On aime, on vous fait gagner les pépites littéraires sélectionnées par la librairie Gwalarn
C’est le moment de retourner chez le libraire ! Pendant de longues semaines, la situation sanitaire nous a toutes et tous empêchés de nous rendre dans ces lieux qui nous tiennent tant à cœur. Alors que le déconfinement progressif se concrétise...
On aime, on vous fait gagner les pépites littéraires sélectionnées par la librairie Gwalarn
Les aigles de panther gap est un roman étonnant. L'auteur fait des allers retours constants entre passé et présent afin de donner au lecteur des pistes de compréhension. Bowman et Summer sont les 2 enfants devenus adultes qu'on suit tout le long du livre. Ils sont attachants et ont suivi des trajectoires très différentes malgré les liens qui les unissent. Le lecteur comprend tout à la fin, les choix dans l'éducation que leur a donné Léo leur père. Livre dense qu'il faut prendre le temps de lire jusqu'au bout pour le fermer avec satisfaction.
Bowman et Summer, frère et sœur, ont grandi dans un ranch du Colorado avec leur père qui les a élevés dans l’idée de les préparer aux pièges du monde et à écouter la nature. Ce ranch, coupé du monde, construit comme une forteresse a été un lieu privilégié et préservé pour les deux enfants mais leurs chemins se sont séparés à l’âge adulte. Summer a choisi de rester au ranch avec ses oncles et Bowman s'est exilé dans la jungle du Costa Rica. Vingt ans après, les voilà confrontés à un passé qui ressurgit et à des secrets liés à une histoire de succession compliquée qui va mettre leurs vies en danger.
Voilà un roman ambitieux (trop peut-être) et foisonnant. Il y est question de secrets familiaux, de liens du sang, de protection et de communion avec la nature, d’aigles, de jaguars, de mafia, de trafic, d’argent sale, de drogue, de cartel, de violence, d’héritage, de transmission, de quête mystique...
Trop de sujets pour un seul livre et un seul lecteur ! D’autant que l’auteur traite le récit en alternant le passé, sensé éclairer les événements qui se déroulent, et le présent, ce qui finit d’embrouiller le lecteur à moins d’avoir une concentration à toute épreuve. Sans compter la multiplication des personnages dont les rôles ne sont pas toujours clairement définis.
Le roman tient du western, du polar, du “nature writing”, du roman d’émancipation... bref, là encore beaucoup de genres se côtoient pour former un récit singulier, certes, mais complexe et exigeant.
Le lecteur oscillera ainsi entre l’impression d’être totalement perdu au sein d’une histoire labyrinthique dont l’ensemble des tenants et des aboutissants lui échappent et des moments de pure fulgurance où l’attention est de nouveau captée. Peut-être parce que l’ensemble est servi par un style fluide, gracieux et poétique et par de nombreux dialogues qui poussent à poursuivre la lecture et à accepter de s’égarer parfois puis de reprendre pied avant de, de nouveau, se perdre dans les méandres de l’histoire de Summer et Bowman et dans l’épopée de ce ranch-forteresse.
Un moment de lecture particulier et quelque peu déstabilisant mais bizarrement pas entièrement désagréable ! On peut par ailleurs noter, et saluer, le fait que les Editions Rue de l’Echiquier ne cèdent pas à la facilité dans leurs choix d’auteurs et de romans.
Bowman et Summer ont grandi dans un ranch du Colorado protégé comme une forteresse, presque caché entre falaises, montagnes et forêts, parcouru de torrents, de lacs, de prairies où paissent des bisons. Une éducation à la dure, à l'écart du monde, par un père paranoïaque qui les a élevés « pour qu'ils connaissent la vérité violente et dérangeante du monde (... ). Dans leur os. » L'ouverture spectaculaire, marquante, laisse dans les rétines l'image d'un garçon de onze ans qui sert d'appât pour un aigle de chasse. Recouvert d'une peau de loup avec des cous de poulets accrochés, il subit une terrible attaque sous l'oeil du père.
A partir de là, le lecteur est complètement happé par le destin de ce frère et cette soeur que l'on suit âgés de trente-cinq. Après une enfance fusionnelle, leurs chemins ont bifurqué : elle est restée au ranch pour le maintenir à flot, lui est devenu un vagabond proche de la nature. Un mystérieux héritage, celui de leur grand-père fondateur du ranch, resurgit. de l'argent sale, très sale. Sans doute une fortune. Evidemment l'explication à la paranoïa du père qui a voulu les préparer. Assurément une menace car des gangs patientent depuis des décennies pour s'en emparer.
