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Une femme marche sur le bord de la route. Le jour n'est pas encore levé, l'air est glacial. Un homme surgit derrière elle. Il porte un bonnet noir...
Durant trente ans, dans la Sambre, une petite région industrielle du Nord de la France, des dizaines et des dizaines de femmes sont agressées sexuellement ou violées au petit matin. Elles portent plainte, parfois à quelques jours d'intervalles. Elles ne sont pas toujours crues.
Un jour de février 2018, ces femmes apprennent l'arrestation d'un homme surnommé « le violeur de la Sambre ». Comment a-t-il pu commettre autant de crimes aussi longtemps sur un si petit territoire sans jamais être inquiété ?
C'est par cette question qu'Alice Géraud débute son enquête. La journaliste s'est plongée dans ces dizaines de plaintes abandonnées dans les commissariats de la Sambre.
Elle est allée à la rencontre de ces femmes, ces oubliées dont la vie s'est brisée un matin sur le bord d'une route. À elles toutes, elles racontent une histoire plus grande que la leur, celle d'une société et de ses institutions dysfonctionnelles face aux violences sexuelles. Bien au-delà du fait divers, ce livre est le récit de la lente bascule d'un système depuis la fin des années 80 jusqu'à l'ère #metoo. Il change définitivement le regard.
Lauréate des Prix :
Polar et Justice 2023 Du Livre du Journalisme 2023 Du livre du réel 2023 Marianne/Un aller-retour dans le noir 2023 Finaliste Prix littéraire du Barreau de Lille Sélection pour le Grand prix des lectrices de Elle (mois de février) « Un violent coup de projecteur sur une société, pas si lointaine, qui nous fait honte.» Télérama « Un fait divers raconté avec brio. » L'OBS « Un récit à la fois sobre et haletant. » Libération « Limpide et glaçante, cette radioscopie d'un fait divers décortique chaque couche d'une effarante faillite collective. » Télérama « Une force incroyable. » France Inter « Un livre magistral. » M le Magazine du Monde « Une plongée saisissante au coeur des institutions judiciaire et policière. » Le Monde des livres « Une enquête impressionnante sur un dysfonctionnement général. » 28 minutes, ARTE « Un livre majeur et coup de poing. » Sud Radio « Une affaire hors norme. Un travail d'enquête titanesque. Une écriture à la fois précise et délicate. » Cheek
C’est la formidable série TV « Sambre » qui m’a donné envie de lire le livre de la journaliste Alice Géraud. Elle raconte, par le biais des victimes et quasiment uniquement par ce biais là, l’épopée du « violeurs de la Sambre » de 1988 à 2018. 30 ans ! Pendant 30 ans, Dino Scala, un monsieur-tout-le-monde, marié et père de famille, le bon pote qui rend service et est copain avec tout le monde, Dino Scala va agresser plus de 60 femmes, jeunes filles et même très jeunes filles, bousillant leur vie. Dino Scala va agresser selon un rituel quasi immuable, toujours de la même façon ou presque, toujours aux mêmes heures ou presque, dans un rayon maximum de 30 km carré à peine sans que personne, ni la presse locale, ni les élus et (pire), ni la police et la gendarmerie ne prennent la mesure des ses crimes. Je vais être franche, ce livre m‘a mis dans une colère noire ! J’ai même été tenté de jeter ce livre à travers la pièce de dégout en lisant le passage ignoble de l’audition de la jeune Charlène (pages 264 à 273) par la Police. La lecture du livre d’Alice Géraud devrait être obligatoire à L’Ecole de la Magistrature et dans les écoles de Police pour comprendre ce qu’il ne faut absolument pas faire dans les cas de viols et d’agression sexuelle. Alice Géraud égrène les victimes, leur agressions, leur souffrance devant la police, devant la Justice, et pour celle qui auront eu le courage, devant la Cour d’Assise. Entre chaque chapitre, quelques lignes seulement sur Scala, qui continue sa petite vie tranquille entre les agressions. Les victimes, elles, n’auront plus jamais la vie tranquille. A l’agression s’ajoutera le silence, la honte, la maltraitance bureaucratique. Avant la révolution « MeeToo », force