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Jules Renard et Fred. Fred et Jules Renard. L’un est mondialement connu pour avoir écrit l’histoire d’un petit garçon roux, Poil de Carotte. L’autre est le créateur de tout un univers onirico-géographique dans lequel évolue Philémon, le héros qui porte si bien la marinière. Dit ainsi, cela semble être une rencontre très improbable. Et pourtant … Fred, auteur à la fois tendre et cruel, en pleine remise en question personnelle, trouve dans le journal intime de Jules Renard, des échos de ses propres pensées, de ses réflexions à propos du monde. Il faut bien le reconnaître l’écrivain peut se montrer féroce (il n’aime pas Sarah Bernhardt, c’est évident) et règle ses comptes avec les fâcheux, les snobs, les faux intellectuels, les écrivaillons, les faux amis, les vrais ennemis. Mais, surtout, sans aucune complaisance, il paie l’addition pour lui-même, ses défauts, ses espoirs déçus, ses attentes désabusées, ses petites trahisons. Il le fait toujours avec cet humour qui le caractérise : « Un bon mot vaut mieux qu’un mauvais livre » écrit-il.
Fred saisit à bras le corps diverses citations pour en faire le sel d’une conversation entre Jules Renard et … un corbeau. Tous les deux de déambuler, tels Socrate et ses étudiants. Et de rencontre en rencontre (un arbre qui parle, un cochon, des duellistes, un épouvantail), se tisse une philosophie une sagesse, un art de vivre, loin des « feux de la rampe ». Vivre à l’aune de ses envies, c’est ce que Fred désirait après avoir abandonné Philémon à ses aventures pour se tourner vers d’autres personnages dont Corbac aux baskets (déjà, un corbeau). La préface d’Antoine Morel, également une plume acide qui peut se faire douce, nous le dit merveilleusement : ces deux-là se sont retrouvés, depuis 2013, dans un ailleurs immatériel. Et je suis sûr et certain qu’ils nous regardent et doivent bien rire de nos petits et grands travers, de nos angoisses, de notre consumérisme puéril, de notre course à la célébrité. La postface de François le Bescond remet cette œuvre dans son contexte chronologique. A noter que cette réédition propose cette bande dessinée pour la première fois en couleurs et avec une version alternative des deux premières pages. Le graphisme de Fred est toujours aussi nerveux et incisif. Et il reste, ici également, une référence pour la création de mises en pages originales. Une très bonne introduction pour (re)découvrir Jules Renard.
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