"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Miriam est dans le coma après avoir été renversée par une voiture. Andrea, fou amoureux d'elle après une seule nuit ensemble, vient lui parler chaque jour, attendant qu'elle se réveille. Autour de ce duo gravitent d'autres personnages : la mère de la jeune femme, son père, sa meilleur amie.
Raconter ainsi, on peut se dire qu'on va être dans un bon gros mélo larmoyant. le roman est tout sauf ça. Bien plus, une tragédie lyrique, un conte noir très loin des canons habituels, qui tisse une histoire d'amour et de liens familiaux à la fois brute, cruelle et poétique.
« C'est comme si j'étais un truc en morceaux tout court, je me regarde dans la glace et je suis entièrement fait de trucs qui manquent, de membres fantômes. Je me regarde dans la glace et je vois ce truc plein de morceaux manquants : c'est comme si je n'étais pas moi – ou alors c'est tellement moi que j'arrive même pas à me reconnaître. (...) Comme si tu étais un fleuve de lumière dans l'entonnoir bizarre de mes journées – c'tait une colle chaude qui coulait dans tous les vides que j'ai en moi. (...) Tu es celle qui peut me sauver. (...) j'ai senti quelque chose monter en moi, une envie de crier mon nom : de dire, voilà putain, me voilà, je suis entier. Je me suis regardé dans le rétroviseur, cette nuit-là, pendant que tu t'allumais une cigarette sur le siège à côté de moi : aucun membre fantôme, aucun morceau manquant, aucune empreinte coupée. Un truc tout entier, un moi que je reconnaissais. Un truc comme ça. Et c'est toi qui as fait tout ça. C'est toi. Avec ton genou, l'espace entre tes incisives, tes ongles, le planétarium dans tes yeux et tous le reste. »
L'histoire d'amour est superbement décrite et m'a fait accepter un procédé que d'habitude je déteste : faire parler des personnes dans le coma ( ou des morts ). Miriam et Andrea se répondent, elle prisonnière des limbes entre lucidité et détachement, lui depuis le monde des vivants, tel un Orphée acharné voulant ramener son Eurydice.
Le roman a beau se dérouler sur sept jours, sa construction n'a rien de linéaire. L'auteur alterne les points de vue de ses personnages, distordant le temps entre dialogues et monologues à la première ou deuxième personne. On est face à un puzzle qui révèle attaches et filiations entre les personnages ainsi que les entrailles de leur passé tout en se projetant dans l'avenir et l'hypothétique réveil de Miriam. Ce n'est qu'à la toute fin que le lecteur, et lui seul, aura une vision panoramique du drame en cours qui s'est joué avant l'accident.
Et cela passe par des montagnes russes émotionnelles pleines d'excès et de fureur. On est tour à tour asphyxié, consterné, ému tant les personnages vomissent tous regrets, peurs, colères, obsessions, tourmentés par l'incomplétude de leur vie. Ils se perdent dans des souvenirs ou des fantômes qu'ils pensaient avoir enterrés et qui ressurgissent plus anguleux que jamais. L'auteur parvient à donner à chacun une voix stylistique propre, ce qui fait qu'on entend totalement leurs vibrations et les ressent très organiquement.
Un magnétisme puissant se dégage du texte, une tension permanente qui explose avec l'apparition du personnage le plus trouble du roman : le prêtre mi-exorciste mi-chaman qui est le mentor d'un Andrea sous emprise. L'auteur semble ainsi forer frénétiquement dans l'obscurité pour arracher un peu de lumière à cette tragédie qui mêle sacré et profane comme dans un match qui déterminerait si la pureté d'un amour peut vaincre le Mal.
Une expérience de lecture puissante et viscérale.
Andrea Donaera, jeune poète originaire des Pouilles, publie ce premier roman en 2019.
Mimi est le chef de la Mafia des Pouilles , La Sacra, habitué aux chantages, aux menaces, aux tortures quotidiennes et assassinats pour appuyer son pouvoir.Mais lorsque son fils Michele se suicide à 17 ans, tout s'effondre, il n'est plus rien et ne lui reste que faire Basta de toute sa vie et de ce qui l'entoure , en laissant sortir la Bête qui est en lui . Il va rechercher la jeune fille Nicole, qui avait repoussé les avances de Michele le jour même du suicide : la coupable idéale sur qui Mimi veut se venger . Mimi ne sera que violence pure !
Au fur et a mesure des chapitres l'auteur va donner la parole aux différents personnage : Mimi, Veli, enfermé car amoureux de sa fille Arianna ; Nicole , la jeune innocente.
