"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«La différence est le lit de l'amour»
Avec ce troisième roman fort en émotions, Bertrand Touzet confirme son talent à sublimer les vies ordinaires. Sur les pas d'une famille irlandaise, il donne ses lettres de noblesse à l'entraide et appelle à plus d'humanité dans un monde en perte de valeurs.
L'endroit est autant magnifique qu'il est terrible. Si le long des falaises de Kilkee et de la plage de Lahinch on rencontre des surfeurs intrépides, l'endroit est aussi connu pour ses suicides. Régulièrement des hommes et des femmes viennent se jeter dans le vide, s'assurant une mort certaine.
C'est dans ce coin sauvage d’Irlande, où «les saignées de la tourbe et la tête des moutons ont la couleur de la Guinness», que vit Sean et sa famille. Le vieil homme s'est donné pour mission d'aller à la rencontre de ces désespérés, d'entamer un dialogue, de tenter de les persuader qu'une autre voie est possible, qu'ils peuvent au moins s'accorder le temps de la réflexion. S'il ne réussit pas toujours et s'il ne sait pas si ceux qui acceptent de le suivre ne récidiverons pas, il n'oublie aucun visage.
Ce n'est malheureusement pas le cas de son épouse Erin qu'il a été contraint de placer en pension, sachant pertinemment que l'amour de sa vie arrivait ainsi dans l'antichambre de la mort. Chacune de ses visites est une épreuve à laquelle il ne dérogerait pas.
Le soir au pub où il va manger et boire un verre, il lui arrive de croiser le regard noir de Cilian, son fils qui n'a pas été épargné par la vie lui non plus. Un soir sa femme a quitté la maison pour ne plus jamais revenir. Sinead était toute sa vie, une vie qui le hante tous les soirs, mêlée de regrets et de culpabilité. «J'aurais dû essayer de la retenir, j'aurais dû essayer davantage... même si rien ne retient une femme qui a décidé de partir, ni les cris ni les plaintes, encore moins les larmes. Je suis assailli par mes souvenirs d'elle. Ceux du bonheur passé ne sont pas de bons compagnons, ils enfoncent plutôt qu’ils ne réparent, alors je me concentre sur autre chose, je viens jouer au pub, je bois un peu, trop peut-être, Le whisky, le piano, comme quand elle est partie... ça aide à oublier, momentanément, mais les souvenirs sont impossibles à écraser, trop épais.»
Sean a recueilli Liam avant qu’il ne commette le geste fatal. Ce dernier le seconde désormais… aussi dans sa mission de sauveteur. Il va venir au secours de Moïra quand cette dernière est emportée par les flots, qu’elle a décidé de laisser la mer la prendre. La jeune femme, qui avait quitté la région au bras d’un champion, n’avait pas davantage réussi à trouver sa place en ville qu’au sein de son couple. Une blessure qui la rend farouche, peu encline aux confidences. Et pourtant…
On sait depuis Aurore, son premier roman, combien Bertrand Touzet est attentif aux gens simples que la vie n’a pas épargnée. Cette fois encore, il s’attache à tisser des liens entre des êtres désespérés qui semblent être arrivés au bout de la route, que plus rien ne retient, sinon peut-être un instinct vital dont ils se sentaient pourtant dépourvus. En parcourant cette lande irlandaise, il nous rappelle combien un regard, une parole, une main tendue peuvent être nécessaires. À l’heure du repli sur soi, de l’individualisme érigé en doctrine, cette belle leçon d’humanité touche au cœur.
Um message universel, une magnifique déclaration d’amour au genre humain qui n’est jamais aussi vrai que lorsqu’il prend la peine d’écouter.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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Ce livre m'a été offert par une collègue et c'est avec cette lecture que j'ai démarré mes vacances. Nous suivons le parcours de Joachim, 15 ans au début du roman, qui fuit l'Espagne en proie à la guerre civile en 1936. Quand le roman s'achève, nous sommes à Toulouse en 1944 et Joachim est un jeune homme engagé dans la Résistance, avec sa compagne Lucie. Je n'en dirai pas plus sur la mention de "Judith" faite dans le titre, qui renvoie au tableau du Caravage. Je ne mets pas toutes les étoiles car j'ai trouvé l'enchâssement du récit de Joachim un peu artificiel (un vieil homme raconte son passé à son voisin dans un avion les conduisant à New York), l'écriture ne m'a pas non plus transportée mais j'ai pris plaisir à reconnaître les rues de Toulouse qui sont évoquées, à suivre les itinéraires des personnages et surtout j'ai appris beaucoup de choses sur la vie à Toulouse durant l'Occupation, les grandes figures de la Résistance locale, qui n'étaient pour moi que des noms de rues, de lycées, de stations de métro...
A travers le destin de Joachim, l'auteur rend hommage à ceux qui ont résisté contre le fascisme et la barbarie, depuis les Brigades internationales jusqu'aux FTP-MOI, étrangers engagés en France pour la liberté. Une jolie découverte.
Un tatouage pour se reconstruire
Bertrand Touzet confirme avec ce second roman combien sa plume sensible excelle à dépeindre les émotions. En suivant deux femmes que la vie n’a pas épargnées, il nous donne aussi une belle leçon d’optimisme.
