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Pour compléter la lecture de la monographie de Constantin Meunier, écrite par l’arrière-petite-fille de l’artiste, il faut impérativement lire le catalogue de la rétrospective aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (du 29 septembre 2014 au 11 janvier 2015). Mais il faut également garder les idées fraîches pour lire entre les lignes.
Tout d’abord, Constantin Meunier a beau avoir orné les billets de 500 francs belges, il reste méconnu du grand public, ou bien auréolé d’une réputation d’artiste engagé. Oui, il est bien un des premiers à avoir pratiqué un art social dont le travailleur est le héros. Mais c’est là une vision bien trop simpliste ! Oui, sur les places bruxelloises, dans le parc du Cinquantenaire ou de Mariemont, pas loin du port d’Anvers, nous rencontrons ses semeurs, ses débardeurs, ses faucheurs : tous des hommes musclés, arborant fièrement les attributs de leur métier, dans l’élégance du corps équilibré, avec un hanchement hérité de la sculpture classique. Sans oublier, « le Grisou », véritable piéta laïque, selon les mots de Pierre Baudson : une femme se penche sur le cadavre d’un mineur, le dévisageant, cherchant un fils (ou un mari, ou un frère…). Ou encore ce buste de vieille femme, aussi ratatinée qu’une vieille pomme oubliée dans un fruitier.
Bref, toutes ces œuvres datent des 25 dernières années de la vie de Meunier. Elles ont fait de lui le chantre de l’ouvrier héroïque. A un tel point que le « Monument au Travail », rue Claessens à Laeken, nous offre des accents de la statuaire soviétique glorifiant les stakhanovistes kolkhoziens. Le tout de sinistre mémoire. Mais c’est là que réside le malentendu. Certains ont prêté, un peu vite, un engagement politique au sculpteur. Comme les frères Le Nain n’appartenaient pas au monde paysan, Meunier n’était pas impliqué dans le mouvement ouvrier. Il est un artiste social, pas socialiste. Peu de drame, peu de malheur, peu de souffrance, peu de déchéance. Aucun gréviste. Aucun drapeau rouge brandi pour galvaniser les foules. Constantin Meunier n’est pas Eugène Laermans.
Non, Meunier présente un monde du travail transcendé par sa culture, sa foi chrétienne, son intérêt pour l’histoire et ses relations (Camille Lemonnier, Emile Verhaeren, par exemple). Si bien que ce catalogue, exact reflet de l’exposition, remet l’artiste dans le contexte de la modernité en Belgique, d’une époque où l’identité artistique belge est au cœur de l’Europe. Mais d’abord l’ouvrage étudie les œuvres des débuts, religieuses sans être saint-sulpiciennes, mais pas passionnantes pour autant. Seuls quelques dessins échappent à la lourdeur de la peinture de genre. De même pour les scènes bourgeoises, dont quelques portraits d’enfants nous attendrissent. En fait, nous avons bien confirmation que l’événement qui le libère plastiquement parlant, est le séjour à Séville entre 1882 et 1883. Là, sous la lumière espagnole, il se révèle à lui-même : sa palette s’éclaircit, sa touche se fait plus rapide. Un voyage non pas initiatique, mais bien une confirmation de ses nouvelles préoccupations. Et dès lors, après avoir abandonné la sculpture, il y revient, menant de front deux carrières, nourrissant le réalisme social belge. Il a 50 ans.
Le livre rend parfaitement compte de cette carrière sur la longueur avec ses ruptures, ses périodes de doute et ses réussites. Mais la réelle découverte est à trouver dans ces dessins, ces gouaches, ces fusains, où Meunier laisse libre cours à un style rapide et allusif, au mépris des conventions de l’époque. Et là réside la modernité de cet œuvre, aux confluents des siècles et des courants artistiques, œuvre qui ne laisse personne indifférent. La qualité de certaines illustrations est bien décevante. Mais l’appareil critique est très complet, dont une bibliographie assez bien fournie. Avec une mention spéciale pour le chapitre signé Paul Aron.
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