"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C’est la formidable série TV « Sambre » qui m’a donné envie de lire le livre de la journaliste Alice Géraud. Elle raconte, par le biais des victimes et quasiment uniquement par ce biais là, l’épopée du « violeurs de la Sambre » de 1988 à 2018. 30 ans ! Pendant 30 ans, Dino Scala, un monsieur-tout-le-monde, marié et père de famille, le bon pote qui rend service et est copain avec tout le monde, Dino Scala va agresser plus de 60 femmes, jeunes filles et même très jeunes filles, bousillant leur vie. Dino Scala va agresser selon un rituel quasi immuable, toujours de la même façon ou presque, toujours aux mêmes heures ou presque, dans un rayon maximum de 30 km carré à peine sans que personne, ni la presse locale, ni les élus et (pire), ni la police et la gendarmerie ne prennent la mesure des ses crimes. Je vais être franche, ce livre m‘a mis dans une colère noire ! J’ai même été tenté de jeter ce livre à travers la pièce de dégout en lisant le passage ignoble de l’audition de la jeune Charlène (pages 264 à 273) par la Police. La lecture du livre d’Alice Géraud devrait être obligatoire à L’Ecole de la Magistrature et dans les écoles de Police pour comprendre ce qu’il ne faut absolument pas faire dans les cas de viols et d’agression sexuelle. Alice Géraud égrène les victimes, leur agressions, leur souffrance devant la police, devant la Justice, et pour celle qui auront eu le courage, devant la Cour d’Assise. Entre chaque chapitre, quelques lignes seulement sur Scala, qui continue sa petite vie tranquille entre les agressions. Les victimes, elles, n’auront plus jamais la vie tranquille. A l’agression s’ajoutera le silence, la honte, la maltraitance bureaucratique. Avant la révolution « MeeToo », force est de constater qu’on ne fait pas grand cas des viols et des agressions sexuelles dans la Police et la Gendarmerie : plaintes égarées, scellés non exploités et conservés n’importe comment (ou détruits), auditions des victimes comme si elles étaient en garde à vue, faits de viols requalifiés en « agression sexuelles » (ça fait moins de paperasse !), auditions de très jeunes filles bouleversées par plusieurs policiers masculins qui cherche la moindre contradiction. Que de misogynie inconsciente ! A quoi on peut aussi ajouter une goutte de racisme « Vous êtes sur qu’il n’est pas maghrébin ? Ou Gitan ? ». Le manque de moyen de la police et de la Justice, le turn-over rapide des fonctionnaires, la guerre police/gendarmerie, tout cela n’excuse pas tout. En réalité, ces femmes qui se font agresser dans la Sambre, ce sont des femmes modestes, des lycéennes, des ouvrières, des femmes de ménage, des femmes au foyer, on ne leur explique pas qu’elles peuvent prendre un avocat, on ne leur explique pas l’aide juridictionnelle, on prend leur plainte du bout des lèvres, on fait quelques recherches et on classe : on préfère faire du chiffre et soigner les statistiques avec les cambriolages ou la drogue. On vérité, ces femmes, elles ne ruent pas dans les brancards, elles ne savant rien les unes des autres, elles pleurent dans leur coin et on les oublie, on leur dit en gros de « passer à autre chose ». Alice Géraud, dans son livre, leur rends un peu de leur dignité. Quant à Dino Scala, il ne sera arrêté que par hasard en 2018 à cause d’une caméra de surveillance nouvellement installée. Il aura détruit la vie de presque 70 femmes, et il ne donnera jamais l’impression de prendre la mesure de ses crimes. Lui qui tapait le ballon avec les policiers chargé d’enquêter sur ses agressions, qui se moquait de son propre portrait robot, n’était pas torturé par ses pulsions, il avait intégré le fait qu’on peut agresser des femmes en toute impunité. Le livre d’Alice Géraud est un coup de poing qui ne peut laisser personne indifférent. On en sort sonnée, bouleversée et très en colère : 400 pages pour un fait divers hors norme, 400 pages de rage. Très dur avec la Justice, encore plus avec la Police et la Gendarmerie, mais aussi la presse et les élus, « Sambre » ne radioscopie pas seulement un fait divers, il radioscopie toute la misogynie inconsciente de la société française de ces 30 dernière années.
