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"Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances inexprimables.
De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l'homme à la rêverie. N'étaient les objets de laque dans l'espace ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination.
Ainsi que de minces filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d'or." Publié pour la première fois en 1978 dans l'admirable traduction de René Sieffert, ce livre culte est une réflexion sur la conception japonaise du beau.
Ce livre est une "réflexion sur la conception japonaise du beau" (4e de couverture et préface p. 13). Certes, mais c'est réducteur. Le titre est véritablement porteur du sens "Éloge de l'ombre" comme conception japonaise du beau versus le style occidental bling bling, sans âme et utilitaire. Le ton est moqueur sur un sujet qui pourrait nous apparaître, à nous Occidentaux (l'auteur en est convaincu), futile.
Avec regret, l'écrivain constate que le Japon intègre la modernité de l'Occident sans l'adapter à l'esprit japonais que se soit pour l'architecture des maisons (jusqu'aux toilettes qui ont leurs pages... intéressantes !), le cinéma, le théâtre traditionnel japonais (Nô et Kabuki), etc. En posant ce constat comme postulat, il nous éclaire sur la conception de l'ombre et de la couleur au Japon. Vivre à la japonaise se médite, vivre à l'occidentale se consomme. L'auteur nous déroule toutes ces conceptions bien loin de notre esprit avec clarté, précision, humour et profondeur.
L'avant dernière partie sur les femmes japonaises précédant la lumière électrique est une surprise emprunte de tristesse. Le "c'était mieux avant" est une illusion.
Un livre profond, moqueur parfois, méditatif. Pour ceux qui sont amoureux du 'japon traditionnel', c'est un incontournable pour en saisir les contours.
Un incontournable pour les amoureux de la littérature japonaise!
belle réflexion sur l'esthétique japonaise.
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