"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Ce que nous perdons le temps ne le refait pas, l’éternité le garde pour la gloire et aussi pour le feu ». Jorge Luis Borges. L’Aleph».
« Dans la vie, en dehors de la vie, je déferai ma valise, j’achèterai un petit réchaud ».
« Plus vivant que la vie », la force inégalée d’un récit qui est l’intégrité même. Lumineux, poignant, d’une sincérité totale, ce livre est irradiant, douloureux.
Un parchemin dédié à Koumiko, la Mère, sa mère. Une femme libre à l’instar de Diogène. Artiste, créatrice, sublime « forcément sublime », dont Chris Marker en 1965 a fait un film documentaire.
Anna Dubosc est sous le choc. Elle écrit comme une pluie d’étoiles. « Les gens me félicitent pour mon hommage, comme au cours d’une rencontre en librairie. Ça me fait plaisir. J’y repense toute la journée, je me repasse mon discours dans ma tête ».
La famille soudée, magnifique dans les différences de cet électrochoc. Les rappels pavloviens comme des cimes enneigées. On pleure sous ce trop-plein de virtuosité. Un hommage comme une chapelle sur la colline générationnelle.
On imagine le pouvoir de Koumiko encore présente. L’aura magnétique d’une vieille femme qui glisse doucement vers la perte de mémoire.
« Un foulard dont elle tient une extrémité dans chaque main et sur lequel est écrit en français : je rangerai la semaine prochaine. Ce qu’elle n’a fait ni la semaine ni les cinquante années suivantes ».
Coude à coude avec son compagnon et ses deux filles, sa sœur Sophie. Cercle qui s’agite, arrose les fleurs. Interpelle le passé et se refuse la finitude. Il n’est pas l’heure encore.
« J’ai senti la présence de Koumiko. C’était la première fois ».
Le récit témoigne, acquiesce la gémellité entre une mère japonaise, unique, au libre-arbitre avéré et sa fille Anna. Tant de similitudes que nos yeux se baissent sous tant de connivence. L’arrachement comme un cri dans la nuit. Anna est un oisillon tombé du nid.
« Je pleure en marchant. Je lui parle, je lui dis de revenir… Elle ne peut pas être nulle part. Il me manque un sens pour appréhender ce vide, cette immensité qui s’en fout ».
L’acte d’écrire comme la lave d’un volcan. Écoutez le balancier de la vie. Se dire qu’Anna vaincra. Mais il y a des mots encore qui cinglent comme la grêle sur un toit endormi.
« Je revois sa dégaine de grenouille, ses petits yeux tout contents, son sourire édenté. Je repense à nos tours sur la place ou le parc à côté ».
Et là les amis, les regrets comme des chapelets, mais l’amour rayonne. « Je me souviens qu’une fois sur deux ça me gonflait, et ça aussi ça me crève le cœur ».
Il n’est pas l’heure encore pour le deuil. Il faut qu’Anna souffre. Aussi fort que cette violence de mort. Ne pas laisser la plénitude d’une voix s’éteindre. Sentir l’odeur de la mère, son rire joyeux et son côté bohème colorier la vie, encore un peu.
Parole inestimable : « Je n’ai pas l’intention de surmonter. Ce serait comme trahir Koumiko, l’abandonner ».
Anna avance, se mêle à la foule. Vit et comble ses jours pour ne pas sombrer. Elle cherche les clefs, observe les ombres et ses plantes qu’elle déniche un peu partout. Complicité avec la mère. Elle qui a toujours gardé ses yeux d’enfant. La disparition qui bouscule les habitus. L’heure arrêtée au cadran de la mort. IL n’y a plus de contraintes, de charge mentale, et plus de grâce parentale. Anna est en manque. « Dans la rumeur d’une langue étrangère, je me sens protégée, hors d’atteinte ».
Écrire ainsi est une rose éternelle, plus vivante que la vie. Anna ne brusque rien. Elle devine ce qui adviendra après ce long silence et les heures sautées où elle rendait visite à Koumiko et se nourrissait au lait maternel. Le symbole de l’amour.
Ce livre intime est à l’instar d’un mémoriel sans le pathos qui désagrège la beauté. Fille et mère, mère et fille et mère. « Comme un adage ou une vérité mystérieuse ».
Ici, vous allez pleurer, rire, soutenir et vivre (re).