Sambre : Radioscopie d'un fait divers, Suivi d'un entretien inédit avec l'autrice, par Alice Géraud, lu par Christel Wallois, Audiolib 2023.
Ayant eu beaucoup de mal à visionner la série TV inspirée de ce livre, malgré le choix des scénaristes d’en faire une fiction et non un documentaire, je me suis laissé tenter par cette audio-lecture, proposée par NetGalley.
Alice Géraud y retrace la chronologie et le traitement par la police et la justice des agressions sexuelles et viols commis entre 1988 à 2018, dans la Sambre, une petite région industrielle du Nord de la France, par un seul et même individu.
Plus de 50 victimes, auxquelles d’ajoute une quinzaine d’affaires concernées par une nouvelle information judiciaire ouverte au printemps 2023 par le parquet de Valenciennes pour d’autres faits commis entre 1988 et 2009 à l’encontre de celles dont les plaintes avaient été égarées ou que la justice avait d’abord écartées.
Un reportage à charge.
Un réquisitoire.
Comment un seul homme a-t-il pu commettre autant de crimes aussi longtemps, sur un si petit territoire, sans jamais être inquiété ?
Ce livre pointe les dysfonctionnements dans les réceptions des plaintes, dans l’accueil des victimes, dans les enquêtes bâclées, dans les instructions cloisonnées… Une accumulation de lacunes et de négligences inacceptables.
C’est édifiant, désolant, révoltant.
Le chant choral des victimes, des collégiennes, des lycéennes, des toutes jeunes femmes, des plus âgées… Leur traumatisme indélébile.
Un excellent livre, utile.
Une version audio de grande qualité servi par une narratrice qui a su garder une tonalité discrète et factuelle.
#SambreRadioscopiedunfaitdivers #NetGalleyFrance #lesglosesdelapiratedespal
Comment, pendant trente ans, un homme a-t-il pu violer et agresser sexuellement plus de cinquante femmes et adolescentes dans un périmètre aussi modeste que ce petit bout de territoire du nord de la France jouxtant la frontière belge qu'est le Val de Sambre ?
Avec ce documentaire, fruit de quatre années d'enquête, Alice Géraud apporte une réponse. Elle est glaçante.
L'indifférence et le manque de formation des policiers et des gendarmes plus concernés par les vols, les cambriolages et les deals de drogue que par les souffrances des victimes du « sexe faible », les carences d'une justice débordée et le peu d'intérêt des médias et des élus pour ces crimes qui se déroulent dans leur région sont les principales explications de ce fiasco qui en dit long sur les priorités d'une société dysfonctionnelle et indifférente.
Tout en recensant minutieusement les défaillances des institutions censées protéger les citoyens, la journaliste dirige le projecteur sur les cibles du pervers et leurs souffrances qui perdurent plusieurs années après l'attaque.
Cette enquête est une manière de rendre leur dignité à ces femmes de peu, souvent mineures, parfois accusées de mythomanie, souvent rabaissées, toujours incomprises.
À part de quelques Justes qui ont permis de faire avancer leur cause : Christine Andrieux, la documentaliste du BDAC de Lille, le policier Franck Martins et la maire de Louvroil Annick Mattighello.
Merci pour leur courage et leur empathie.
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-sambre-alice-geraud-jc-lattes/
Par quoi commencer ? Sambre, radioscopie d'un fait divers par Alice Géraud est une enquête très fournie qui explore toute l'affaire du violeur de la Sambre, sous de nombreux angles et surtout des points de vue des victimes, de leurs histoires et leurs vécus. La parole des victimes.
Je m'excuse si cette chronique est complètement déconstruite par endroit. Il y a tellement à dire, à noter, à hurler. Tellement de choses à dénoncer, à pointer, à condamner. Les commentaires fusent, les réactions sont impossibles à taire. Je ne vois pas comment on ne peut pas être révolté, en colère, enragé, pendant cette lecture. C'est assez complet, on a des détails, des témoignages, des mots, crus, difficiles. Il a fallu faire des pauses vraiment nécessaires. Pauses que les victimes n'ont pas eues. Elles. Des décennies d'enfer. À cause d'un agresseur et d'un système tellement mal construit, mal géré. 30 ans.
