"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Juin 1963.
Toute la via Dante s'agite sous les cris de Cosentino. On parle fusils et malédictions. « Le diable a pris la petite Luisa » sous les traits du baron. La jeune fille lui a souri. Elle a déshonoré sa famille. Et toute la rue prend plaisir à s'en mêler.
Depuis trois ans maintenant, Luisa Cosentino remplace son frère Enzo qui a quitté la maison pour l'Amérique. Elle travaille aux champs avec son père, durement. Jamais elle n'imaginait qu'un simple sourire le mettrait dans une telle rage. Elle n'a pu le contenir, et puis, était-il un tel crime ?
En croisant le jeune baron, elle s'est souvenue qu'elle l'avait aidé quand il était en mauvaise posture, coincé sous sa Vespa. Et le fameux sourire s'est dessiné sur ses lèvres innocentes. Elle n'a pas cherché à donner d'explications, pas plus qu'on ne lui en a demandé. Alors elle est partie. Luisa, l'opprobre des paysans, n'en peut plus de sacrifier sa jeunesse et de ravaler ses espoirs. Un petit baluchon garni de quelques provisions sur le dos, elle a pris la clé du vieux cabanon de feu son oncle. Elle a bravé la nature, l'accès n'était pas facile, mais elle a choisi l'isolement avant qu'on ne le lui impose. Elle a épousseté les meubles, et loin de tous, elle s'est installée au chaud. Mais qu'attend-elle au juste ?
Le récit prend parfois des allures de conte, notamment à travers Silvio, jeune rebelle escorté par un loup qui court la forêt, animé de colère et de liberté. Chaque rencontre entre les deux jeunes gens est un délice de délicatesse. Les phrases sont courtes, les descriptions brutes, à l'image de la mentalité des personnages. le paysage occupe une place de choix dans cette tragédie qui ressemble bien trop à la réalité. La Calabre, le sud de la Botte qui relègue les femmes derrière les fourneaux et ne leur donne jamais la parole. La tyrannie des villages où tout s'interprète, se déforme, se dénonce. J'ai souffert pour Luisa, pour Nina (que je vous laisse découvrir), souffert pour toutes ces jeunes Italiennes qui rapetassent leurs rêves au fond des poches de leur tablier. Souffert d'incompréhension face au silence des mères qui baissent les yeux devant leurs filles qui se taisent avant même qu'on leur en intime l'ordre, souffert de ce schéma qui se répète, détruit, mais perdure.
Ce roman est comme imprégné d'un sentiment d'urgence. Malgré les descriptions prégnantes, le temps ne semble jamais se suspendre. Il y aura des lendemains vers lesquels on avance inexorablement. On ignore de quoi ils seront faits. Par qui ils seront faits.
Poétique et cruelle, cette Histoire calabraise est écrite avec une finesse remarquable, une déférence qui tient quelquefois à distance et force la remise en question. Un voyage dans le temps, les montagnes et les consciences, dont on se souviendra.
Quelle étrange histoire que celle d’Agnès.
Elle vit seule dans un village, a pour voisin Antonin, ne se défait que rarement de son sac à dos. On ne sait pas grand-chose d’elle pendant une bonne partie du livre et on se pose des questions.
Et puis, Martine, la boulangère lui demande d’héberger quelques jours leur commis.
Et puis elle a acheté un ordinateur.
Et puis il y a ce danger des frelons asiatiques, et justement dans sa grange, il y a des frelons. Les relations des personnages sont étranges. Leurs pensées sont écrites en italique, ce qui rajoute à leur intimité.
L’écriture aussi est étrange, mais belle, amoureuse de la campagne.
Un très bon rendu de la vie rurale, ses coutumes, ses légendes, ses relations, son passé….
La fin laisse un goût de tristesse, de dommage, mais fait durer la vie des personnages en nous, une fois le livre refermé.
Magnifique texte, entre le conte et le roman.
A l'heure où nos vies parfois nous échappent, il est bon de plonger dans ces pages qui nous rappellent que nous faisons partie d'un tout !
C'est riche de surprises et de découvertes.
Bravo à l'auteur à qui je souhaite un beau succès.
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