Il faudra alors un périple au Japon : terre-mère. Une déambulation initiatique. Une aurore boréale invisible, laissez faire et tout retenir.
Admirable. Il faut lire, vaciller et étreindre. Anna, merci !
Publié par les majeures Éditions Quidam éditeur.
« Bruit dedans » est un cerf-volant en plein ciel qu’on ne lâche pas des yeux un seul instant. Retenir dans cet infini ce bruit qui contre le bovarysme, attise la flamme de l’écoute grave voire respectueuse. Anna Dubosc est ici ; altière, superbement vivante, émouvante. Elle n’écrit pas, ne parle pas. Elle rassemble l’authenticité, les roulements de la vie. Les mots ne sont pas des apparences. C’est l’existentialisme même qui chuchote et octroie cette belle littérature raffinée, sincère. On aime imaginer Anna Dubosc près de sa table d’écriture. Puisant dans le quotidien ce regain qu’elle seule connaît. Anna Dubosc délivre l’épiphanie verbale, les entrechocs, ce qui peut être l’ancre, l’arrêt, le phare dans la nuit. Les rencontres sont fédératrices. Anna Dubosc ose les délivrances dans une confiance dont elle seule connaît l’enjeu. Et c’est là la beauté même de ce grand livre. Koumiko est l’empreinte pavlovienne. On aime la sentir dans les pages, dans ces retrouvailles fiançailles, connue et reconnue des lecteurs assidus d’Anna Dubosc. Mère envoûtante, au passé célèbre, dont la santé fragile attise la finitude. On voudrait rester dans ce nid générationnel. Ressentir nous aussi cette force maternante. Ce besoin de toucher la main de la mère. On pleure, car nous aussi on se souvient. Anna Dubosc écrit l’importance du geste qui assigne. Le regard pudique d’un amour qui étire ses ailes pour mieux protéger. Le symbole du pélican en majesté. « Je suis fascinée par tout ce qui lui sort de la bouche, ce pur don d’écriture orale. - Anna, tu es là ? ça va ? Je t’aime, je t’adore. Je veux te demander si tu as besoin de quelque chose ? -Non, tout va bien, j’ai besoin de rien. Elle me dévisage, l’air soudain perçant : -Tu es mon enfant. -Oui, n’oublie jamais ça. -D’accord. » Les déambulations dans Paris ne sont jamais ordinaires. Anna Dubosc rassemble le fascinant, les respirations d’une ville, les altruismes échappées. Elle collecte les confidences, les littératures échappées des intériorités. Ses amis, les inspirations, fusion de cette trame en porte-voix. Que ce chant est beau ! « - Mon ami, tu sais, tu l’adores. Il parle tout le temps, il est très drôle. Il a dû repasser mais tu ne te souviens pas. -Ah oui ?... – Il a oublié ses notes, c’est marrant… » « T’as écrit quoi ? » « C’est très étrange cette éternité de temps qui s’ouvre et qui écrase une vie. » Soudainement ce récit devient autre. Dualité entre les passages des rois. Les paroles de ceux qui élèvent le filigrane, ce fil doré d’un livre à mille mains. « Je comprends ce que tu dis, les premières pierres posées, ce besoin de me sentir auprès de toi, alors que je n’étais plus là. Je comprends le tour de passe-passe. Pour moi, ces emprunts dessinent une espèce de ligne en pointillés. » Anna Dubosc propulse « Bruit dedans » kaléidoscope dont la fiction est un faux-semblant. Ce récit mature, déjà perpétuel est hors norme. On aime les échos, les maillages. Le naturel spontané d’une auteure libre. Une femme humaniste, avant-gardiste, profondément magnanime. « Bruit dedans » est une marelle entre ciel et terre. Un futur grand classique. Un hymne à la mère, à la vie, à la littérature. Un chef-d’œuvre ! Publié par les majeures Éditions Quidam éditeur.
