"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Avant même de parler de ce roman, je voudrais remercier Lecteurs.com de me l'avoir adressé dans le cadre du Cercle livresque, tant le plaisir de lecture qu'il m'a apporté a été intense et inattendu .
Ce plaisir a d'abord été pendant les 50 premières pages un plaisir esthétique lié à la musicalité de l'écriture, à la puissance incantatoire des phrases basées sur des reprises, qui comme des vagues successives me transportaient dans un univers à la fois étrange et étranger : celui d'un conte oriental aux récits enchâssés et empreint d'un merveilleux ancré dans la réalité des événements politiques du Kurdistan irakien dans les années 1990 .
Puis je me suis sentie rapidement prisonnière de ce récit.
Alors je me suis intéressée aux faits et aux personnages.
J'en ai établi une fiche pour me repérer parmi leurs identités aux sonorités « exotiques », ce qui m'a alors permis de goûter l'entière saveur de ce roman, celle d'un récit de vie dont le destinataire n'est pas seulement le lecteur mais avant tout les compagnons d'exil du narrateur Mouzaffar Souhbdam, qui libéré après 21 années d'enfermement dans le désert, n'a de cesse de retrouver son fils Saryas Soudham qui n'avait que quelques jours quand Mouzaffar a été fait prisonnier.
Chaque soir Mouzaffar , « l' homme venu du sable qui se perd sur la mer sur un bateau de réfugiés » ballottant sur les flots et rêvant d'aborder les rives de l'Occident, relate un épisode de sa longue et incessante recherche. Recherche rendue d'autant plus difficile qu'il existe 3 Saryas Soudham aux parcours et aux destins bien différents, ce qui amène lecteur à pénétrer différentes couches de la société kurde et à mieux saisir les enjeux politiques de cette région « grand pays touché par la peste »
C'est un roman dense, un roman de secrets puis de confessions.
C'est un roman riche qui transcende le récit politique en ouvrant des portes sur l’imaginaire, sur le rêve, Comme le grenadier aux pouvoirs magiques, le roman s'est construit «à la lisière de deux royaumes, le royaume de la vérité et le royaume de l'imagination, la terre de la réalité et le ciel des contes »
C'est un roman magnétique au Verbe enchanteur.
Sous l'aspect d'un conte oriental, il constitue une parabole. Si j'ai apprécié la réflexion qu'elle propose sur l'engagement politique, la notion de liberté, si j'ai été sensible aux interrogations sur les thèmes de la paternité, la fraternité, la loyauté, j'ai été frappée par la profondeur humaine de l'ouvrage, profondément émue face aux personnages devenant de plus en plus attachants à mesure de la lecture, bouleversants dans les derniers épisodes. Difficile d'oublier « les enfants de braise »......
Un roman qui plusieurs jours après avoir été fermé, poursuit encore encore en moi ses vibrations .
« Je sus dès l’aube qu’il avait fait de moi son prisonnier. Dans un palais au milieu d’une forêt cachée » Dès la première phrase, le ton de ce livre étrange est donné. L’histoire oscille entre réalité et conte, mêlant l’histoire politique du pays de l’auteur, le Kurdistan Irakien, et le récit métaphorique d’une quête, celle du fils.
Mouzaffar Soubhdam est le narrateur de cette étrange histoire. Après 21 ans d’emprisonnement au milieu du désert, le voilà à nouveau l’otage d’un homme étrange qui a été son officier dans l’armée. Pourtant, il n’aura de cesse de retrouver son fils, Saryas Soubhdam, né juste avant son emprisonnement et qu’il n’a pas connu. Cette quête va nous mener à de nombreuses rencontres dans tout le pays et nous fera découvrir cet étrange arbre au sommet d’une montagne, le dernier grenadier du monde Alors que certains personnages sont bien réels, d’autres semblent tout droit sortis de contes orientaux comme les mystérieuses sœurs Spi, toujours vêtues de blanc, et qui ont fait le vœu de ne jamais se marier et de chanter ensemble jusqu’à leur mort. Le chemin de chacun des personnages finit tôt ou tard, par croiser celui des sœurs à la voix enchanteresse. Elles sont là pour consoler, et pleurer les morts.
D’autres personnages curieux traversent ce récit onirique comme Mohammad Delchoucha, le jeune homme au cœur de verre, amoureux des sœurs Spi et qui voulut vivre dans une maison de verre. II incarne la fragilité dans un monde violent.
Plus réels sont les petits marchands de rue avec leurs charrettes, et que fédère Saryas Soubhdam.
Dans le registre du merveilleux, trois grenades de verre émaillent le récit. Le verre, symbole de fragilité, de pureté dans un pays corrompu, est omniprésent dans le récit qui parle de “ garçons de verre, dans un pays de verre, qui vécurent à une époque de verre”.
On retrouve à plusieurs reprises le dernier grenadier du monde qui a donné son titre au roman. On lui prête des pouvoirs magiques, il guérirait même de la cécité croit l’un des personnages, aveugle de naissance. « C’est un arbre divin…divin » « Le soir où je vis le dernier grenadier du monde, il me fut ensuite impossible de parler pendant un long moment »
Le grenadier ainsi que son fruit sont omniprésents dans l’histoire, peut-être faut-il y voir la symbolique de ce fruit qui symbolise la fécondité, la richesse et même l’immortalité.