Il y a les auteurs qui mettent tout dans leur premier roman et voient leur plume se tarir avec le second. Bertrand Touzet fait partie de la seconde catégorie, celle de ceux qui comprennent avec leur premier roman que c’est possible, qu’ils ont trouvé leur voie. Et qui écrivent de mieux en mieux. C’est en tout cas l’impression qui prédomine en refermant Immortelle(s). D’une plume fluide, il nous retrace le parcours de deux femmes, Anna et Camille, que le hasard va conduire à se rencontrer.
Le roman s’ouvre au moment où Anna s’engage à fond dans sa nouvelle voie. Après avoir été cadre dans de grandes entreprises du luxe, elle a choisi de laisser tomber une carrière prometteuse pour reprendre la boulangerie dans un petit village du Piémont pyrénéen. Un sacré défi pour la jeune femme qui peut toutefois compter sur le regard protecteur de Gilles, le meunier qui l’encourage et la soutient. On comprendra par la suite pourquoi il a envie de la voir réussir et s’épanouir à ses côtés.
Car tout risque de s’effondrer, on vient en effet de lui pronostiquer un cancer du sein synonyme d’opération, de chimio, de fatigue. Une épreuve à l’issue incertaine qui va aussi modifier son corps. Mais alors que son moral est en berne, elle croise un enfant et un infirmier au service d’oncologie qui vont lui remonter le moral et l’aider à franchir ce cap, à accepter ce corps mutilé.
Camille n’a pas été épargnée par la vie non plus. À la suite d’un terrible accident, elle a également choisi de donner une nouvelle orientation à sa vie, oublier les beaux-arts pour se consacrer au tatouage. Sa sensibilité va la pousser à se spécialiser dans la réparation, dans l’embellissement des corps marqués par de vilaines cicatrices. Ce sont principalement des femmes qui poussent la porte de sa boutique, heureuses pour la plupart de rencontrer une oreille attentive. Du coup Camille est presque autant psy qu’artiste. C’est par l’intermédiaire du libraire, chez lequel elles se rendent toutes deux, qu’Anna va faire la connaissance de Camille et qu’elle va lui demander d’embellir, de fleurir sa cicatrice.
Ce roman qui célèbre les rencontres est aussi le roman des chemins de la résilience. Avec cette évidence pourtant souvent oubliée qu’il faut laisser du temps au temps. Aussi bien pour Anna que pour Camille, le chemin vers le bonheur est loin d’être rectiligne. Mais toutes trouvent la force de s’y engager…
Bertrand Touzet démontre avec élégance et beaucoup de justesse qu’il est un excellent sondeur de l’âme humaine. On prend beaucoup de plaisir à le lire. Et on se sent beaucoup mieux en refermant son roman !
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À 40 ans, Aurore a son quotidien rythmé par sa tournée en tant qu'infirmière au cœur des Pyrénées. Veuve, elle élève seule son fils Nils. Lorsqu'elle tombe sur une petite annonce postée par Noel Verdier, elle n'hésite pas longtemps à y répondre et à adopter le vieil homme.
Je suis tombée par hasard sur ce roman de Bertrand Touzet, n'ayant avant jamais entendu parler avant de ce titre Aurore. En lisant son résumé, j'ai su de suite que je devais donc lire ce livre.
Aurore est donc le personnage principal de ce roman. On suit l'infirmière au fil des soins qu'elle apporte et on y rencontre bon nombre de ses patients dont Noël. Noël, ce veuf qui se déplace en tracteur tondeuse et qui se rend au quotidien sur la tombe de sa défunte femme, mais qui peu à peu perd la mémoire et ses facultés. Entre Aurore et lui, d'autres liens vont se tisser quand celle-ci va s'installer chez lui avec Nils afin de veiller un peu plus sur le vieil homme.
L'histoire d'Aurore n'a rien d'exceptionnelle, si ce n'est qu'elle est le reflet de tant de personnes. Personnage attachant, Aurore est une femme qui nous plait tout de suite et dont on suit le quotidien avec beaucoup de plaisir. On s'attache comme elle à ses patients et on s'inquiète pour l'un ou l'autre de sa santé. On s'attache bien entendu aussi à Noël qui pourrait être notre grand-père.
Au fil des pages, on se laisse porter par la douceur de cette histoire, par la tendresse qui émane d'Aurore et par son dévouement envers ses patients. Reflet de la vie, jolie parenthèse de lecture, Aurore est un roman simple, mais qui fait du bien.
Bertrand Touzet avec son écriture tendre, délicate et pleine d'empathie, nous offre quelques heures de lecture qui nous font sourire, mais nous touchent également. Une simplicité vraiment efficace.
Aurore est pour moi une très belle découverte. Je me suis laissée bercer par cette histoire du début à la fin, appréciant de passer ces quelques mois aux côtés d'Aurore, mais aussi de Nils et Noël. Pourquoi n'entendons-nous pas parler plus de ce roman de Bertrand Touzet ? Je trouve ça tellement dommage... Alors un seul conseil, si vous en avez l'occasion, découvrez ce joli roman !
Aurore de Bertrand Touzet est disponible aux Editions Les Presses de la Cité.
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