Le plus dur, en plus de l'horreur que ce que ces victimes ont vécu face à cet agresseur, ce violeur en série, ce sont les réponses immondes de certaines personnes de leur entourage, de leurs familles et encore pire de la part des policiers, gendarmes et autres autorités supérieures. Puis de la justice.
"Un coup d'épée dans un océan d'indifférence."
Révoltant.
La façon dont sont traitées les victimes par les policiers, leurs entourages, la justice.
La minimisation de ce qu'elles ont vécu et subi. La façon qu'ils eu ont a dicter à la place des victimes leurs vécus. Ils les arrangent, les inventent, les dictent à leur place en ometant plein de faits, la gravité des faits, les agressions en elles mêmes. Ils nient la réalité, ils jugent et méprisent toutes ces jeunes filles et jeunes femmes du tout du long sur une quantité importante de cas, si ce n'est pas tous les cas liés à cette affaire en l'occurrence (même si on sait très bien que c'est comme ça partout ailleurs). Ces choses qu'on leur a imposées leur ont nui jusqu'à 20, 30 ans plus tard, jusqu'au procès.
Comme le dit une des victimes, les paroles, les agissements des policiers sont ressentis comme des seconds viols, des secondes agressions. On ne les écoute pas on ne les entend pas. On ne les laisse pas s'exprimer et quand elle essaient et, ou, y arrivent il y a toujours quelqu'un pour minimiser, modifier, invalider leur vécu. Sans compter ceux qui veulent retourner les faits et culpabiliser les victimes elles-mêmes ! Comme quoi elles auraient cherché ça, provoqué leur agresseur. C'est immonde, inhumain, dégueulasse. C'est révoltant. C'est une lecture tellement difficile car en dégouline le mépris des médecins, des enquêteurs, sur les femmes victimes, le sexisme, la misogynie, ne pas les prendre au sérieux, ne pas les croire tout court. Et les choses qui traînent. Les faux suspects par manque d'implication de la part des policiers, de volonté d'attraper le vrai coupable. Les auditions et témoignages qui se transforment en interrogatoires des victimes qui auraient juste dû être entendues, écoutées. C'est révoltant. Immonde. Ils ont doublement détruit les vies de ces jeunes femmes. Ces enfants. Ces adolescentes. Ces femmes.
Ce qui revient énormément c'est la répétition des évènements en boucle, agressions, témoignages qui se passent mal à cause des policiers, enquêteurs, elles sont pas prises au sérieux, leurs histoires sont perdues ou pas enregistrées, modifiés, ils partent sur de mauvaises pistes car n'ont pas réellement écouté et cru les victimes et les années passent, les victimes s'accumulent, l'agresseur aurait pu être appréhendé bien avant, tellement de personnes auraient pu être épargnées. C'est une éternel répétition. Les précédentes victimes souffrent, on remue le couteau dans leurs plaies, et les nouvelles victimes allongent la liste au fil des années.
On voit à quel point la justice est mal faite, les trous, les vides qu'il y a, les manques d'actions, de ressources, de défense, de volonté de protéger les victimes, de prévenir d'éventuelles autres agressions. Le manque de connaissances de l'impact sur les victimes, sur l'information qui ne circule pas pendant, et après. Pendant des décennies. Trente ans. On voit que les destins de personnes sont liées aux agissements ou non agissements d'autres personnes. On voit les différences de traitements des victimes selon les années, les pays, les commissariats et à quel point ça ne change pas sur beaucoup de points aussi. Malheureusement. Les manquements, les erreurs, le manque de volonté, les préjugés. Des décennies à laisser en liberté un agresseur en série parce que les victimes ne sont pas prises au sérieux, parce que l'ADN n'est pas pris, parce qu'on préfère accuser à tord et facilement d'autres personnes. La quantité d'indices et d'informations qui auraient pu démasquer l'auteur.
On voit aussi les changements qui ont été faits mais très très doucement grâce aux actions de quelques personnes. C'est déjà ça, mais ce n'est pas assez.
Je tiens à saluer vraiment les quelques personnes qui ont permis de faire av
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