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Maja Thrane

Maja Thrane
Maja Thrane (née en 1974 à Stockholm) est journaliste culturelle (notamment pour Svenska Dagbladet), traductrice de l'anglais et du français (de René Char, Jacques Ancet, Linda Lê entre autres). Elle restaure aussi des pierres. Anvisning att konservera naturalier (Petit Traité de taxidermie) est... Voir plus
Maja Thrane (née en 1974 à Stockholm) est journaliste culturelle (notamment pour Svenska Dagbladet), traductrice de l'anglais et du français (de René Char, Jacques Ancet, Linda Lê entre autres). Elle restaure aussi des pierres. Anvisning att konservera naturalier (Petit Traité de taxidermie) est son premier roman. Il a été nominé en 2020 pour le prix Katapult du premier roman.

Avis sur cet auteur (1)

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    Couverture du livre « Petit traité de taxidermie » de Maja Thrane aux éditions Agullo

    Géraldine C sur Petit traité de taxidermie de Maja Thrane

    Agullo Éditions n’en finit décidément pas de surprendre : si la maison d’édition s’est spécialisée dans la publication d’auteurs européens, les thèmes, parfois très éclectiques, en revanche ne se ressemblent guère. Et ce n’est pas ce roman Petit traité de taxidermie, qui vient de sortir dans la...
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    Agullo Éditions n’en finit décidément pas de surprendre : si la maison d’édition s’est spécialisée dans la publication d’auteurs européens, les thèmes, parfois très éclectiques, en revanche ne se ressemblent guère. Et ce n’est pas ce roman Petit traité de taxidermie, qui vient de sortir dans la collection poche de la maison d’édition et qui porte le nom concis de Agullo court, qui va me faire démentir. C’est le premier roman de l’auteure suédoise Maja Thrane, également traductrice, journaliste et restauratrice de pierres, qui l’a concocté en s’inspirant librement de la vie du zoologiste August Wilhelm Malm. Si l’ouvrage est doté de couvertures, comme par leur habitude, judicieusement illustrées, l’intérieur de l’ouvrage, début et fin, comprend des illustrations en noir et blanc relativement surprenantes : celles d’une baleine que l’on tente de sortir péniblement d’un bâtiment. Cette première photo un peu déstabilisante est le reflet de ce texte qui l’est autant.

    Ce que j’ai principalement aimé dans ce texte, c’est son écriture très minutieusement imagée et à la fois, sonore qui éloigne ce titre de toute forme littéraire bien définie, qu’elle soit romanesque ou poétique, et dont une lecture à haute voix peut rendre un meilleur hommage à ce texte. Le fil narratif n’est pas évident à démêler et à suivre, à cause peut-être de ces nombreuses digressions, et ce brassage de différents mondes – celui des morts, celui des vivants, ceux des occupants actuels de la maison, Vera et Björn, qui côtoient ses anciens hôtes, dont entre autres le fameux intendant taxidermiste. Forcément, il est beaucoup question de mort, évidemment celles des bêtes, à travers ces corps embaumés, formolés, disséqués, empaillés, conservés d’une manière ou d’une autre, figés dans une sorte de présent éternel, une temporalité sans fin. La mort aussi de tous ces anciens habitants, qui à défaut d’avoir été taxidermisés, reviennent sous la forme de fantômes hantés les lieux, ce que l’auteure nomme Survivants, comme si leur présence s’était enracinée dans les rainures du plancher. Le présent et le passé, l’inanimé et l’animé se côtoient, enchevêtrés dans le même espace temps, la liste des animaux que le couple aperçoit, le souvenir de ceux qui furent, la trace des grands lacs des temps premiers. C’est fouillé, un peu alambiqué, mais la mélodie de la langue de Maja Thrane, à travers la belle traduction de Marie-Hélène Archambeaud, reste gravée dans le marbre de la mémoire.


    Il y a dans ce texte comme une élégie de la nature, de ses habitants, de la célébration de sa composition, de l’empreinte de l’homme, positive comme négative : l’auteure a plusieurs recours au papillon – l’Argus bleu, le Sphinx tête-de-mort – tout au long de ce texte, figure animale qui porte en elle symboliquement toute la fugacité de cette vie, de sa beauté éphémère peut-être, du passage de l’homme, où tout est voué à disparaître, son existence même, jusqu’à la moindre de ses traces. C’est un roman contemplatif, il décompose le mécanisme de cette vie qui passe, son processus de décomposition, il tente d’en figer certains morceaux dans la vaine inconsistance des mots.

    L’auteure associe des moments, des êtres, des souvenirs à chaque être du monde animal, comme si elle était elle-même une taxidermiste, car même s’il y a une certaine cohérence chronologique dans ce roman, qui en fin de compte donne des airs de fable à ce texte allégorique, il tient davantage de la compilation de moments vécues, de souvenirs, mis en parallèle avec des animaux, montant une sorte de bestiaire. Cet étrange texte tâte le pouls du monde et de la nature en abordant les sujets de la vie et la mort par le biais de la taxidermie, cet art plutôt singulier qui confond les deux, qui manipule la mort pour mieux retrouver la vie. On y retrouve parfois un tel mélange d’éléments, qui impliquent Games of Thrones et l’écrivain-voyageur de langue arabe Ibn Fadlan, ou les liens sont si tenus, qu’on ne peut ne pas les saisir. Ce Petit traité de taxidermie n’est pas un simple exposé d’animaux volants ou à écailles, il dissèque et expose aussi des créatures imaginaires, et les vies des individus par le biais constant des comparaisons animales.

    J’ai ressenti le fait que l’auteure cherchait à se saisir de l’essence de la vie, celle de la mort, l’une à travers l’autre obligatoirement, et son écriture très hachée parfois, est l’écho d’une perception parfois dure, parfois mélancolique, ou même belle d’une existence qui ne comporte aucune loi, si ce n’est sa fin inéluctable et déliquescente. C’est un texte qui s’écoute, qui se vit, qui s’observe, et qui ne laisse pas facilement laisser ouvrir la voie de ses secrets, comme celle de ses créatures, dan la lignée du triptyque Le jardin des délices de Jérôme Bosch.

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