est de constater qu’on ne fait pas grand cas des viols et des agressions sexuelles dans la Police et la Gendarmerie : plaintes égarées, scellés non exploités et conservés n’importe comment (ou détruits), auditions des victimes comme si elles étaient en garde à vue, faits de viols requalifiés en « agression sexuelles » (ça fait moins de paperasse !), auditions de très jeunes filles bouleversées par plusieurs policiers masculins qui cherche la moindre contradiction. Que de misogynie inconsciente ! A quoi on peut aussi ajouter une goutte de racisme « Vous êtes sur qu’il n’est pas maghrébin ? Ou Gitan ? ». Le manque de moyen de la police et de la Justice, le turn-over rapide des fonctionnaires, la guerre police/gendarmerie, tout cela n’excuse pas tout. En réalité, ces femmes qui se font agresser dans la Sambre, ce sont des femmes modestes, des lycéennes, des ouvrières, des femmes de ménage, des femmes au foyer, on ne leur explique pas qu’elles peuvent prendre un avocat, on ne leur explique pas l’aide juridictionnelle, on prend leur plainte du bout des lèvres, on fait quelques recherches et on classe : on préfère faire du chiffre et soigner les statistiques avec les cambriolages ou la drogue. On vérité, ces femmes, elles ne ruent pas dans les brancards, elles ne savant rien les unes des autres, elles pleurent dans leur coin et on les oublie, on leur dit en gros de « passer à autre chose ». Alice Géraud, dans son livre, leur rends un peu de leur dignité. Quant à Dino Scala, il ne sera arrêté que par hasard en 2018 à cause d’une caméra de surveillance nouvellement installée. Il aura détruit la vie de presque 70 femmes, et il ne donnera jamais l’impression de prendre la mesure de ses crimes. Lui qui tapait le ballon avec les policiers chargé d’enquêter sur ses agressions, qui se moquait de son propre portrait robot, n’était pas torturé par ses pulsions, il avait intégré le fait qu’on peut agresser des femmes en toute impunité. Le livre d’Alice Géraud est un coup de poing qui ne peut laisser personne indifférent. On en sort sonnée, bouleversée et très en colère : 400 pages pour un fait divers hors norme, 400 pages de rage. Très dur avec la Justice, encore plus avec la Police et la Gendarmerie, mais aussi la presse et les élus, « Sambre » ne radioscopie pas seulement un fait divers, il radioscopie toute la misogynie inconsciente de la société française de ces 30 dernière années.
Sambre : Radioscopie d'un fait divers, Suivi d'un entretien inédit avec l'autrice, par Alice Géraud, lu par Christel Wallois, Audiolib 2023.
Ayant eu beaucoup de mal à visionner la série TV inspirée de ce livre, malgré le choix des scénaristes d’en faire une fiction et non un documentaire, je me suis laissé tenter par cette audio-lecture, proposée par NetGalley.
Alice Géraud y retrace la chronologie et le traitement par la police et la justice des agressions sexuelles et viols commis entre 1988 à 2018, dans la Sambre, une petite région industrielle du Nord de la France, par un seul et même individu.
Plus de 50 victimes, auxquelles d’ajoute une quinzaine d’affaires concernées par une nouvelle information judiciaire ouverte au printemps 2023 par le parquet de Valenciennes pour d’autres faits commis entre 1988 et 2009 à l’encontre de celles dont les plaintes avaient été égarées ou que la justice avait d’abord écartées.
Un reportage à charge.
Un réquisitoire.
Comment un seul homme a-t-il pu commettre autant de crimes aussi longtemps, sur un si petit territoire, sans jamais être inquiété ?
Ce livre pointe les dysfonctionnements dans les réceptions des plaintes, dans l’accueil des victimes, dans les enquêtes bâclées, dans les instructions cloisonnées… Une accumulation de lacunes et de négligences inacceptables.
C’est édifiant, désolant, révoltant.
Le chant choral des victimes, des collégiennes, des lycéennes, des toutes jeunes femmes, des plus âgées… Leur traumatisme indélébile.
Un excellent livre, utile.
Une version audio de grande qualité servi par une narratrice qui a su garder une tonalité discrète et factuelle.
