"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comment dresser un panorama des années 90 sur fond de guerre du Golfe à la fois nostalgique et caustique?
Comment remettre dans l'actualité cette époque où la France s'est engagée aux côtés des américains pour lutter contre Saddam Hussein.
Le narrateur, jamais nommé part en Bretagne rejoindre sa fille Louise dans la maison familiale où l'attendent avec impatience ses parents, sa mère toujours bienveillante et attentionnée et son père, médecin militaire qui vient de perdre sa chienne Tess. Ce père justement qu'il va découvrir à travers les lettres qu'il avait envoyé du Front lorsqu'il a fait la guerre du Golfe, comme médecin réanimateur, anesthésiste. Même si celles ci n'arrivent qu'à la page 113, écrites dès janvier 1991, elles donnent une image du conflit très précise et détaillée grâce aux descriptions du père.
Ce dernier relate avec fidélité les conditions de vie des équipes médicales, la météo sur le terrain, et les manques auxquels il est confronté (comme l'alcool, le saucisson,le parfum...). Un style épistolaire plus descriptif, qu'émotif. Le père ne demande jamais des nouvelles de sa femme, de son fils, de la vie chez lui tout simplement, mais il demande " de ne pas s'inquiéter pour lui et "espère que sa famille va bien". Le père est définit dans sa relation au fils en deux phrases : "les joies de mon père sont d'une pudeur extrême", "sur mon père je me rends compte j'ai des lacunes."
Plusieurs anaphores rythment la prose de l'auteur et lui donnent une dynamique singulière. L'une d'elles portent sur le père : Mon père est un fantaisiste..., mon père à son mariage..., mon père a rencontré ma mère..., mon père a perdu sa mère..." Il décrit aussi sa ville, Brest, la ville de son enfance qui est comme une carte postale, une ville où les romancières..., une ville où l'on se protège de la pluie..." Une autre anaphore passe au crible sa famille : je crois que mon père...je crois que Louise..., je crois que ma mère...Je crois que Mado...
Le narrateur se rappelle ses 15 ans, époque à laquelle il découvre la guerre du Golfe dans les médias et les filles au lycée qu'il va collectionner malgré lui. Le lecteur a droit à une énumération de ses rencontres amoureuses et prouesses sexuelles d'adolescent excité. Sa jeunesse est jalonnée de références littéraires, cinématographiques et musicales. Il évoque Saint Cécil, Wayergans, Pivot et l'ombre de Jean D'Ormesson plane sur l'intrigue et son style.
Un roman à découvrir ! Une nostalgie ambiante comme une balade qui évoque une jeunesse en fuite sous fond de conflit mondial, la grande histoire et la petite histoire de ce médecin militaire et son fils se croisent et se répondent.
Nostalgie quand tu me tiens !retrouver sa jeunesse, son adolescence le temps de la lecture de quelques lettres de son papa, l’auteur nous amène dans un style fluide, doux et d’une grande nostalgie vers sa jeunesse dans laquelle on se retrouve sans aucun doute. Un bon moment de lecture
Tout fout le camp.
Et notre jeunesse avec …
Le roman d’Arnaud Le Guern se veut nostalgique mais optimiste à la fois à travers un récit qui fait de jolis allers retours entre aujourd’hui et hier.
Aujourd’hui, c’est cet homme qui écrit un livre. Qui amène ses filles à la plage. Qui regarde les femmes. Qui parle de son père.
Hier, c’est une jeunesse dans les années 90. L’absence de ce père justement le temps d’une guerre au Moyen Orient. Qui attend son père. Ces souvenirs qui appartiennent à l’auteur et ceux plus universels dans lesquels nous nous retrouvons tous.
Hier, ce sont les filles. Sur papier glacé et dans les couloirs du collège.
Hier, qui résonne dans la plume de l’écrivain et dans le cœur du lecteur. Comme une douce musique un peu nostalgique à la radio.
Une jeunesse qui défile. Emouvante, terrible et simple. Comme celle de la plupart d’entre nous. Une jeunesse qui émeut.
Un hommage à son père. Un hommage à une certaine jeunesse. Un hommage à l’acte d’écrire pour se rapprocher de ceux que l’on aime. Pour se rapprocher de ce temps disparu. Cette folle jeunesse.
Dans un style parfois caustique, souvent émouvant, Arnaud Le Guern nous entraîne à sa suite et on ne peut le lâcher. Il s’agit du type d’ouvrages que j’aime particulièrement où on suit une plume, juste parce que les mots nous touchent et nous embarquent.
