Avec "État de nature", Jean-Baptiste de Froment signe un roman énergique qui convoque l'actualité à chaque instant
Avec "État de nature", Jean-Baptiste de Froment signe un roman énergique qui convoque l'actualité à chaque instant
Alors qu’elle vient d’enterrer son mari, Hermine de Larmencour est confrontée à l’invraisemblable. Le tombeau du défunt a été profané et le corps a disparu ! Pire encore, plusieurs témoins, très marqués par l’affaire, disent l’avoir rencontré. Tandis que l’histoire s’ébruite, d’autant que les apparitions se multiplient, et que les réseaux sociaux s’en mêlent, un émissaire du vatican vient enquêter sur place.
Intrigue originale, qui permet de mettre en mots les invraisemblances du fonctionnement de notre monde contemporain. Autour d’un personnage central fort, qui aurait bien voulu mettre à profit une certaine liberté procurée par le veuvage, mais entrainée dans une tourmente qui la dépasse, le roman se parcourt avec plaisir. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, et en particulier le sulfureux Benjamin Spark.
Derrière la fable, les questions du bien et du mal surgissent tandis que la nature humaine apparait sans mystère aussi fragile qu’inconstante.
Une lecture divertissante, sur un thème original.
283 pages Anne Carrière 23 août 2024
Lu dans le cadre du jury des lecteurs FNAC 2024
Qu'ont en commun une valise Samsonite noire, Aladdin et un âne qui braie ? « Bradroulboudour » évidemment ! C'est la fameuse princesse, fille du sultan dont Aladdin tombe éperdument amoureux dans l'un des contes des « Mille et une nuits » (devenue Jasmine chez Disney, plus facile à prononcer!)
L'histoire du dernier roman de Jean-Baptiste de Froment se déploie avec malice autour de ce texte fondateur de l'histoire littéraire, que nous connaissons tous sans jamais l'avoir lu (je parle pour moi surtout!), mais que le personnage principal du roman, Antoine Galland, connaît sur le bout des doigts pour en avoir fait l'objet de sa thèse. Et puis Galland était en quelque sorte prédestiné à l'étude des « Mille et une nuits » parce qu'il est l'homonyme de celui qui au XVIIè siècle l'a traduit pour la première fois, l'autre Antoine Galland.
Si Antoine Galland, l'universitaire, est en pleine gloire professionnelle (et ça risque de se gâter), il ne vit pas ses meilleurs moments sur le plan personnel. Sa femme l'a quitté et pour les vacances, elle lui a fortement suggéré d'emmener leurs filles en Egypte au Kloub, une sorte de club Med au carré, dont la description ne manquera pas de vous faire hurler de rire (je ne suis pas remise du roulage de pelle en guise d'accueil). Et ce séjour oriental s'annonce mémorable !
Impossible de résumer ce roman foisonnant, bourré de références littéraires et philosophiques, aussi léger et drôle dans le portrait qu'il dresse de Galland à côté de ses pompes, qui se retrouve pris dans un scandale d'appropriation culturelle, qu'intelligent et profond quand il donne à voir les ravages de l'industrie du divertissement sur la classe politique ou dans les médias (ahh..la version poésie de la Star Ac, délicieux!). Un bel hommage aux « Mille et une nuits » et au pouvoir de l'amour !
J’ai appris bien des choses sur les « Mille et une nuit » à commencer par « Badroulboudour » et sur son traducteur en français. J’avais écouté des émissions de radio sur ces histoires mais je ne me souviens pas avoir entendu parler de ce traducteur historique.
Ce roman a plusieurs trames.
Antoine Galland a été quitté par sa femme qu’il aime encore, à cause de son manque de prise de décision.
Antoine Galland est un bon père mais il n’a pas eu à se battre pour avoir la garde alterné de ses filles…
Antoine Galland est passionné par son homonyme qui a traduit les « Mille et une nuit » et toute sa carrière universitaire tourne autour de cela.