#SambreRadioscopiedunfaitdivers #NetGalleyFrance #lesglosesdelapiratedespal
Comment, pendant trente ans, un homme a-t-il pu violer et agresser sexuellement plus de cinquante femmes et adolescentes dans un périmètre aussi modeste que ce petit bout de territoire du nord de la France jouxtant la frontière belge qu'est le Val de Sambre ?
Avec ce documentaire, fruit de quatre années d'enquête, Alice Géraud apporte une réponse. Elle est glaçante.
L'indifférence et le manque de formation des policiers et des gendarmes plus concernés par les vols, les cambriolages et les deals de drogue que par les souffrances des victimes du « sexe faible », les carences d'une justice débordée et le peu d'intérêt des médias et des élus pour ces crimes qui se déroulent dans leur région sont les principales explications de ce fiasco qui en dit long sur les priorités d'une société dysfonctionnelle et indifférente.
Tout en recensant minutieusement les défaillances des institutions censées protéger les citoyens, la journaliste dirige le projecteur sur les cibles du pervers et leurs souffrances qui perdurent plusieurs années après l'attaque.
Cette enquête est une manière de rendre leur dignité à ces femmes de peu, souvent mineures, parfois accusées de mythomanie, souvent rabaissées, toujours incomprises.
À part de quelques Justes qui ont permis de faire avancer leur cause : Christine Andrieux, la documentaliste du BDAC de Lille, le policier Franck Martins et la maire de Louvroil Annick Mattighello.
Merci pour leur courage et leur empathie.
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-sambre-alice-geraud-jc-lattes/
Par quoi commencer ? Sambre, radioscopie d'un fait divers par Alice Géraud est une enquête très fournie qui explore toute l'affaire du violeur de la Sambre, sous de nombreux angles et surtout des points de vue des victimes, de leurs histoires et leurs vécus. La parole des victimes.
Je m'excuse si cette chronique est complètement déconstruite par endroit. Il y a tellement à dire, à noter, à hurler. Tellement de choses à dénoncer, à pointer, à condamner. Les commentaires fusent, les réactions sont impossibles à taire. Je ne vois pas comment on ne peut pas être révolté, en colère, enragé, pendant cette lecture. C'est assez complet, on a des détails, des témoignages, des mots, crus, difficiles. Il a fallu faire des pauses vraiment nécessaires. Pauses que les victimes n'ont pas eues. Elles. Des décennies d'enfer. À cause d'un agresseur et d'un système tellement mal construit, mal géré. 30 ans.
Le plus dur, en plus de l'horreur que ce que ces victimes ont vécu face à cet agresseur, ce violeur en série, ce sont les réponses immondes de certaines personnes de leur entourage, de leurs familles et encore pire de la part des policiers, gendarmes et autres autorités supérieures. Puis de la justice.
"Un coup d'épée dans un océan d'indifférence."
Révoltant.
La façon dont sont traitées les victimes par les policiers, leurs entourages, la justice.
La minimisation de ce qu'elles ont vécu et subi. La façon qu'ils eu ont a dicter à la place des victimes leurs vécus. Ils les arrangent, les inventent, les dictent à leur place en ometant plein de faits, la gravité des faits, les agressions en elles mêmes. Ils nient la réalité, ils jugent et méprisent toutes ces jeunes filles et jeunes femmes du tout du long sur une quantité importante de cas, si ce n'est pas tous les cas liés à cette affaire en l'occurrence (même si on sait très bien que c'est comme ça partout ailleurs). Ces choses qu'on leur a imposées leur ont nui jusqu'à 20, 30 ans plus tard, jusqu'au procès.
Comme le dit une des victimes, les paroles, les agissements des policiers sont ressentis comme des seconds viols, des secondes agressions. On ne les écoute pas on ne les entend pas. On ne les laisse pas s'exprimer et quand elle essaient et, ou, y arrivent il y a toujours quelqu'un pour minimiser, modifier, invalider leur vécu. Sans compter ceux qui veulent retourner les faits et culpabiliser les victimes elles-mêmes ! Comme quoi elles auraient cherché ça, provoqué leur agresseur. C'est immonde, inhumain, dégueulasse. C'est révoltant. C'est une lecture tellement difficile car en dégouline le mépris des médecins, des enquêteurs, sur les femmes victimes, le sexisme, la misogynie, ne pas les prendre au sérieux, ne pas les croire tout court. Et les choses qui traînent. Les faux suspects par manque d'implication de la part des policiers, de volonté d'attraper le vrai coupable. Les auditions et témoignages qui se transforment en interrogatoires des victimes qui auraient juste dû être entendues, écoutées. C'est révoltant. Immonde. Ils ont doublement détruit les vies de ces jeunes femmes. Ces enfants. Ces adolescentes. Ces femmes.