Il est parfois difficile de suivre ce récit, très long, sinueux et aux personnages nombreux, lorsque, comme moi, on connait peu l’histoire sanglante et répressive du Kurdistan Irakien qui a connu plusieurs guerres civiles.
L’écriture est belle, empreinte d’une poésie parfois ésotérique. Je pense qu’il y a plusieurs niveaux de lecture, on peut chercher à comprendre ce qui se cache derrière chaque métaphore ou bien, ce que j’ai fait, se laisser porter par le flot envoûtant de ce conte cruel. Parfois, j’ai eu du mal à rester dans l’histoire, et certaines longueurs et redondances m’ont gênées.
Malgré une lecture qui peut se révéler ardue, ce roman est un conte allégorique d’une grande puissance.
Club des explorateurs 2019
Je referme ce livre étourdie, secouée. Comment ne savais-je pas ? Comment n’avons-nous pas su ? Et malgré cette souffrance distribuée goutte à goutte, Bakhtiar Ali écrit son pays, le Kurdistan, tel un poète. C'est un chant langoureux et terrible.
Mouzaffar Soubdham est resté longtemps emprisonné dans le désert, il a appris le langage du sable. Un jour pourtant, son ami de toujours Yakub Snawbar, le seul qui lui ait écrit durant ses années d'enfermement vient lui dire qu'il est libre. Mouzaffar n'aura plus qu'une idée dès lors : retrouver son fils .
J'ai suivi la voix du sage Mouzaffar comme un chant magnifique: "parler avec le sable c'est ne jamais attendre les réponses, c'est parler et écouter l'écho, un écho que la terre emporte...". Chaque page est un poème, les mots s'envolent, ensorcellent et touchent au plus profond de notre être :" Nous étions quatre aveugles ... puis nous nous assîmes au beau milieu de cette plaine nue, oubliée, déserte, et nous nous mîmes à pleurer abondamment."
On avance on parcourt le chemin de la vie aux côtés de Mouzaffar le conteur, le philosophe, le poète, le sage. Il nous fait traverser son pays et on découvre, le coeur déchiré, ce qu'il en reste. La poésie des mots fait parfois plus qu'un long discours politique. Ici transportée par les phrases lyriques du narrateur, j'ai tourné les pages de cette histoire, de l’Histoire, en souhaitant un monde meilleur.
Alors si vous passez dans ces contrées lointaines, arrêtez-vous au pied du dernier grenadier du monde et vous entendrez les pactes de ceux qui veulent rêver.
Club des Explorateurs de la rentrée 2019 --- avis complet
Tout démarre à la première personne, celle de Mouzaffar, officier supérieur peshmerga, côté Kurdistan irakien. Il a passé vingt et un ans dans une prison perdue dans le désert, et finit par être libéré par celui-là même qu’il avait sauvé des années auparavant. Il part aussitôt à la recherche de son fils qu’il n’a connu qu’à sa naissance. Commence un voyage à travers ce pays ravagé par la guerre, les années de combat en Irak pour les droits des Kurdes ne laissant que des ruines et des populations réfugiées.
Les premières pages sont d’une beauté saisissante dans leur façon de décrire l’enfermement mental et physique des ces vingt-et-un ans de prison. Les mots sont d’une poésie rare et ont forcé mon admiration, comme ici, par exemple : « Une nuit, j’ai été réveillé par la lumière de la lune dont les rayons illuminaient ma prison de façon telle que je voyais tout comme en plein jour. Cette lumière m’a donné la force de ne penser à rien d’autre qu’à la voûte céleste. Ça faisait longtemps que j’étais mort. »
Puis le roman bascule dans l’imaginaire du conte oriental. Le voyage de Mouzaffar pour retrouver ce fils se fait à travers des histoires quasi fantastiques, des personnages irréels. Il y a même un arbre magique, le grenadier du titre, sous lequel on ne ressent que quiétude, un arbre de la proximité avec le ciel, quel que soit le sens que l’on accorde au ciel.
Si je maîtrise bien l’onirisme littéraire japonais, je ne suis que peu connaisseuse des codes du conte oriental. Forcément déroutée, je me suis laissée porter par la beauté des mots de Bakhtiar Ali, acceptant de ne pas tout saisir à une intrigue montée en spirale, faite de flux et reflux. Comme si on entrait dans ce livre par plusieurs portes, avec derrière chacune, un récit intérieur qui permet de pénétrer de plus en plus profondément dans le cœur du roman. Après tout, cela m’arrive souvent de refermer un Haruki Murakami ou un Yoko Ogawa sans avoir tout appréhendé de façon rationnelle.
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Club des Explorateurs de la rentrée 2019 --- avis après 100 pages
Après cent pages, ce roman est tout aussi mystérieux et déroutant que son titre.
Tout démarre à la première personne, celle de Mouzaffar, officier peshmerga qui vient de passer 21ans de captivité et d'isolement. Il retrouve la liberté et part à la recherche de son fils.
Tout est étonnant dans ce début, déroutant surtout, entre parabole et réalité, poésie et conte, même si on sent planer la douloureuse réalité du Kurdistan irakien.
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