"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je ne connaissais pas l’écrivain russe André Siniavski avant de lire ce livre. Il faut dire que je ne suis pas fan de littérature fantastique.
Mais André Siniavski n’écrivait pas n’importe quelle littérature fantastique : il écrivait celle qui ne pouvait être publiée en URSS du temps de Kroutchev. Il devait donc la faire passer en Occident sous le manteau.
Le récit commence lorsque le KGB perquisitionne l’appartement de l’écrivain, père de Iegor GRAN, l’écrivain.
J’ai aimé le lieutenant Ivanov qui fait son travail, même si parfois, il s’y perd un peu : Pasternak est-il ou non un ennemie du peuple ? C’est que souvent, la doctrine varie.
Car même si Ivanov a fait sup de K, il reste parfois perdu si il réfléchit aux ordres.
J’ai aimé l’humour : à propos de Gagarine et de son exploit : « C’est à croire que le surhomme est un peu neuneu. Il faut qu’il le soit pour accepter de se faire propulser dans une boîte de conserve chauffée à blanc. » (p.98)
A propos du shopping : « Ce n’est pas qu’on ne trouve jamais de chemises, de gants ou de cravates dans les magasins. Il y en a, en fonction des arrivages. Se les procurer au moment même où on en a besoin, aux bonnes tailles et en quantité voulue, confine au surnaturel, surtout en province. » (p.100)
J’ai aimé que Lenine soit perçu comme un dieu qui protège son peuple, même si il est mort depuis longtemps.
J’ai aimé découvrir que tout ce qui était solide et coloré (le papier peint, les meubles, les vélos…) venaient des pays satellites : la RDA, la Hongrie…
J’ai aimé les onomatopées pour désigner le crime d’état : « on le fait venir pour ensuite tsap ! tsarap ! » le tuer, quoi.
J’ai aimé la mère de Iegor, une femme qui ne se laisse pas démonter au moment de la fouille de l’appartement, ce qui déroute Ivanov.
J’ai aimé cette lecture qui m’a replongé au temps du KGB de Kroutchev avec humour.
L’image que je retiendrai :
Celle de la femme d’Ivanov qui ne veut pas, le soir autour du diner, que son mari lui raconte sa journée.
https://alexmotamots.fr/les-services-competents-iegor-gran/
Quel auteur digne de ce nom ne rêve pas un jour de décrocher le Graal qu'est le prix Goncourt ?
Pour commémorer le centenaire de la récompense suprême, Iegor Gran a choisi de prendre le contre-pied de l'engouement qui agite chaque automne le petit monde littéraire.
Le personnage qu'il met en scène figure dans la liste des nominés au prestigieux trophée. C'est une véritable tuile qui s'abat alors sur la tête de celui qui devient le Goncourable. La honte et la peur s'emparent de lui car, à part Proust et Malraux, aucun récipiendaire ne trouve grâce à ses yeux.
En oubliant des plumes auréolées telles que Genevoix, Beauvoir, Chessex, Decoin, Modiano, Fernandez, Queffélec, Orsenna, Echenoz, Quignard, Gaudé, Ndiaye, Rahimi, Houellebecq, Ferrari, Énard ou encore Mbougar Sarr, Iegor Gran fait preuve de mauvaise foi.
C'est son choix de satiriste mais il me semble qu'il tombe à plat. Si certains écrivains sont tombés dans un oubli plus ou moins mérité, d'autres auront marqué par leur écriture la littérature francophone.
Dommage, car de cet auteur j'avais beaucoup aimé « L'Écologie en bas de chez moi » et « Les Services compétents ».
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-le-truoc-nog-iegor-gran-p-o-l/
Durant ses recherches pour l'écriture de son précédent livre - Les Services compétents qui revient sur l'arrestation de son père Andreï Siniavski dissident soviétique - Iegor Gran a mis la main sur une véritable pépite : un manuel didactique pour la formation et le recrutement d'agents par le KGB datant de la fin des années 60. Un véritable manuel issu des écoles du KGB.
C'est ce document qu'il a lui-même traduit et qu'il nous propose ici en lecture, agrémenté de ses commentaires qui aident à le décrypter.
Autant vous le dire tout de suite, si cet ouvrage est évidemment hautement instructif dans l'idée générale qu'il développe notamment à l'égard des puissances étrangères ou encore dans les multiples façons de recruter des agents, il n'en reste pas moins parfois… un tantinet soporifique !
On a bien compris que le but général était de répéter inlassablement les mêmes idées, le bourrage de crâne est évident, la langue est purement officielle et on ne se soucie pas de faire dans le sentimental.
Et pourtant c'est aussi un livre passionnant ! Vous allez me dire que je me contredis mais pas du tout…
On imagine bien que l'écriture d'un tel manuel ne peut porter le nom de littérature. Son contenu n'en est pas moins édifiant dans le contexte actuel (ce livre entre en résonance avec l'actualité, Poutine ayant lui-même été un de ces élèves sur les bancs du KGB…). C'est une belle machinerie bien huilée et un regard sur le monde qui questionne !
Ce qui sauve aussi la mise c'est la plume acérée et ironique d'Iegor Gran… Un certain regard sur cet art sublimé du recrutement d'espion (pardon d'agent car jamais ce mot d'espion ne sera utilisé dans tout le manuel !) qui a un petit goût suranné mais qui est aussi instructif pour comprendre ce qui alimente les conflits modernes.
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2022/09/z-comme-zombie-diegor-gran.html
A travers ce texte Iegor Gran veut nous montrer l'absurdité criminelle de la Russie, transformée en un Zombiland toxique. Pour cela il commence par s'intéresser à ce Z barbouillé à la peinture blanche sur les blindés russes en Ukraine pour se reconnaître entre soi et éviter les tirs amis. Ce "Z comme zombie", nouvelle croix gammée qui incarne le patriotisme russe poussé à l'extrême, ce Z apparu au départ sur les chars russes, gloire de l'armée, a fini par gangréner tout le pays, Z sur des badges, Z sur la nuque rasée des hommes, Z tondu sur le pelage des chiens... Ce Z signe d'appartenance, associé à un hashtag "JeNaiPasHonte", a envahi le pays par le biais de la propagande mais aussi suite à un élan patriotique spontané des russes,
Iegor Gran explique que la majorité du peuple russe (60% selon lui, "pas une famille en Russie qui n'ait son zombie.") a perdu toute raison et tout humanisme, devenant des zombies, des mi-morts, mi-vivants qui soutiennent Poutine et la guerre en Ukraine. Ils sont largement aidés par la télévision russe, la zombocaisse, "cette boîte qui sonne creux et rend bête", outil de propagande poutinienne à laquelle se fient les russes alors qu'ils ont accès à des sources d'information alternatives. Rien ne peut ébranler les certitudes des zombies pour qui la guerre en Ukraine n'est qu'une simple opération militaire. Ils adhérent de façon fervente à l'idée de dénazifier ce pays, pour Iegor Gran, le zombie russe a choisi d'être zombie.
A travers des faits divers ahurissants, Iegor Gran montre que les Russes vivent très mal mais qu'ils acceptent cette indigence car ils considèrent la Russie comme une grande puissance, ils vomissent l'Occident tout en bavant devant leurs produits, ils méprisent la faiblesse et admirent les oligarches et ont la conviction d'être supérieurs car leur peuple a été capable de supporter les pires souffrances.
Tentative de comprendre les rouages de la folie qui s'est emparée des Russes, ce texte est un pamphlet intéressant car il s'appuie sur des témoignages accablants de russes témoins de l'éloignement irréversible de certains de leurs proches "C'est comme si ma sœur était sous l'emprise d'une secte ou d'une drogue dure... Jamais je n'aurai cru que mon père, celui qui m'a appris à lire, à penser, puisse devenir poutino-fasciste... Si je continue à remettre son dogme en question, elle va finir par me dénoncer" Mais ce texte est tellement excessif qu'il en perd de sa crédibilité en manquant cruellement de nuance. C'est d'autant plus marquant au moment où des milliers de russes tentent de fuir le pays suite à la mobilisation partielle décrétée par Poutine le 21 septembre.
La plume est vive et empreinte d'ironie mais l'ensemble transpire de trop de rage pour ne pas mettre mal à l'aise.
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