Ce qui revient énormément c'est la répétition des évènements en boucle, agressions, témoignages qui se passent mal à cause des policiers, enquêteurs, elles sont pas prises au sérieux, leurs histoires sont perdues ou pas enregistrées, modifiés, ils partent sur de mauvaises pistes car n'ont pas réellement écouté et cru les victimes et les années passent, les victimes s'accumulent, l'agresseur aurait pu être appréhendé bien avant, tellement de personnes auraient pu être épargnées. C'est une éternel répétition. Les précédentes victimes souffrent, on remue le couteau dans leurs plaies, et les nouvelles victimes allongent la liste au fil des années.
On voit à quel point la justice est mal faite, les trous, les vides qu'il y a, les manques d'actions, de ressources, de défense, de volonté de protéger les victimes, de prévenir d'éventuelles autres agressions. Le manque de connaissances de l'impact sur les victimes, sur l'information qui ne circule pas pendant, et après. Pendant des décennies. Trente ans. On voit que les destins de personnes sont liées aux agissements ou non agissements d'autres personnes. On voit les différences de traitements des victimes selon les années, les pays, les commissariats et à quel point ça ne change pas sur beaucoup de points aussi. Malheureusement. Les manquements, les erreurs, le manque de volonté, les préjugés. Des décennies à laisser en liberté un agresseur en série parce que les victimes ne sont pas prises au sérieux, parce que l'ADN n'est pas pris, parce qu'on préfère accuser à tord et facilement d'autres personnes. La quantité d'indices et d'informations qui auraient pu démasquer l'auteur.
On voit aussi les changements qui ont été faits mais très très doucement grâce aux actions de quelques personnes. C'est déjà ça, mais ce n'est pas assez.
Je tiens à saluer vraiment les quelques personnes qui ont permis de faire av
Sambre... Voici une écoute que j'ai faite il y a plus de trois semaines et qui pourtant me prend aux tripes rien qu'à l'évocation de son titre... Et pour cause, pendant près de trente ans, plusieurs dizaines d'adolescentes et de femmes ont été victimes d'agressions sexuelles aux abords de cette rivière franco-belge du Nord de la France.
Quand je pense à ce livre écrit par Alice Géraud, une journaliste indépendante, je suis prise d'un sentiment de colère.
Je suis en colère contre les personnes représentant l'autorité qui n'ont pas pris au sérieux ces femmes et jeunes filles venues au commissariat après leur agression et qui, au contraire ont parfois été capables de les rendre fautives ou encore de remettre en cause leurs paroles ce qui les a détruites... Je suis également en colère contre certaines décisions et choix pris qui ont permis au violeur de la Sambre de continuer à sévir pendant trente ans en toute impunité... Et pourtant, je suis très reconnaissante pour le travail minutieux et la détermination de certaines personnes qui ont contribué à l'arrestation de Dino Scala.
Plus qu’une simple dénonciation, Alice Géraud a ici fait un important travail de recherche. Au cours de cette lecture, on peut voir l’évolution du droit pénal qui devient plus répressif en caractérisant certaines atteintes, et les nombreux progrès et moyens développés et utilisés par la police scientifique. Par ailleurs, ce texte rappelle l’impact que peut être le manque de moyens matériels et humains dans des zones géographiques oubliées et sinistrées.
Concernant l’écoute en elle-même, j’ai trouvé que Christel Wallois avait su retranscrire les émotions se dégageant de ce récit. Tout en racontant l’horreur, j’ai ressenti beaucoup d’empathies et d’humanités à l’égard de ces adolescentes et femmes. C’est sûrement pour ça que j’ai du mal à passer à autre chose depuis cette écoute.