Antoine Galland semble très influençable et il se retrouve mis en avant par le président de la république…
Antoine Galland va se retrouver au milieu d’un scandale, et d’autres événements qui requièrent une prise de position.
Antoine Galland serait-il une marionnette dont on tire les ficelles ?
Donc la question est va-t-il être à la hauteur de ce piège infernal ?
Antoine Galland se croit tranquillement en vacances avec ses filles dans un club en Égypte.
J’ai bien rit avec son côté paumé, son côté dans la lune. Antoine Galland est un antihéros ou un héros malgré lui ? Ce que j’aime dans le personnage d’Antoine Galland, c’est sa vision du monde, la part de magie dans toute chose ainsi que la pensée magique qui aide à vivre le quotidien. On pourrait croire qu’il est à côté de la plaque mais il est là où il a choisi d’être. Ce roman comporte une grande part de réel merveilleux.
Tout ce qui touche à la création, les mots, la traduction et la recherche et tous les questionnements qui en découlent, m’intéresse alors j’ai beaucoup apprécié ces passages là. Il a aborde des sujets sur le pouvoir des textes et des enjeux politiques qu’ils peuvent receler malgré eux. Il est question de différence de Culture. Derrière la postérité de certains textes cultes il y a l’ambition d’un homme ou d’un pouvoir. La façon dont Jean-Baptiste de Froment aborde toutes ses thématiques est très intéressante.
Le sujet est sérieux et traité sérieusement mais dans un roman drôle et abordable. On enchaîne les chapitres pour savoir où il veut en venir. Le lecteur se doute de certaines choses et le narrateur ne cache pas qu’il est question de manipulation, mais de qui ?
Et quelle fin !
Subtil « Badroulboudour » sous ses faux airs d’un conte de par le titre, se cache un roman intelligent et intuitif.
Le premier roman de Jean-Baptiste de Froment « État de nature » très remarqué était une gageure et une sacrée prouesse. Ici c’est le sacre, l’envolée d’un tapis volant. La confirmation d’un auteur au grand devenir, à la belle humilité.
« Le kloub, tu vas voir c’est assez spécial quand même, lui avait dit Madeleine, son ex-femme. »
L’incipit lance les dés. Antoine Galland part en Égypte avec ses deux fillettes. Le Kloub est une parabole, celle des clubs à grande échelle pour touristes où tout est organisé à des fins de lâcher prise. Sauf que dans ce récit aux signaux vifs, Le Kloub est un emblème politique, sociétal. La dénonciation d’une colonisation sournoise et insidieuse. Là où le bas blesse est qu’Antoine Galland est un anti-héros, le bouc-émissaire de règlements de compte ancestraux et inoubliables. Antoine Galland emporte une pierre dans ses bagages. Il se nomme comme le traducteur des « Mille et une nuits » contes arabes publié en 1704.
« Badroulboudour » lève le voile sur les plagiats, les violations de la propriété intellectuelle. Dressé au carré à l’instar d’une table où pas un faux-plis ne brouille les yeux. Ce roman ensoleillé, aux multiples degrés est une analyse contemporaine des faiblesses de notre monde. Une déambulation en Égypte où le cheminement est une invitation à comprendre l’envers d’un décor paradisiaque. Jean-Baptiste de Froment est le génie évident de « Badroulboudour ».Le mirage des « Mille et une nuit, Alladin et la lampe merveilleuse » enclenche dans ce conte-satire l’envol des vérités qui vont éclater à l’instar d’un ballon de baudruche.
Pétillant, frétillant, sous ses allures d’un roman exotique, politique, se cache une profondeur inouïe.
Lisez les références en pages finales, vous comprendrez alors que « Badroulboudour » est le sérieux masqué, un travail de recherches colossales. Une chance pour le lecteur.
Brillant, un lâcher de contes en plein désert. Publié par les majeures Éditions Aux Forges de Vulcain.
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