Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Le roman d’Elitza Gueorguieva est une plongée dans le quotidien de deux femmes apprivoisant la France. C’est avec un ton mordant que l’autrice nous place aux côtés de ces deux personnages féminins. Mais elle use d’une approche particulière. En effet, elle les aborde avec la troisième personne. Elle semble alors loin d’elles tout en les interpelant et ne les lâchant pas. On semble les regarder errer dans ce monde parfois hostile tout en étant au plus près d’elle. L’autrice mêle un point de vue surplombant et une familiarité directe avec un humour très présent. Cette sensation reste tout au long de la lecture. On les sent alors bloqués dans l’étroitesse des chemins qu’elles empruntent. Elles doivent s’adapter, appréhender le monde et les codes autour d’elles. Le livre n’est pas un guide ou une étude journalistique.
Au cœur de cette immigration et de ses violences, ces deux femmes se raccrochent au vocabulaire. Régulièrement, les mots sont des repères, des faux amis, des bouées de sauvetage. Elles les comprennent, bien ou mal. Les interprètent.
Mais cette mention d’odyssée dans le titre montre qu’elles se retrouvent dans une aventure dont elles ignorent l’issue. La réalité semble se confronter à ces deux femmes qui tentent de construire leur vie, malgré tout. Elles sont contraintes par des clichés. Car, au de-là des personnages individuelles, c’est la figure des « filles de l’Est » que l’autrice décrypte. Elle égrène les fantasmes, les codes qui s’imposent à elles. Elles sont embourbées dans des situations, relèvent la tête et de déchiffrer les codes de cette société qui les ramènent à des raccourcis, qui les réduits. L’humour de l’autrice révèle l’esprit de résistance de ces deux femmes, toutes ces astuces qu’elles trouvent afin de poursuivre leur aventure. La légèreté ressentie tout au long de la lecture vient de l’énergie de ces deux femmes et du ton de l’autrice. Mais elle n’étouffe pas les obstacles, les violences qui leurs sont jetées à la figure, notamment d’être ramenées à des « filles de l’Est ».
Ah, les Filles de l’Est. Elles sont blondes. Elles sont jeunes et jolies, puis vieilles et moches. Elles sont proches de leurs mères. Elles font de bonnes prostituées. C’est ce que nos deux héroïnes bulgares et ignorantes apprennent en arrivant en France, l’endroit idéal pour en savoir plus sur ces fameuses Filles de l’Est qu’elles connaissent si mal.
L’une fait des études de cinéma. L’autre fait le trottoir malgré elle. Les deux ont en commun d’habiter à Lyon depuis peu, de ne pas maîtriser complètement la langue française et d’être parfois prises pour des putes. Elles partagent également la menace d’un retour au pays “tel un Ulysse ultra rapide.”
Comment trouver une place en tant que Fille de l’Est dans “le pays de la liberté, du fromage et des tramways qui parlent” ? Surtout que “la France n’est pas comme la Bulgarie, c’est un pays où tout est fabuleux comme Amélie Poulain, et en plus ta mère n’est pas là, et on ne travaille que 35 heures par semaine et personne ne jette sa poubelle par la fenêtre.”
Tout se mélange dans ce petit livre. Les mythes, la réalité, les préjugés, les origines, les mots “récépissé” et “laissez-pisser”, les histoires parallèles d’une étudiante et d’une prostituée, les consignes du Petit Larousse du savoir-vivre, les listes d’objectifs et de merveilles, les extraits de journaux très sérieux et les articles plus que douteux, l’absence d’une mère tellement jamais là qu’on ne sait plus si on en jubile ou si on s’en lamente.
Elitza Gueorguieva effeuille une identité qui se décline, qui se déclare, qui se décode, mais qui jamais ne se décourage.
Une fois commencé je n'ai pas lâché ce livre jusqu'à la fin. J'ai vraiment apprécié le ton du récit, ce regard sur l'enfance et le décalage entre la vision d'une petite fille et celle des adultes. Je me suis attachée à la narratrice et j'ai partagé ses rêves comme ses désillusions. Un seul reproche : c'est trop court !
Les cosmonautes ne font que passer est une lecture qui m’a semblé « subie », n’arrivant pas à entrer véritablement dedans malgré le bonheur des phrases, la narration drôle et souvent frappante de réalisme. Et puis, arrivée au bout, j’ai eu un petit pincement au cœur de quitter cette héroïne, presque même le cœur serré, comme si finalement je m’étais attachée à ce personnage dont on ne saura jamais le prénom et que seul le Tu désignera.
C’est une lecture qui je pense restera (et c’était loin d’être gagné au début) un bon moment en moi. J’ai découvert la Bulgarie, son histoire récente, son peuple et un jeune fille pleine de rêves, bercée au communisme et puis au capitalisme. C’est en réalité une bonne lecture pour laquelle il ne faut pas s’arrêter au style un peu particulier car en réalité il trouve une fluidité naturelle qui en fait aussi son charme...........................................
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