Je tiens à remercier Audiolib et Netgalley France pour m’avoir permis de faire cette écoute que je conseille pour un public averti.
J’espère que le livre d’Alice Géraud qui a fait l’objet d’une adaptation en série télévisée offrira une réflexion à ses lecteurs ou spectateurs comme ça a été mon cas...
Cet essai revient sur la véritable histoire du « violeur de la Sambre », un homme qui a agressé plus d’une cinquantaine de femmes, en toute impunité, de 1988 à 2018, dans la région de Maubeuge.
Je n’ai pas pour habitude de chroniquer les séries que je visionne, mais il s’en est fallu de peu pour que je me lance dans un article consacré à la série Sambre diffusée sur France 2 en novembre 2023, tant elle m’a semblée parfaitement réussie : justesse des acteurs, réalisme de la mise en scène et scénario implacable, le tout dans le but de dénoncer le dysfonctionnement de la justice française et de rendre enfin hommage aux victimes. Pari brillamment réussi, les avis sont unanimes, pour cette série de fiction française, récompensée à de multiples reprises. Lorsque l’occasion m’a été donnée d’écouter l’essai ayant inspiré cette série, Sambre, radioscopie d’un fait divers, enquête menée par la journaliste Alice Géraud, je n’ai pas hésité une seconde, ayant envie de comprendre l’intégralité des rouages de cette affaire hors-norme. J’ai découvert bien plus que cela: un livre d’une profonde humanité, une enquête qui mérite assurèment les prix qui lui ont été attribués et plus encore, et surtout d’être lue, écoutée ou vue par le plus grand nombre, au nom de l’évolution de la condition féminine.
Lorsque Alice Géraud entend parler de cette affaire, au moment de l’arrestation de Dino Scala en 2018, elle s’étonne que le criminel ait pu « oeuvrer » durant trente ans sans être soupçonné, dans un périmètre si limité et selon un rituel bien établi : les viols ont en effet tous eu lieu tôt le matin le long d’une départementale qui longe la Sambre sur 17 kms, suivant un même mode opératoire. Elle décide alors d’aborder l’affaire de près, en se rendant sur place et en lisant chaque déposition, en épluchant chaque article de presse et en rencontrant les victimes. Les techniques de la police ont évolué et n’étaient pas en 1988 ce qu’elles sont aujourd’hui. Toutefois un portrait-robot a assez rapidement été mis à disposition des forces de l’ordre dans les communes où tout le monde connaissait Dino Scala, un homme socialement intégré, bon père de famille, bon employé et entraineur de football… De surcroit ami avec les agents de la gendarmerie locale… Le récit revient en détail sur chaque viol, sur chaque victime en une répétition quasi hypnotique, provoquant sur le lecteur l’effet escompté : on se demande comment l’homme a pu agressé en toute impunité autant de femmes ? Jamais un auteur de fiction n’oserait inventer une telle histoire sous peine de paraître trop peu crédible… Et pourtant, dans la réalité, les faits se sont ainsi déroulés: une accumulation de victimes, poussant la porte du commissariat, relatant des faits d’agressions subis sur plusieurs communes séparées par quelques kilomètres. Les lecteurs ayant perçu une déplaisante redondance, rendant inconfortable le récit, sont bien à plaindre pour leur manque d’empathie car ils sont certainement passés à côté de la portée du texte et du but de l’auteure qui est bel et bien de nous faire prendre conscience de l’inconcevable succession de faits semblables sans qu’aucun lien entre les affaires ne soit établi par les forces de l’ordre durant de nombreuses années. Et pour quelles raisons ? Manque de communications entre les services publiques, manque d’intérêt des médias, voire dilettantisme des forces de l’ordre ?… Un peu de tout cela en effet, mais surtout et essentiellement, un réel manque d’intérêt envers les victimes, dont les témoignages n’ont pas été pris en compte à leur juste valeur.