Dès les premières pages, ce roman nous surprend par une langue brutale, dure et lancinante adpotée pour le personnage de Mimi, reflétant sa stupeur et sa perte de contrôle , à l'annonce de la mort de son fils ; C'est un père à terre dont la violence et la fureur vont exploser durant le récit . Pour chaque personnage, l'auteur va adopter une écriture différente ,offrant un autre regard sur le récit . On alterne entre poésie, théâtre par les différents huis clos et mélopées intérieurs des acteurs du drame.
La tension du texte monte crescendo durant les chapitres, chaque personnage apportant son regard sur l'intrigue, sa version des faits et ses émotions. L'auteur nous propose une véritable tragédie antique avec la mort du fils,l'inceste, la vengeance et la violence destructrice.
J'ai apprécie l'originalité de ce roman reposant sur une écriture fiévreuse et une construction particulière mais je ressens un certain malaise vis à vis de la violence excessive de Mimi . Elle devient caricaturale en fin de roman et inexplicable.
Ce récit est un premier roman, paru dans la grande effervescence de la rentrée littéraire 2020. Un roman sur fond de terreur au sein d'un clan mafieux, où la douleur projette dans la folie et l'horreur.
Un récit prenant, addictif et lancinant, comme la musique du groupe américain. L'auteur a un style cadencé, répétitif, fait de petites phrases percutantes, saccadées. J'ai été perturbée par ce style au début de ma lecture je dois le reconnaître. Mais l'univers oppressant et malsain dessiné par l'auteur pousse le lecteur vers la fin pour savoir comment toute cette folie va bien pouvoir s'arrêter.
Une belle mécanique et un style travaillé et original pour un roman où il m'a quand même manqué un peu d'âme et d'émotion. Un premier roman qui mérite qu'on s'y arrête.
https://itzamna-librairie.blogspot.com/2020/12/je-suis-la-bete-andrea-donaera.html
La douleur de perdre un enfant ne peut pas se mesurer.
Un père peut être capable de tout, juste pour essayer d'éliminer cette douleur.
Et si ce père est Mimì, chef de la Sacra Corona Unita, et si ce fils s’est suicidé, il faut désigner un coupable.
Michele a sauté du 7ème étage, à priori parce que la belle Nicole a refusé son amour.
Il n'y a qu'une seule façon de laver ce sang: la vengeance.
Et Mimì est prêt à sacrifier tout et tout le monde pour venger la mort du fils.
Aveuglé par la douleur, Mimì fait enfermer Nicole dans une maison de campagne, où Veli, victime aussi d’un amour qui ne doit pas être, est retenu depuis des mois maintenant.
Cruelle et impitoyable, l'histoire se dirige vers une fin sanglante, dont même les survivants sortiront anéantis.
Il est assez simple, au début du roman, de comprendre à qui le titre se réfère. Cependant, en lisant le livre jusqu'au bout, on en vient à douter car cette bête a plusieurs tête.
Est-ce Mimi ? parrain d’une mafia locale, bossu sadique, perclus de haine, poussé par des pulsions de violence depuis toujours et aujourd’hui rongé par la perte de son jeune fils Michele.
Ou peut-être est-ce Arianna ? la seule fille qui reste maintenant à Mimi, coupable d'être tombée amoureuse de Veli, même si elle savait que cet amour était maudit, interdit et que cette relation allait ajouter un poison fétide à la colère noire qui a englouti toute la famille Trevi et dont il est désormais impossible d’émerger.
Et si la bête était Nicole ? la belle et séductrice Nicole, trop sûre d’elle, coupable d'avoir refusé l'amour de Michèle, de s’être moqué de lui et donc probablement à l’origine de son suicide.
Mais peut-être que la bête est Veli ? à la fois prisonnier de Mimi et geôlier de Nicole, interprète d'un drame qui ne lui appartient pas, forcé de se transformer pour survivre et forcé d'oublier son amour incestueux.
Et s’il n'y avait pas de bête ? juste des hommes et des femmes qui se comportent bestialement.
Ne vous attendez pas à un roman classique sur la mafia. Andrea Donaera réussi la tâche très difficile d'apporter un regard introspectif sur les organisations criminelles, il parvient à parler d'émotions, à parler du pouvoir et de l'inutilité de ce pouvoir face à la douleur.
Dans un récit aux voix multiples, avec son écriture pleine de répétitions délibérées, l’auteur perturbe son lecteur. Il nous parle d’histoire d'amours contrariés, interrompus. Il mêle la saleté de l'âme et les rêves d'adolescents, la férocité et la candeur, la monstruosité et l’ingénuité. Il raconte avant tout la violence gravée en nous, la violence qui explose.
A relire peut-être dans quelques temps pour mieux saisir toutes les nuances des personnages.
Traduit par Lise Caillat
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