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Lire une nouvelle de Jeanne Desaubry, c'est avoir l'assurance d'un très bon moment de lecture. Et avec celle-ci, parue chez Ska Editeur numérique, collection Noire Soeur, c'est carrément un excellent moment de lecture que la nouvelliste nous offre.
Omar, jeune adolescent, vit seul avec sa mère Hafida dans la sordide cité Beauvoir où les trafics de toutes sortes sont légion. Un panier de crabes dans lequel Omar est tombé et qui lui permet d'améliorer un peu leur quotidien à tous les deux depuis qu'Hafida enchaîne les dialyses.
Dans la vie d'Omar, il y a aussi Mélissa qui a accepté une sortie au cinéma avec lui ce soir. Ce dont le jeune garçon se réjouit sans pour autant s'empêcher d'éprouver une légère angoisse, comme un mauvais pressentiment.
Ce qui m'a le plus émue à cette lecture, outre l'affection sincère que Omar et Hafida se portent (celle-ci appelant tendrement son fils, Hebnie), c'est le rythme que lui insuffle Jeanne Desaubry sur une construction chorale inattendue.
C'est aussi et, pour beaucoup, la fin que la nouvelliste y apporte. Après avoir ressenti le sentiment étrange d'être dans un récit convenu, attendu même, l'autrice nous coiffe au poteau. De la plus surprenante des façons, conférant ainsi son excellence à cette histoire.
De Coluche, je connais les spectacles, les Enfoirés, sa participation à la campagne présidentielle de 1981 mais j’ignorais qu’en 1980 son régisseur avait été retrouvé tué par balles dans la banlieue parisienne. C’est ce fait divers et réel que nous relate Jeanne Desaubry dans un roman ayant pour source son propre journal intime. Mais ici point d’autobiographie, c’est le roman et la fiction qui prennent place notamment par la polyphonie. Outre la voix de la narratrice, Marie, 22 ans, jeune femme enceinte de la victime, sa maîtresse car l’homme est toujours marié, on entend celle d’un journal intime sans ponctuation ou presque, comme un souffle ou une litanie, parfois une longue plainte mais aussi celle de la victime, René, dans une gouaille parisienne bourrue. Certains seront parfois gênés par l’alternance de ces voix mais ce kaléidoscope permet de construire le tableau complet de cette année entre deuil et enquête policière.
Couverture du livre « Le régisseur » de Jeanne Desaubry aux éditions Archipel
Aux premiers abords, je pensais que ce récit serait très factuel et un peu barbant et j’ai été agréablement surprise de voir comment un fait divers arrivait à prendre une dimension romanesque dans Le régisseur. On se prend vraiment au jeu de l’enquête tout en éprouvant une réelle empathie pour Marie, veuve, sur le point d’accoucher et abandonnée par l’entourage de René. Derrière l’enquête se dresse un tableau cynique du monde du spectacle où l’amitié n’existe pas contrairement aux magouilles et compagnie.
On se laisse vraiment prendre dans ce récit et comme on sait que l’histoire est inspirée de la vie de l’autrice, on s’imagine le travail douloureux qu’a dû être la fictionnalisation d’une histoire si personnelle et si tragique.
En résumé : du fait divers au roman, un passage pleinement réussi.
Ce livre nous raconte la misère et la difficulté de vivre correctement quand l'argent manque
c'est un sujet de société qui est bien mis en valeur par ces deux personnages
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