» MES VICTIMES N’ONT PAS DE VISAGE, JE NE SAIS RIEN D’ELLES, JE LES OUBLIE, ELLES SONT COMME DES FANTÔMES »
Fantômes devant leur agresseur, fantômes devant les forces de l’ordre et devant la justice, victimes fantômes devant la société… C’est là que le fait divers devient fait de société : la parole des femmes mise en doute par les forces de l’ordre, dénigrée voire moquée (certains passages sont effarants, par exemple lorsque les enquêteurs demandent à une lycéenne si elle avait un contrôle prévu en classe le jour du drame et si elle n’a pas inventé toute cette histoire pour y échapper???, où ce qu’une des victimes portait ce jour là, n’avait-elle pas une tenue trop aguichante ???), jusqu’à ces plaignantes sur les bancs du tribunal lors du procès en 2022 pour lesquelles les avocats de la défense vont jusqu’à fouiller le passé intime et soumis au secret médical pour les décrédibiliser… A se demander qui sont les accusés ? Lorsque après l’agression, on leur assène un « vous avez eu de la chance » (d’être encore vivante, de ne pas avoir été violé mais d’avoir « seulement » subi des attouchements…), il s’agit ni plus ni moins que d’une injonction au silence, qui démontre une volonté de surpuissance du patriarcat face à la femme objet… Le tout récent soulèvement des années #Meetoo, où les générations féminines s’affirment les unes après les autres tenderait à limiter ce genre de comportement déni
Sambre, du nom de cette rivière qui a fait couler tant de larmes. Son tracé sinueux a été le chemin emprunté par toutes les jeunes filles victimes du « violeur de la Sambre », cet homme qui pendant plus de 20 ans a échappé à la justice, souvent par chance mais aussi souvent parce que ces jeunes filles ont été mal conseillées, peu soutenues ou parfois même n’ont pas été crues par la justice. Alice Géraud leur rend ici la parole à travers leurs témoignages, au grès des différents chapitres leur nom sont martelés : Christelle, Clara, Mélanie, Fanny et tant d’autres, elle fait le récit de leur calvaire, calvaire qui a continué durant toute leur vie quand, pour l’une il est impossible de dormir sans lumière, pour l’autre il y a toujours la sensation de se sentir épié. Leur vie s’est arrêtée le jour de leur agression. Pour lui, elle a continué. Quand enfin grâce au progrès de la science le « Violeur de la Sambre » est arrêté c’est une nouvelle épreuve qui les attend, une « nouvelle forme de violence » : le procès. Au final, l’homme sera condamné à 20 ans, il y a 56 victimes, en France, les peines ne s’additionnant pas cela fait 4 mois par victimes, « c’est bien peu » dira Emilie, une de ces femmes à jamais traumatisée. Parce que c’est effectivement « bien peu » ce livre est nécessaire pour rendre justice à toutes ces femmes.
Alors que le loup, espèce animale, investit de nouvelles régions et fait de paisibles troupeaux ses proies, oserions-nous voir une similitude avec un homme, espèce humaine, qui déploierait des techniques d’attaque aussi bestiales... sur des femmes ? Dans une petite région du Nord de la France, un loup a sévit. Il a violé ou agressé sexuellement pendant trente ans, dans un périmètre relativement réduit, une cinquantaine de jeunes femmes. Les victimes déposeront plainte, leurs paroles seront mises en doute, la violence et les traumatismes seront souvent bafoués, moqués, ignorés, nombre de dépositions resteront sans suite.
Trente ans plus tard, Dino Scala reconnaîtra partiellement les faits, il sera jugé.
Le « violeur de la Sambre » est connu sur la place publique, marié, père d’enfants de deux unions, président d’un club local de foot. Enfin, le système judiciaire se dérouille, les tribunaux exercent leurs compétences, les médias s’emparent du sujet, les plus grands avocats défendent l’accusé...
Et les victimes ? Certaines sont mortes, d’autres malades, d’autres encore se défendent avec courage. Certaines plaintes ont disparu, effaçant la douleur des femmes qui sont ignorées.
Alice Géraud raconte tout de cette tragédie qui paraît aujourd’hui, invraisemblable.
Sur la forme de cette « radioscopie », bien que la technique du violeur soit toujours la même, l’auteure personnalise chaque viol, ce qui certes, donne un caractère redondant au texte et qui, si ce n’est en guise d’hommage à chaque victime, n’aurait pas besoin de tous ces rappels pour émouvoir et révolter le lecteur.
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