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Un phénomène éditorial !
« Je vis dehors. Je fais n’importe quoi, n’importe où. Dans un bistrot, à la piscine, au zoo. J’aime l’air et le boucan. »
Ainsi s’exprime Elisabeth Gaspar, la traductrice de Roald Dahl, de John Alic Baker, etc. La préface érudite d’Éric Dussert lève le voile sur une personnalité atypique, immensément libre et énigmatique. Elisabeth Gaspar sème des petits cailloux, attise la malice, d’être peut-être Religieuse ou bien « vaguement décoratrice » ou cette écrivaine appliquée, intuitive et sensible.
Paris n’est pas un mystère pour elle. Elisabeth Gaspar est pour moi la cousine de plume de Béatrix Berk.
« Elle s’est tournée vers cette vie désordonnée qui justifie la rue et en particulier celle du quartier du XIII ème arrondissement. »
Ce roman est magnétique tant il est la voix d’une femme résolument cynique à l’instar de Diogène. Dans un même tempo son regard est troublé par la misère humaine.
« Mais alors pourquoi écrit-elle ? - Pour voir. »
Attention chef-d’œuvre !
« Les grilles du parc » s’entrouvrent. L’histoire prend place. Le narrateur est un orphelin « ramassé à la sortie des catacombes un lundi de Pâques. »
« Aujourd’hui je suis revenu parce que Mirador est mort. »
Le voici donc de retour dans l’antre (un bistrot) de Madame Chapelure (sa mère d’adoption) qui le prend pour son sosie. C’est dire.
« J’aurai pu choisir un autre bistrot. J’aurai pu faire un tour de côté. Rien que par gratitude. Par superstition. Par fidélité entre les couleurs, les dimensions, les dispositions. »
Ses émois, ses confidences font corps avec son existence anonyme. Soudé dans la majestueuse écriture d’Elisabeth Gaspar.
« J’ai franchi des rideaux d’humanité, des vitres de soleil, des draperies de poussière. Et tout cela pour apprendre que, aux yeux des sentinelles involontaires d’un monde rêvé, je ne suis que ressemblance. »
La fratrie collabore à la déflagration puis à l’oubli. Qui de Sixtine, de Polar-la-pissure. « Je me sens vieux, brisé, malade. »
Entrez dans la danse théologale d’une écriture poétique, belle à pleurer.
« Ma Sixtine légère et lointaine, faite de battements d’ailes et de minutes arrêtées à jamais sur un pont transparent, fleuri et japonais. »
Tourner le dos, fuir, retrouver la géographie de Paris. Vingt ans d’épreuves, le temps de voir une guerre gratter aux portes.
Le plan-cœur des Gobelins aux glaciers du Panthéon. La place d’Italie, c’est si l’on veut, la place de l’Étoile du pauvre. Les frontons décapités de la place de Rungis rampent vers moi. »
Il déambule dans ses errances intérieures. Sans nom, invisible et poulbot, dans le labyrinthe des pas perdus. L’écho d’un Paris assigné à la quête de soi. Apprendre par cœur le plan de ce livre immensément triste et affectueux. Lumineux par cette polyphonie parisienne, marelle entre ciel et terre. Sans nom, encore, orphelin, le manteau gorgé de pluie, image subliminale d’un Paris existentiel, un pied à l’ombre, l’autre au soleil. Tout bouffi de lyrisme que j’étais, d’espoir, de fatuité.
« Les grilles du parc » est une apothéose. La pierre angulaire du renom.
« La Seine étincelle sans se faire prier. Je m’enroule autour de mon banc de bois qui refuse de s’adoucir. »
Inoubliable, aux yeux des sentinelles involontaires d’un monde rêvé, ce classique dès l’aube-née, est l’éclaircie sous le passage des grilles spéculatives.
Il y a des livres ainsi dont on s’étonne si la trame vient des larmes ou des sourires.
Tremblant de beauté et bien au-delà ce rare qui annonce le perpétuel. Publié par les majeures Éditions de L’Arbre Vengeur. Collection l’Alambic.
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