"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un grand merci à Babelio et aux éditions Esperluète à qui je dois cette lecture en avant-première grâce à l'opération Masse Critique !
Un soir pluvieux, à Paris, une femme s'arrête pour fouiller désespérément son sac. Son second gant, le gauche, reste introuvable. Alors que la foule indifférente se hâte dans un mouvement incessant, la femme retourne sur ses pas pour partir en quête de ce gant perdu. Ce parcours spatial se double d'un parcours mémoriel car les lieux qu'elle revisite sont aussi les jalons d'une histoire d'amour avortée. Lors de cette errance crépusculaire, les souvenirs resurgissent et la perte du gant matérialise en quelque sorte une relation amoureuse mutilée par un choix incertain.
C'est davantage une longue nouvelle qu'un roman qu'Anne Collongues nous donne à lire. Les lignes temporelles et spatiales du récit ne cessent de se croiser, de s'éloigner, de se rejoindre et donnent au texte un aspect graphique que les encres de Patrick Devreux soulignent encore dans toutes les nuances de gris. Dans sa déambulation urbaine, le personnage rompt avec les trajectoires rituelles de la foule, s'en écarte géographiquement et mentalement. Ce mouvement d'isolement s'accompagne d'un cheminement intérieur dont l'écriture d'Anne Collongues sait capter le moindre frémissement tout en exprimant le rythme lancinant des oscillations entre l'incertitude de la trajectoire spatiale et celle de la quête intérieure, entre l'immuabilité des souvenirs et la rapidité de déplacement des passants.
Avec une intrigue a-priori fort ténue - une femme perd l'un de ses gants - l'auteur construit un récit où le moindre élément devient porteur de sens, où les sensations, les émotions, la confusion des sentiments entrent en correspondance avec chaque détail de l'environnement. Les mots d'Anne Collongues et les encres de Patrick Devreux engagent un dialogue dans lequel je me suis doucement glissée, me laissant imprégner de cette atmosphère troublée de pluie et de doute. Et je reste subjuguée par le pouvoir évocateur de cette narration si subtilement et si magistralement construite et menée.
Un premier roman qui se lit facilement, une écriture simple et fluide, des personnages dont on découvre l’histoire, au fil des pages et des stations de ce RER de banlieue, une jolie performance pour cette auteure qui atteint tout juste la trentaine. Agréable moment en compagnie de ce microcosme, malheureusement je n’ai pas été vraiment séduite, il manque un petit quelque chose d’indéfinissable …
Dans « Ce qui nous sépare » Anne Collongues imagine des vies dans ce RER qui chaque soir traverse la banlieue parisienne. Des vies qui se croisent et se percutent sans se parler, sans se toucher, alors qu’il leur manquerait juste une étincelle d’humanité pour se rencontrer…
Bien sûr, à la lecture des premières lignes de ce premier roman, j’ai pensé à celui de Pierre Charras « Dix-neuf secondes » qui décrit ces rencontres, ces instants de vie avec tellement d’acuité et de réalisme que lorsqu’on qu’on l’a lu et qu’on prend le RER pendant des heures chaque jour, on ne regarde plus jamais autour de soi de la même façon.
Dans le wagon, il y a Marie, jeune maman, elle ne supporte plus les pleurs de son bébé, elle aime Gaétan plus que tout mais semble anéantie face à ce quotidien tellement éloigné de ses rêves d’adolescente. Il y a Cigarette, elle n’a pas su saisir sa chance et partir au loin avec celui qu’elle a aimé un jour, il y a si longtemps, depuis elle aide ses parents à tenir le bar PMU, parce qu’elle ne sait pas dire non, parce qu’elle ne rêve pas d’un ailleurs à conquérir. Il y a Cherif, il a su saisir l’occasion et le job qu’on lui a proposé pour se sortir de la cité, celle où pourtant règne une forme de solidarité. Il y a Liad, il arrive d’Israël et rêve d’une autre vie, sans fusils et sans armes. Il y a Alain, lui vient d’arriver à Paris et sort d’un tunnel affectif mais va retrouver celle qui lui redonnera l’espoir. Il y a Franck, il rejoint son pavillon, là, il se sent incompris, mal aimé, isolé.
En fait, dans ce wagon, des solitudes, des espoirs déçus, des attentes se croisent sans jamais se rencontrer, silence, peur de l’autre, de ce qu’on imagine ou qu’il projette mais qu’il n’est pas forcément, et qui nous laisse seul avec nos doutes, nos interrogations, nos solitudes. Des destins se forment, se décident, s’interrompent, face à la ville et au paysage qui défile, au quai tellement vide même quand il est peuplé de voyageurs qui attendent, face à la nuit qui défile à la fenêtre. Et le lecteur de se dire, et si ? Et si quelqu’un avait parlé, si les lèvres s’étaient entrouvertes, si un sourire s’était esquissé, si seulement un regard avait effleuré, si les mots s’étaient échappés, auraient ils suffit pour changer un destin ?
Voilà un beau premier roman, porté par une superbe écriture toute en finesse et en détails, Anne Collongues explore des sentiments et dévoile des décors, des mouvements, montées, descentes, sonneries stridentes, démarrages, et silences, tous très visuels, comme dans un film qui se déroulerait là, sous nos yeux.
https://cahiersvarisetplumenacre.wordpress.com/cahier-des-lectures/
Un angle de vue tout particulier pour ce premier roman : des personnages assis dans le RER avec chacun son histoire, ses pensées, ses envies, ses soucis, ses espoirs. Finalement rien en commun si ce n’est un bout de voyage ensemble, quelques regards croisés ou pas. Un livre que j’ai vraiment apprécié.
L’ouvrage s’ouvre sur Marie, une jeune femme qui a besoin d’échapper à son quotidien devenu difficile par la présence de son bébé qui pleure tout le temps et le peu de réconfort qu’elle trouve chez son compagnon Gaétan, le papa. Il y aura aussi Alain qui a quitté la Provence, Liad qui arrive tout juste d’Israël, Chérif qui inquiète beaucoup un passager très méfiant appelé Frank, Cigarette surnommée ainsi parce que ses parents tiennent un café et Laura qui est en chemin vers la clinique comme chaque mardi soir. Chacun est assis pour effectuer le même trajet mais les voyages sont tellement différents en raison de ce que chacun est en train de vivre. Anne Collongues nous livre quelques des points communs, par exemple : « Marie errait désemparée dans les rues de la ville trop grande, trop ville, comme Alain marche le soir dans Paris où manquent l’horizon et le pépiement des oiseaux avec lesquels tous les deux ont grandi. » (p 145).
J’ai trouvé le récit très agréable parce qu’on passe de la description du présent au récit de la vie de chacun avec beaucoup d’adresse. Mon seul regret est de ne pas connaître la suite de la vie de ces protagonistes puisque le récit s’achève au moment où chaque voyageur descend du RER. A quand la suite ?
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