La maitrise narrative de James est assez impressionnante : des flashbacks sur le temps de l'enfance et du passé des deux frère et soeur qui éclairent le présent en distillant pile aux moments opportuns des informations propulsives ; un thriller haletant, ultra tendu, quasi en mode course-poursuite autour de la question de ce sulfureux héritage. Et puis il y a ces superbes et originales pages de nature writing qui apportent beaucoup de densité à l'avancée du récit.
« Ne pourrait-il pas simplement rester ici ? Vivre ici seul et renoncer à son ego humain. Une sorte de pénitence pour être parti. Il pourrait survire assez facilement : il savait où trouver de m'eau, où creuser pour extraire des racines, se nourrir de baies sauvages aux côtés des ours noirs, poser des pièges, tendre une embuscade à un jeune wapiti. Il pourrait vire, son corps devenant plus fort tandis qu'il oublierait, oublierait, une inexorable entropie cognitive déchiquetant le moi qu'il avait construit pendant des années d'absence ? Comme des doigts effeuillant le duvet de chardon jusqu'à ce que les derniers filaments se séparent et partent à la dérive dans la brise ? Ne laissant que du vide. »
Comme dans son formidable précédent roman ( Dans la gueule de l'ours ), James A. McLaughlin sait rester au plus de l'humain. le personnage du frère est somptueusement caractérisé. Complexe, sauvage, fragile et fort à la fois, Bowman évolue dans un espace-temps différent de celui des autres depuis qu'il poursuit un chimérique jaguar avec lequel il communique spirituellement tel un chaman qui entendrait les voix des Anciens, en l'occurence les Indiens Anasazis.
C'est avec ce personnage presque anachronique que l'auteur fait le mieux échos à des interrogations métaphysiques très contemporaines sur le rapport de l'Homme au monde et sa place dans la nature. Bowman n'aspire qu'à vivre en harmonie avec la nature, pour fuir le bond prométhéen d'hommes prédateurs et cupides incapables de se restreindre en cette ère destructrice de l'anthropocène. Ce n'est pas un hasard si l'aigle de chasse ( fil conducteur en filigrane du récit ) qui veut reprendre sa liberté, se prénomme Alecto comme une des Erinyes, ses entités vengeresses qui pourchassent ceux qui ont commis des crimes.
Un superbe thriller sombre et implacable, teinté d'écologie, qui impressionne par l'ampleur et la maitrise qu'il déploie.
Voici un roman ambitieux qui défie les genres et les frontières. Western moderne, thriller environnemental ou chamanique. C’est au choix. Il y autant d’action que de contemplation, autant de mysticisme que de matérialisme dans cette histoire.
Enfants, Bowman et sa sœur Summer étaient inséparables. Elevés par leur père et leurs deux oncles dans un ranch isolé et caché du monde extérieur, ils ont grandi en connexion avec leur environnement sauvage et avec les esprits. L'instruction de leur père est allée bien au-delà de l'amour et du respect de la nature. Ils ont appris à ne pas faire confiance au monde extérieur et à considérer comme une menace tout ce qui est étranger à leur univers. Ils ont appris à penser comme des proies afin de se sortir de toutes les situations. Ce même père va pourtant décider à l’adolescence qu’il est temps pour eux de vivre des expériences en dehors de leur ranch insulaire. Ce sera le début de l’éloignement. Les enseignements reçus vont façonner leur personnalité et leur psychisme pour en faire deux personnes très différentes. Alors que Summer reprend le ranch, Bowman disparait sur la trace du Jaguar.
Un héritage inattendu va les amener à se réunir et à mener la bataille de leur vie contre des ennemis venant de toutes les directions.
Tout au long de son roman, McLaughlin tisse le passé et le présent dans un incessant aller-retour qui nous fait découvrir les sombres secrets de la famille et leurs répercussions sur l’intrigue principale. Entre les cartels de la drogue, les banquiers avides et la mafia, il est parfois difficile de reprendre son souffle. Heureusement la dimension mystique vient apaiser l’ambiance régulièrement. Cela donne à l’histoire un rythme singulier avec l’avantage de ne jamais lasser et l’inconvénient de perdre un peu le lecteur. Et si la scène d’ouverture du roman est de celles qui ont le pouvoir de vous accrocher immédiatement, je donne un petit bémol pour la suite qui s’étire un peu trop à mon goût.
Après deux romans, force est de constater que McLaughlin impose un univers qui lui est propre, allant bien au-delà du romanesque pour proposer une réflexion sur le rapport de l’homme à la nature, sur le non-respect de l’environnement et des Anciens au nom de la modernité et de la course au profit. Si vous avez aimé « Dans la gueule de l’ours », celui-ci devrait vous séduire tout autant.
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