"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Avis : DESTABILISANT
J’ai découvert et apprécié l’écriture de Poli Gyronase il y a quelques mois avec « Le monde des fous est infini », aussi l’occasion de découvrir un nouveau roman présenté comme un préquel (histoire reprenant l’univers et une partie des personnages d’un autre roman mais racontant une autre histoire) et écrit à quatre mains, m’a-t-elle parue impossible à refuser. Et j’ai eu bien raison car j’ai retrouvé le style très spécial de Poli transcendé par le style tout aussi original de Rosenn !
Un policier n’en peut plus de perdre ses illusions, ses rêves de justice, son envie de défendre la veuve et l’orphelin et de voir que seulement faire du chiffre intéresse les chefs. Mais hors de question de faire partager ses tourments à sa famille ! En revanche, quand les réseaux sociaux lui apportent une rencontre plus qu’improbable et une occasion de se challenger, il n’hésite pas à garder son téléphone au plus près pour répondre à la jolie femme qui s’ingénie à lui présenter une autre face de l’existence en mettant la barre de plus en plus haut.
Ce que j’aime avec l’écriture et l’imagination de Poli Gyronnase, c’est qu’il est impossible de savoir ce qui relève de la réalité ou ce qui est imagination. Et ce n’est pas parce que c’est violent que c’est de la fiction ! Il met le monde policier à la portée de tous et nous fait l’aimer tellement il souffre. Rozenn apporte une voix magnifique même si elle est tout aussi brutale et sans concession. Le mélange des échanges à la fois poétiques et très crûs sont sidérants. Les nouvelles policières sont l'œuvre de Poli, et les "Resets" sont écrits par Rozenn.
Tout le corps du récit est entièrement réalisé à deux, en fusionnant les écritures, exercice remarquable.
Il y a un joli début avec le jongleur en garde à vue. Ensuite, quand Yola prend la main, c’est tout autant un coup de poing qu’un coup de cœur quand on comprend l’environnement qu’elle veut nous décrire. Pour les deux, la dérision salvatrice occupe tout l’espace et la sensibilité tout autant que la chaleur humaine sont à cueillir au fil des pages.
Il y a quelques constructions et quelques détails qui m’ont fait tiquer mais dans l’ensemble, ce deuxième roman est comme le look particulièrement noir de Poli, à approcher pour trouver des vérités que l’on ne veut pas toujours accepter.
Je me suis demandé ce que voulait dire le titre Krokodil, appuyé par un superbe visuel de couverture. J’ai trouvé mais je ne vous le dirai pas... Si vous aimez les moments de lectures intenses, choisissez Laloy-Gyronnase et cet opus à 4 mains. Je les remercie pour leur confiance et je leur dis : au prochain.
Poli est flic à Bouches-Ville (Marseille ?). Il cache un secret à ses collègues, et même à Ornella sa compagne : il écrit des nouvelles qu'il publie sur Internet. Un jour, sur la plateforme où il publie ses textes, il rencontre virtuellement Yola.
Si le policier rédige des nouvelles très inspirées de son expérience professionnelle, la jeune femme publie de courtes romances plus légères, et même érotiques.
Un dialogue numérique se noue entre les deux auteurs...
Mon appréciation sera plus nuancée que celles que j'ai pu lire, sur Babelio notamment...
Dans le positif, je mettrai l'originalité de la forme du roman : l'échange de textes qui crée un véritable dialogue entre les deux auteurs ; la qualité des écritures, qui entretient le rythme. L'ancrage du roman dans la société et le réel (délinquance, misères sentimentale et sexuelle, addictions, etc.) est également un point fort ; on sent qu'il y a du vécu...
Dans le négatif, je dirai que j'ai eu du mal à me concentrer sur cette lecture, ce qui est factuel mais n'explique rien. Si je cherche à analyser cette difficulté, il me semble qu'elle vient de ce que, dans ce roman, la forme l'emporte sur le fond... L'alternance d'écrits de Poli et de Yola a fini par me dérouter, me faire perdre de vue le fil conducteur et le(s) message(s) que veulent faire passer les auteurs. La volonté de modifier systématiquement les noms de marques, tout en les laissant deviner, ajoute également une lourdeur qui me paraît inutile.
Restent un roman original dans sa structure et d'incontestables talents de conteurs.
Merci aux deux auteurs de m'avoir fait confiance en me demandant de rédiger cette chronique.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2022/03/17/krokodil-laloy-gyronnase-librinova-un-roman-original-mais-deroutant/
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