante est une étoile dans la nuit. Une ferveur qui se donne si l’on sait regarder ce que Mary Austin délivre de ses observations. Ce qui se passe au travers des murmures et des respirations de ce désert qui s’étire au fond de nous-mêmes. « Ce sont ces pins qui intriguent le botaniste local, car pas faciles à déterminer et sans lien avec les autres conifères qui poussent sur les pentes de la sierra - les mêmes pins dont les indiens racontent une légende de fraternité et de rétribution divine mêlées. » Mary Austin dévoile l’idiosyncrasie d’un monde étrange et pur. A peine dérangé par les hommes. Le sable est encens. Les hôtes de cette terre à peine effleurée savent ce que coûte en survie la chaleur, le peu et le rien. La vie rayonne dans l’écriture. Essentielle, digne, elle est l’essence même. Humble, elle donne à voir, ressentir, comprendre. Sans ce surplus qui altère les sens. « J’ai oublié de chercher, quoique j’en aie eu l’intention, si l’amandier sauvage poussait sur cette terre où Moïse gardait les troupeaux de son beau-père. Mais si c’est le cas, on tient peut-être l’explication du buisson ardent. Cet arbuste vous assaille d’une flamme telle une révélation. » « Le Pays des petites pluies » est une oraison. Un manteau de laine pour contrer les douleurs hivernales. Une échappée en plénitude. Merveilleusement, la puissance littéraire qui se donne dans cette noblesse verbale est le plus beau regard sur ce monde qui semble dénudé de toutes les aspérités, les métaux, les troubles d’un contemporain qui se brûle les ailes. Les êtres et les animaux semblent à peine nés dans un désert vierge de rancoeurs. L’essentiel est là. Mary Austin regarde et déploie le chant d’une nature bouleversante. La vie est rude. Les hommes en corps à corps, avec cette nature parfois rebelle. « Les hommes hirsutes et solitaires qui surveillent les troupeaux pourraient, en faisant abstraction de quelques ajouts vestimentaires, être les frères mêmes de David » Comment ne pas vibrer, pleurer, dans cette rencontre nourricière avec ces petites pluies divines. Cette majesté grammaticale qui devine l’important avant l’heure et qui pose la plus belle prière venue de l’Ouest Américain. De ce désert qui étant sa force bien au-delà des nuances géographiques se mêlant au charme fou « Des lisières d’eau ». « L’origine des cours d’eau est comme celle des pleurs, clair l’esprit mais mystérieuse pour les sens. » « Le lac, c’est l’œil de la montagne, vert jade, serein, impassible, insondable aussi. » « Le Pays des petites pluies » est une litanie, une apothéose littéraire. « La conclusion logique de la foi selon laquelle tout don pur vient de Dieu ne peut être que la main tendue et une noblesse pleine de bienveillance. Le repas préparé à l’extérieur sert à acheter une chandelle pour l’enfant défunt du voisin. C’est folie que de penser que la chandelle n’est en rien bénéfique ». Chaque syllabe de ce récit est un grain de lumière. Ce « Nature Writing » se lit doucement. Retenir l’hymne de cette terre libre. La préface de François Specq, remarquable, est à relire plusieurs fois tant elle délivre le majeur du récit de Mary Austin. Traduit également par François Specq « Le Pays des petites pluies » est édité par Le Mot et Le Reste. Et c’est une grande chance.
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