Comme on l’aime ce roman !! Serré et fort comme un café ! Prolonger le plus longtemps possible cette « Nuit synthétique ». Rester ainsi immobile, dans cette écoute d’Anna Dubosc, qui connait Cléa jusqu’au bout de ses doigts. Il des plumes qui ne trompent pas. Etonnamment constante et fidèle, dans une trame familière où l’on sent la beauté d’une écriture enfouie dans la tiédeur d’un oreiller . Anna Dubosc délivre avec conviction une histoire qui semble lui coller à la peau. On reconnaît le style (cher à Koumiko) (Premier Prix Hors Concours 2016), et la personnalité fervente de l’auteure. La teneur altruiste des lignes qui prend le pouvoir et rend magique une lecture attentive. On est bien, là, à l’écoute des émois qui prennent sens. Comme à l’instar d’un lecteur qui pénètre au travers du miroir tendu par l’auteure. Cléa est une sacrée belle personne, attachante, fraternelle, fusionnelle mais incomprise. Elle se cherche dans les nuances synthétiques de cette nuit qui se confond avec le jour. Elle a faim d’amour, de feu, de larmes de vie. Elle voudrait toujours tendre des morceaux de pain aux oiseaux éperdus. Elle voudrait sauter dans les flaques. Jouer à s’émanciper en femme guerrière. Jeter des regards au –dessus des êtres et se risquer jusqu’au confin des corps affolés. Brusquer l’autre .Etreindre la fusion d’une commune osmose. Plus Cléa s’égare dans les ruelles trompeuses, plus le lecteur à envie de lui glisser un imperméable sur ses épaules afin de contrer la pluie de détresse qui s’abat insidieuse sur elle. « Nuit synthétique » est un roman unique. Il vibre, s’agite. C’est un roman qui délivre le sentimental en tapis rouge. Il honore la sincérité et fait la part belle à la tendresse. Il ose s’affronter à la vérité. Profond il encense les sentiments en hédonistes échappées. Ce livre est beau comme une promesse. Il donne à voir ce que « Nuit synthétique » offre au réel de la vie d’une femme qu’on aime de toutes ses forces jusqu’au point final, et bien après. Publié par les majeures « Rue des Promenades », ce roman est un bol d’air frais. Brillant , il est dans la cour des Grands et c’est une sacrée fierté !!!. A lire par tous les temps et à toutes heures , mais la nuit c’est encore mieux !!!
« J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien… » Anna Dubosc ne nous rejoue la chanson chantée par Jeanne Moreau, mais raconte la lente décrépitude de sa mère, Koumiko Muraoka, poétesse. Elle note tout sur un carnet, histoire de ne pas oublier puis le retranscrit dans son livre. Est-ce pour mettre un « paravent » entre leurs deux désarrois qu’Anna note tout ce que sa mère dit et ou pour sauver la mémoire de sa mère ?
Encore un livre sur le rapport mère-fille-maladie. Oui mais avec la plume d’Anna Dubosc, son écriture nerveuse, directe qui ne fait pas de ronds de jambe. Et puis, c’est sans compter Koumiko et son sacré caractère, son appartement musée-capharnaüm-poubelle, ses apartés. Pas facile de devenir la gardienne, la mère de sa propre mère. Les rapports se trouvent inversés, Anna doit surveiller Koumiko tout en lui laissant la liberté qui est source de sa vie. Koumiko devient la petite fille qui ne supporte pas la solitude. « Elle qui était tellement autarcique, elle ne supporte plus d’être seule ». Anna note tous les petits bonheurs de sa mère, comme les querelles « -Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je prends pas médicaments, idiote ! –Ben t’étonne pas de crever alors ! »
Koumiko a du caractère, beaucoup de caractère et le sas de la civilité est parti en même temps que sa mémoire. « Je peux quasiment tout supporter, sa connerie, sa méchanceté. Son désespoir, non, ça me terrasse. Je préfère quand elle m’emmerde. Au moins ça fait diversion, ça brouille mon amour ». S’ensuit des dialogues picaresques.
Malgré leurs querelles incessantes, je sens l’amour d’Anna pour sa mère. « Puis j’imagine le monde soudain vide d’elle. Non, impossible. Il faudrait qu’elle meure pour de faux, pas pour toujours »
J’aime l’écriture simple et directe d’Anna Dubosc. J’aime sa façon de traiter son rapport mère-fille sans mièvrerie, sans cacher les aspérités, avec les petites joies, les grosses peines, la lourdeur des situations, bref de nous décrire la relation exacerbée avec sa mère « Mois je me farcis ma mère comme d’habitude »
Un livre simple, vivant, gouailleur, humain. Une lecture tonique qui remet les pendules à l’heure où, quelque fois, je me suis reconnue dans mes relations avec ma mère de 94 ans, avec un peu beaucoup moins d’amour.
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