Le festival América qui s'est déroulé à Vincennes, est l'occasion d'aborder la ittérature américaine avec Guillaume, libraire, à la librairie Mot à Mot à Fontenay-sous-bois pour nous faire part de ses trois coups de coeur.
Le festival América qui s'est déroulé à Vincennes, est l'occasion d'aborder la ittérature américaine avec Guillaume, libraire, à la librairie Mot à Mot à Fontenay-sous-bois pour nous faire part de ses trois coups de coeur. La...
Le festival América qui s'est déroulé à Vincennes, est l'occasion d'aborder la ittérature américaine avec Guillaume, libraire, à la librairie Mot à Mot à Fontenay-sous-bois pour nous faire part de ses trois coups de coeur.
L’auteur signe un roman d’atmosphère hyper tendu dont la progression croît au fil des pages jusqu’à la chute finale. D’un sommet à un gouffre… Javier Mallarino, un caricaturiste politique célèbre en Colombie, publié par un grand quotidien, ne se prive pas de jouer avec les réputations des célébrités en croquant l’actualité au jour le jour. Un de ses dessins, va gravement nuire à un député. Mais, ce pouvoir de dessinateur critique va être mis à rude épreuve… et venir bousculer sa propre réputation !
Tout en donnant un rendu de la ville de Bogota très réaliste, l’auteur nous livre une réflexion intéressante sur le métier des caricaturistes, sur les commentaires de la presse et leurs conséquences, sur le pouvoir d’un journal face à la société, sur le passé qui peut resurgir inopinément et le difficile travail de la mémoire…
« —Vous savez, on vit une époque détraquée. Nos dirigeants ne dirigent plus rien et se gardent bien de nous raconter ce qui se passe. C’est là que j’entre en scène. Je dis ce qui se passe aux gens. L’important, dans notre société, ce ne sont pas les événements en soi, mais ceux qui les racontent. Pourquoi laisser ce soin aux seuls hommes politiques ? Ce serait un suicide, un suicide national. On ne peut pas leur faire confiance, on ne peut pas se contenter de leur version, il faut en chercher une autre, celles d’autres personnes ayant d’autres intérêts, celle des humanistes. C’est ce que je suis : un humaniste. Je ne suis pas un humoriste. Je ne suis pas un barbouilleur. Je suis un dessinateur satirique, une activité qui comporte également des risques, inutile de vous le préciser. Le risque du dessin, c’est de devenir un analgésique social : sous forme de dessins, les choses sont plus compréhensibles, plus assimilables. Il est moins douloureux de les affronter. Je n’ai pas envie que mes caricatures jouent ce rôle, surtout pas. Mais c’est peut-être inévitable. »
« Quel étrange mécanisme que celui qui transforme une attaque journalistique en sables mouvants sur lesquels il vous suffit de trépigner pour vous enfoncer davantage, irrémédiablement. Mallarino se rendit compte qu’en isolant son offensive de tout événement concret et vérifiable, en la présentant comme un acte gratuit, il rendait la défense impossible, voire ridicule : il est difficile de répondre à un non-dit, à moins justement, de le formuler. »
« Le 4x4 de Mallarino serpentait sur la route vitreuse en direction de la ville. Fouettait la carrosserie : c’était à Bogota une de ces averses typiques qui empêchent toute conversation posée, obligent les conducteurs à froncer les sourcils et à empoigner le volant à deux mains. A gauche s’élevait la montagne, toujours menaçante, donnant toujours l’impression qu’elle allait s’effondrer sur les gens et passer sous le ruban gris de la route avant de dégringoler à droite en pente rude, puis d’exploser au loin pour devenir miraculeusement la topographie étendue de la ville. A l’horizon, là où les collines de l’ouest perdaient leur côté verdoyant et se teintaient de bleu, le ciel couvert de nuages gorgés de pluie se parait de la lumière des avions comme une vieille putain essayant une paire de boucles d’oreilles. »
« Bogota est une grande ville désolée ; à l’approche de Noël, ses rues aux lumières scintillantes lui confèrent l’aspect mélancolique d’une fête qui a mal tournée. »
Un roman de fiction passionnant sur les dessins dans la presse, ceux de Ricardo Rendon, de James Gillray « où Napoléon se coupe une belle part du gâteau représentant l’Europe », « les têtes grotesques de Léonard de Vinci », les physionomies de Pora et Lavater ou encore le fameux dessin de Daumier qui en 1834 portraiturait Louis-Philippe avec une tête en forme de poire contenant trois visages. Les dessins satiriques restent un sujet très actuel …
Toujours est-il que le portrait de Javier Mollarino est une naration talentueuse qui se lit à trait tendu…
Autant l’avouer, je ne suis pas férue de littérature étrangère. Je n’en ai par ailleurs que très peu de connaissance. Peut-être par crainte d’un décalage lié à la traduction je privilégie, en effet, la lecture d’ouvrages d’auteurs français. Mais il se trouve que j’ai eu à lire, dans le cadre de la rentrée littéraire, le dernier roman d’un auteur colombien, Juan Gabriel Vasquez, "Le corps des ruines".
Je remercie très sincèrement les Editions du Seuil.
Juan Gabriel Vasquez, l’auteur, est aussi le narrateur. Il raconte sa rencontre, un soir, chez son ami le Docteur Benavides, d’un certain Carlos Carballo. Cet homme particulier a tendance à voir dans l’assassinat de chaque homme politique célèbre la "patte" de puissances obscures. Et, quand il parle notamment des meurtres du sénateur colombien Rafael Uribe Uribe tué en 1914 à coups de hachette par deux menuisiers, du leader libéral Jorge Eliecer Gaitàn en 1948 ou encore de celui de John Fitzgerald Kennedy, il n’y voit qu’une série de complots. Si Vasquez considère d’abord les propos de ce Carlos comme pures divagations, il va petit à petit se poser des questions et tomber dans le piège de son interlocuteur… et y entraîner la lectrice que je suis.
Je dois reconnaître que la lecture de cet ouvrage m’a demandé du temps, beaucoup de temps. On ne se plonge pas dans le texte comme un nageur en eau tranquille. Il m’a fallu souvent m’interrompre pour faire des recherches. Je ne connaissais rien de l’histoire politique de la Colombie et si l’assassinat de Kennedy reste parfaitement ancré dans ma mémoire, j’ai dû relire certains articles pour m’assurer de n’avoir rien oublié des circonstances et de ce qui en fut relaté par la suite. Aux confins de l’autobiographie – je l’ai dit, l’auteur est en même temps le narrateur – de l’enquête à la fois politique et policière, il s’agit pourtant bien d’un roman : "Mais moi, c’était la seule chose que je trouvais captivante dans les romans : l’exploration de cette autre réalité ; non la réalité des faits ni la reproduction romancée des événements véritables … qui poussent le romancier vers des endroits interdits au journaliste ou à l’historien."
J’ai trouvé ce roman exigeant, fouillé, érudit où les références littéraires sont pléthores qui citent Gabriel Garcia Marquez, mais aussi Thémistocle et Cicéron. Et je ne parle de Carlos Gardel le célèbre chanteur et compositeur de Tango, dont la mort est également présente. Les personnages fourmillent et les détails sont légions. Comme l’auteur, je me suis sentie emportée par les propos de ce Carballo qui mène la danse et fait vaciller la raison. Et si ce qu’il avance était vrai ? Et si derrière chacun de ces crimes existait une autre vérité ? Ces questions présentes au fur et à mesure de l’avancée du récit le rendent envoûtant et m’ont fait oublier les quelques longueurs que je pourrais lui reprocher. Il est vraisemblable que quelques pages en moins – il y en a tout de même 500 – n’auraient en rien nui à son intérêt.
Pour autant, j’ai été emballée, admirative de tant de connaissances et de talent d’écriture. J’ai ouï dire par une Colombienne qu’il n’était pas particulièrement connu dans son pays natal mais il faut dire qu’il a plus vécu ailleurs. En tous les cas il est évident que l’histoire de son pays d’origine lui tient à cœur.
"Les réputations" est un roman qui porte bien son nom. Après avoir lu la dernière ligne, je me suis dit que Juan Gabriel Vasquez n'aurait pas pu l'appeler autrement. Effectivement, ça parle de la vie d'un caricaturiste colombien qui publie quotidiennement dans un journal national. Ca fait 40 ans qu'il y travaille, il est célèbre et sait qu'il détient un certain pouvoir au niveau national puisque, d'un coup de crayon, il peut faire ou défaire les réputations des "puissants". Puis un jour, sa vie déraille quand une jeune femme le ramène à un épisode de son passé, le liant au décès d'un député. Au fil du roman, on en apprendra plus sur l'évolution de leurs "réputations" et sur l'impact des médias, que l'information soit sure ou pas, sur les personnes.
Le livre est court et surprenant du début à la fin. le style de Juan Gabriel Vasquez est dense mais très agréable à lire. On se complaît à relire certains passages pour mieux les apprécier ou mieux les comprendre.
Cette histoire est finalement intemporelle et pourrait être transposé au web 2.0 dans lequel un simple tweet ou publication peut détruire la réputation voire la vie d'une personne.
Ce livre est une excellente surprise et je remercie les éditions Points pour me l'avoir fait découvrir dans le cadre du prix du Meilleur Roman 2016.
Javier Mallarino, auteur de dessins satiriques pour la page Opinions du journal El Independiente, se prépare à recevoir une distinction pour l’ensemble de son œuvre. C’est alors qu’une vieille histoire refait surface.
Le métier de caricaturiste confère un puissant pouvoir à celui qui l’exerce. Et les croquis que Javier dessine à coup de traits corrosifs, malmènent les politiques, fustigent les narcotrafiquants, égratignent les militaires, interrogent les magistrats. Et d’un trait de crayon, Mallarino peut détruire une réputation, pousser sa victime à la démission ou même pire... car aux yeux de ses concitoyens, c’est une sorte de justicier incorruptible.
Cette image est le fruit d’une pugnacité à toute épreuve et d’un courage politique sans faille, à l’instar de l’homme qui lui inspira cette vocation : Ricardo Rendòn grand caricaturiste de Colombie du XXe siècle qui se suicida à l’âge de 37 ans.
Mais le roman est là pour nous montrer le revers de la médaille en explorant les failles de cet homme qui a conquis la confiance des gens au détriment de sa vie familiale et de l’amour de sa femme, cette dernière ne supportant plus les menaces et intimidations répétées auxquelles les soumets le métier de son mari.
Le soir de la consécration, à la suite des discours, une jeune journaliste se présente à Javier et lui demande un entretien. Samanta Leal, n’est pas ce qu’elle prétend ; elle est pourtant la protagoniste d’une ancienne histoire qui refait surface, celle d’un incident dont a été témoin Mallarino. Son talent et son influence avaient alors été utilisés pour discréditer et accuser le coupable présumé.
La venue de la jeune fille est l’occasion pour le caricaturiste de revenir sur cet événement, le fondement et la réalité des faits. Avec le recul, le doute l’effleure et c’est bientôt une totale remise en question qui s’empare de lui. Mais à l’époque les dessins de cet homme infaillible auréolé de son autorité morale sont une arme en faveur de la justice et il frappe.
Tout ceci est bien le cœur du roman. Qu’est-ce que la réputation ? Comment la gagner, la conserver ? Mais aussi une fois acquise, quel est son pouvoir ? Lorsque qu’une personne a la faculté de faire et de défaire une réputation ou plus généralement lorsqu’une personne a du pouvoir, n’est-il pas tenté, même avec les meilleurs intentions du monde, d’en abuser ?
Ce roman en trois parties, au style impeccable, profond et subtil nous pousse vers la réflexion et le questionnement et ce n’est plus si courant. Un vrai récit intelligent que je vous recommande chaudement et qui incite à la découverte de l’œuvre de cet auteur colombien.
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