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Jean-Bertrand Pontalis était un vieil homme comme je les aime, « vieil homme » dans son acception la plus noble, l’homme de l’expérience, de la folle sagesse, le psychanalyste à l’oreille attentive, l’écrivain de la vie, du partage, du lien. C’est avec Le songe de Monomotapa que je l’ai découvert en 2009 et c’est avec une grande tristesse que j’appris sa mort, en 2013, un peu comme un ami que l’on perd.
C’est précisément de cela dont il s’agit dans cet essai-roman : La célébration de ce drôle de sentiment, indéfinissable et intemporel, ce sentiment que l’on nomme « Amitié ». En un peu moins de trente chapitres courts, Jean-Bertrand Pontalis dépeint par petites touches, à la manière d’un impressionniste du dix-neuvième siècle, ce que signifient pour lui l’Amitié et les amitiés, ce qu’elles symbolisent, ce qu’elles reflètent de notre société et de notre manière d’être. Tout cela sans jugement, sans prétention, sans plan préétabli… Plutôt comme des digressions, des évocations, des fragments avec en toile de fond ce questionnement : Tout cela existe-t-il vraiment ? N’est-ce pas là une illusion de croire en ce sentiment ? Tout cela n’est-il pas rien de plus qu’un songe ?
« Mon projet était d’écrire un éloge de l’amitié. Si ce que je craignais de découvrir –là serait l’obstacle-, c’est que l’ami véritable dont parle La Fontaine n’existe pas, que Monomotapa n’est qu’un songe ? Non, je me refuse à croire cela. Je ne renonce pas à ce livre, pour l’instant imaginaire, improbable. Je ne renonce pas à l’amitié, fût-elle imaginaire, improbable. » (p.16)
Et c’est avec une douce mélancolie -celle qui fait venir le sourire en coin- que l’on passe d’un chapitre à un autre, se laissant porter par ses propres souvenirs ou par l’évocation d’amitiés célèbres. Nos propres souvenirs se rappellent à nous et démarre un dialogue intérieur, on échange avec JB Pontalis, on acquiesce, on s’insurge aussi ! Pourquoi aucune allusion à l’amitié entre un homme et une femme ou entre deux femmes ? Pourquoi aller jusqu’à dire que les femmes ne peuvent entendre (pire : craignent !) les amitiés masculines ?
« Bien des femmes […] admettent mal que leur mari, leur compagnon veuille passer du temps avec ses amis. […] Elles ne comprennent pas que le besoin d’amitié est aussi indispensable que celui d’aimer et d’être aimé ». (pp.19-20)
Mais l’acte de lire n’est-il pas exactement cela ? Etre conforté par les idées d’un autre ou, au contraire, s’indigner, se révolter.
Lire pour grandir.
Et c’est sans doute la sensation que j’ai à chaque fois que je lis ce « vieil homme », je me sens grandir.
(Chronique qui vient de mon blog. Lien : https://unbouquindanslapocheblog.wordpress.com/2016/06/13/le-songe-de-monomotapa-j-b-pontalis/ )
Comment dire ? Il m'arrive rarement de pouvoir séparer à ce point la qualité de l'écriture et le plaisir ressenti à la lecture d'un texte. Les deux vont, en général, de pair.
On ne peut, en effet, que s'incliner devant l'immense talent de l'auteur, son écriture fine et recherchée, la justesse des mots, la mélodie des phrases, la douceur qui s'en échappe.
Et pourtant...je n'ai pas vibré. J'ai lu chacun des chapitres avec conscience et sérieux. J'en ai même relus beaucoup afin de m'assurer n'avoir rien laissé passer. Je les ai parcourus à des moments différents pour être sûre de n'avoir pas été gênée par des parasites extérieurs. Non, je n'ai décidément pas ressenti ce petit quelque chose qui vous isole du monde, qui vous entraîne loin de tout.
Comme après la lecture de "La première gorgée de bière" de Philippe DELERM, j'ai joué à "lequel ai-je préféré ?" J'avais beaucoup hésité à l'époque tant les titres se bousculaient et le choix difficile à formuler. Pour le "dormeur éveillé", l'hésitation fut encore plus grande pour la raison contraire. J'ai cependant retenu l'avant-dernier "d'une chambre à l'autre". C'est dans celui-ci que j'ai le mieux retrouvé l'enfant, une certaine pudeur, l'attachement au rêve.
Je suis d'autant plus chagrinée que je ne trouve pas d'argument valable pour étayer mon ressenti négatif. Dans ce récit, tout est fait, semble-t-il pour que ça fonctionne. Suis-je en cause ? N'ai-je pas compris le message de l'auteur ?
très belles phrases, tellement pleines de bon sens... que je les ai déjà oubliées...
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