Récit émouvant donc d’un homme comme les autres. Avec ses failles et ses faiblesses. Avec ces lueurs de véracité et ses pieux mensonges. Le portrait d’un garçon comme vous et moi.
« Mon père a perdu sa chienne: Tess. Comme Nastassja Kinski dans le film de Polanski. Un airedale terrier noir et fauve. Elle avait douze ans. Mon père est touché, coulé. Jusqu’à ce week-end de printemps, je ne l’avais jamais entendu pleurer. C’était bizarre. J’ai beau fouiller mes souvenirs : rien. Il m’a fallu attendre quarante ans pour deviner le grondement de ses sanglots, comme un orage qui couve, avant l’explosion à l’autre bout du sans-fil, fin de la terre, la voix noyée. » Dès les premières lignes, on comprend que la relation au père sera au centre de ce beau roman, fleurant la nostalgie.
Il faut certes attendre la page 162 et le rendez-vous du narrateur-écrivain avec son éditeur pour trouver résumé ce livre. Mais cette patience nous apporte une belle récompense puisque Arnaud Le Guern raconte très bien son livre (et m’évite de la faire !): « Le narrateur, de retour en Bretagne avec sa fille, Louise, le temps d’un été près de ses parents, se souvient de la fin de son adolescence. Il a alors quinze, seize ans. Son père, médecin militaire, est parti en Arabie saoudite. L’Irak, dirigé par Saddam Hussein, a envahi le Koweït. La France, à la suite des États-Unis, s'apprête à entrer en guerre. François Mitterrand, président de la République, et Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, sont à la manœuvre. Début janvier 1991, la guerre est déclarée. Opération Tempête du désert. Le narrateur apprend la nouvelle à la radio. Dans son oreille: les voix des reporters et le bruit des missiles qui zèbrent la nuit orientale. Scud irakien contre Patriot américain. L'angoisse ancrée en lui, le narrateur poursuit sa vie de lycéen, rythmée par les lettres d’Arabie que son père envoie, dans une époque où la légèreté, déjà, n'est plus une affaire sérieuse. Il s'agit, des années plus tard, de raconter un père, retenir les derniers souvenirs d'une jeunesse, les confronter au bel aujourd'hui troublé.»
Voilà pour le scénario. Reste l’essentiel, à savoir un style qui emporte le lecteur dans une farandole de souvenirs. Car la nostalgie habite cette villa du Trez-Hir où il retrouve ses parents en compagnie de sa fille Louise et de Matéa, la copine de cette dernière. Et les drames côtoient la légèreté des vacances balnéaires. En tentant de consoler son père qui vient de perdre sa chienne, il combien son chagrin est immense. Tout remonte en fait à l’époque de cette Guerre du golfe qui a cassé. Il avait quelque chose chez ce médecin militaire peu expansif. Il va alors chercher dans les lettres qu’il envoyait d’Irak pour tenter de comprendre ce qu’il avait zappé à l’époque. Il faut dire qu’il avait alors fort à faire avec les copains, les copines qu'il n’osait pas toucher, du moins au début, le film porno de canal+ qu'il regardait en cachette, et l'équipe de basket où il occupait le poste de pivot.
Et puis il y avait les films et les belles actrices qui le faisait fantasmer, les livres, les chansons. La bande-son de ce roman couvre trois générations, de la discographie paternelle aux chansons qu’écoutent les filles. Il y avait aussi Bernard Pivot et son Bouillon de culture.
Aujourd'hui il est avec sa fille et son amie sur la plage, regarde les femmes en maillot tout en pensant à sa femme Mado restée à Paris.
Il lira les lettres plus tard. Il veut d'abord terminer le roman de Cecil Saint-Laurent qu'il a avec lui, un auteur qui figure dans la liste de ces écrivains disparus qu'il aimerait rééditer. Chassé-croisé entre aujourd’hui et cette époque, ce délicieux roman fleure bon la légèreté en n’oubliant jamais les questions essentielles. Si l’auteur cite François Weyergans et Bernard Frank, j’y vois aussi du Jean d’Ormesson qui, notamment dans ses premiers romans, aspirait aussi à ne rien faire. On s’amuse beaucoup, notamment dans la galerie des premiers flirts, de Catherine «Non, pas tout de suite. Sois patient», à Hélène et Céline, jalouses l’une de l’autre, puis de la rencontre avec Kristen un soir de réveillon, sans oublier les sportives, Roxane la basketteuse et Nathalie la gymnaste. Plus tard viendront les brunes Christelle, Sophie, Caroline et Mado qui partage désormais sa vie.
La lecture d’Une jeunesse en fuite est une excellente manière de bien débuter l’année!
https://urlz.fr/8CcO
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !