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Peu de romans évoquent de nos jours l’argent, l’économie de façon pédagogique et originale. Hans Magnus Enzensberger s’est lancé ce défi et l’a relevé haut la main.
Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, la famille Federmann reçoit une carte postale annonçant l’arrivée de la grande tante Félicité, appelée tante Fé. Cette femme âgée est un véritable mystère pour la famille. Très riche, libre et extravagante, tout le monde se demande ce qu’a pu être sa vie. Si la vieille dame entretient le mystère depuis longtemps, elle se décide à passer du temps avec ses deux nièces et son neveu, Félicité, Fabian et Fanny, pour leur expliquer les mystères de l’argent et de l’économie. Les jeunes découvrent ainsi ce que sont le capital, le profit, l’inflation, la faillite, l’utilité marginale. Mais surtout, et c’est ce qui fait aussi le charme de ce roman, ils découvrent un peu plus la vie de cette grande tante. Le roman va ainsi bien au-delà de l’argent, il évoque la transmission familiale et intergénérationnelle, la force des souvenirs qu’on évoque et qu’on se forge.
On ne peut que tomber sous le charme de cette tante Fé à la lecture du roman et je vous invite donc à la découvrir. Notons aussi la bonne traduction de Paul-Jean Franceschini.
Hammerstein ou l’intransigence est un livre assez inclassable, puisqu’il se situe entre le roman et la biographie, faisant se côtoyer une enquête fouillée, des entretiens fictifs et posthumes (menés avec Hammerstein ou sa fille par exemple), au demeurant très réussis, ainsi que des considérations sur l’époque. Kurt von Hammerstein est issu de la noblesse allemande prussienne ; père de 7 enfants, il était dans les années 30 le chef des armées et possédait à ce titre un poids politique très fort dans son pays. Refusant toute compromission avec le régime nazi, il prendra sa retraite en 1934 et cherchera toujours à ne pas se corrompre avec celui-ci. Au-delà de la figure de Hammerstein, c’est toute sa famille qu’on découvre : deux de ses filles s’orientent vers le communisme et espionneront pour le compte du Komintern, l’un de ses fils participera à l’attentat raté contre Hitler le 20 juin 1944. Au final, un roman riche qui, s’il exige un peu de concentration durant la lecture (en raison des collages et des écarts à la chronologie), reste très abordable et apporte un vrai éclairage sur l’histoire allemande de l’entre-deux guerres. Je le conseille vivement.
Un livre étonnant, pas un roman, plutôt un album d'une famille hors du commun. Erzensberger retrace le destin d'une famille aristocratique allemande, dominée par la figure patriarcale de Kurt Hammerstein, chef de l'état major du Reichwehr en 1933, et opposant national-socialiste de la première heure. Mépris de classe, peut-être. Visionnaire, très probablement. Il dira dès 1933, "nous ferons la guerre aux russes et nous perdrons" au plus fort de la complicité germano-soviétique pour réarmer l'Allemagne et éduquer l'état major soviétique. Une famille de sept enfants dont il n'ignorait probablement pas les agissements : des filles agents du Parti Communiste, mariées à des juifs, des fils mêles à l'attentat du 20 juillet contre Hitler... Un formidable travail d'historien ponctué d'entretiens posthumes avec les protagonistes. A lire plus pour s'instruire que pour se détendre. Meilleur livre de l'année pour le magazine Lire en 2010.
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