"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Journal d'un vieux fou" est tout sauf celui d'un fou au sens psy. C'est juste celui d'un homme de 77 ans qui a probablement été une ordure toute sa vie sous un vernis de respectabilité par l'argent (rentier par des biens immobiliers). Il est odieux, méchant, mesquin, lubrique, tyrannique, égocentré. Bref, rien à sauver.
D'ailleurs, lui-même par deux fois va écrire :
- ma vraie nature est perverse et j'ai le coeur froid à l'extrême (p. 1126 version Biblios)
- (en parlant de lui) un homme intrépide en apparence, en réalité poltron et prudent à l'extrême (p. 1129)
Le protagoniste, cet homme de 77 ans qui a des soucis de santé, vit au RDC avec sa femme qu'il dit avoir tyrannisé avec bonheur toute sa vie et elle-même ne vit que dans ce rapport là. Au 1er étage de leur maison de Tokyo, vit leur fils et sa femme, Satsuko. Ils ont aussi deux filles que l'homme se plait à mépriser et humilier.
Un jeu de voyeurisme se met en place entre le vieux et Satsuko jusqu'à ce que celui-ci veuille plus (la toucher). L'histoire est étrange, elle parait vénale et en même temps elle semble dégoutée à la fois par ce vieux (elle se lave pendant des heures, elle refuse beaucoup de choses et puis, quelques jours plus tard elle accepte).
C'est la dernière phrase de ce "journal" qui éclaire tout : le fils prostitue sa femme, Satsuko, pour essayer de faire mourir plus vite le vieux ! En effet, comme avec "La confession impudique", l'excitation sexuelle mène l'homme à sa perte (AVC)
C'est une oeuvre horrible, j'ai eu envie de tuer le vieux à chaque page, pareille pour sa purge d'épouse qui participe à tout ce cirque. La fin est immorale et terrible à la fois. Vive les huis clos familiaux chez de bonnes familles bien sous tout rapport...
Pas de Japon traditionnel, pas de sensation d'ancien / de folklore ou de cerisiers en fleurs. Bien au contraire, c'est une histoire d'amours tordues mais pour lesquelles on va jusqu'au bout avec une résonnance absolument moderne. En effet, elle pourrait être écrite de nos jours si ce n'est que certaines pratiques nous échappent un peu (faire un serment par écrit ou par trace sur la peau) alors qu'elle est écrite il y a un siècle !
Il est important de comprendre ce qu'est une Svastika (croix bouddhique à 4 branches qui semble tourner) pour comprendre l'enchainement de l'histoire de ces passions amoureuses tout à fait crédibles et pour lesquelles, parfois, on se voit en miroir (comment ai-je pu aller aussi loin dans un amour complètement absurde ?).
Cela me rappelle l'aphorisme de Pascal "Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas". C'est exactement cela ici. Les amours se croisent et s'entrecroisent, elles sont violentes, sincères dans leur folie et leur manipulation, dramatiques, sordides, éclatantes. On sait dès le départ que le mari et l'amour de la narratrice sont morts. Mais comment ? Les deux amours ne se connaissaient même pas. Mais la croix tourne...
La construction stylistique est dynamique, fluide, vivante en prenant le partie de faire raconter les évènements par la narratrice à un écrivain qui va lui même mettre en mots cette histoire. Cela relance le récit, fait cheminer et on suit cette "discussion" comme si nous étions l'écrivain lui même. Ce style m'avait déjà bluffé et captivé dans les livres de Sandor Marai (Métamorphoses d'un mariage).
Si vous avez quelques heures devant vous, ne vous laissez pas bercer par le chant douceureux du démarrage avec cette bluette entre deux femmes. Ce n'est qu'un leurre. Ce livre est un livre de la passion doublé d'une sorte d'Agatha Christie (qui trompe qui, qui joue avec qui, qui a tué qui).
Ce livre est une "réflexion sur la conception japonaise du beau" (4e de couverture et préface p. 13). Certes, mais c'est réducteur. Le titre est véritablement porteur du sens "Éloge de l'ombre" comme conception japonaise du beau versus le style occidental bling bling, sans âme et utilitaire. Le ton est moqueur sur un sujet qui pourrait nous apparaître, à nous Occidentaux (l'auteur en est convaincu), futile.
Avec regret, l'écrivain constate que le Japon intègre la modernité de l'Occident sans l'adapter à l'esprit japonais que se soit pour l'architecture des maisons (jusqu'aux toilettes qui ont leurs pages... intéressantes !), le cinéma, le théâtre traditionnel japonais (Nô et Kabuki), etc. En posant ce constat comme postulat, il nous éclaire sur la conception de l'ombre et de la couleur au Japon. Vivre à la japonaise se médite, vivre à l'occidentale se consomme. L'auteur nous déroule toutes ces conceptions bien loin de notre esprit avec clarté, précision, humour et profondeur.
L'avant dernière partie sur les femmes japonaises précédant la lumière électrique est une surprise emprunte de tristesse. Le "c'était mieux avant" est une illusion.
Un livre profond, moqueur parfois, méditatif. Pour ceux qui sont amoureux du 'japon traditionnel', c'est un incontournable pour en saisir les contours.
La clef – Junichirô Tanizaki.
Un homme, professeur d’université âgé de 56 ans et à l’âge du démon de midi tardif ne parvient plus à satisfaire sa femme d’une quarantaine d’années d’un tempérament excessif.
Il s’aperçoit que la jalousie serait un excitant…
L’auteur a choisi deux journaux intimes pour faire converser les époux.
Le roman tourne autour de la possibilité de lire ce que chacun des époux a écrit l’un sur l’autre sans avouer avoir lu ce qui est écrit.
Des scènes avec un voile sensible de mystère et une atmosphère délicate y sont décrites.
La fin du roman voulu par l’auteur donne une autre confession que celle espérée par l’homme et la femme du livre.
Un écrivain doux rêveur, à l’écriture sensible, mais qui dévoile tout juste la clef ; une confession devrait-on qualifier de pudique.
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