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"Qui de l’homme ou de la bête est le plus monstrueux ?" : On aime, on aime moins le nouveau roman de Serge Joncour

Deux lectures de "Chien-loup" de Serge Joncour (Flammarion)

"Qui de l’homme ou de la bête est le plus monstrueux ?" : On aime, on aime moins le nouveau roman de Serge Joncour

Récompensé du Prix Interallié et Meilleur roman français pour le magazine Lire Repose-toi sur moi était le roman tendre que Serge Joncour publiait en 2016.

Il revient cette année avec Chien-loup, débarrassé du fardeau de la course aux prix mais tout à son lectorat. Deux histoires qui s’entremêlent dans les campagnes françaises reculées.

Les aficionados adoreront, les autres ont des lectures contrastées. Christophe ROBERT  et Daniel Paraire  confrontent leurs lectures.

Karine Papillaud

 

 

Christophe Robert : bof

Lise et Franck décident de louer une maison loin de tout, pour les vacances d’été. Ce qui semblait attirant sur l’annonce, le calme, la paix assurée, va vite se transformer en source de tension au sein du couple. En effet, la maison offre un confort sommaire, et surtout est située en zone blanche. Si pour Lise, une actrice éloignée des plateaux après un cancer, cet isolement est une bénédiction, un appel à un état naturel des plus bénéfiques, pour Franck, producteur de cinéma en plein conflit professionnel, cette absence de communication avec le monde extérieur est un vrai drame.

100 ans plus tôt, sur le même territoire, alors que la première guerre mondiale vient de lancer les hommes vers une folie meurtrière, un dompteur de fauves allemand et la veuve d’un médecin tombé dans les premiers jours du combat, vont devoir faire face à la cruauté de la nature, des bêtes et des hommes et dompter leurs instincts.

Deux histoires donc, à un siècle d’intervalle et racontées alternativement, chapitre, après chapitre.

Si l’idée de base semble attirante, le traitement narratif ne m’a absolument pas convaincu. 

 

D’abord le principe des deux histoires qui se croisent, d’un point de vue littéraire, n’a pas vraiment d’intérêt. Car à vouloir intéresser le lecteur avec ces deux périodes alternées, l’auteur alourdit le récit, casse le rythme de lecture, se répète souvent, néglige ses personnages, surtout ceux de 1915. A tout traiter, rien ne semble aboutit et cela donne, à la lecture, un sentiment de brouillon. Il est dommage par exemple que le personnage de Lise soit si peu exploité. Il en va également de Joséphine, la veuve du médecin, ce personnage complexe mérite un roman à part, avec sa nature forte et au final sensuelle et sauvage. 

 

Ensuite, je retrouve ce que je n’avais pas aimé dans le précédent roman de Serge Joncour « Repose toi sur moi », les clichés !!! Dans ce roman rien ne nous est épargné. L’actrice qui s’est volontairement éloignée des plateaux de cinéma après son cancer, qui bien sûr est végétarienne, ne mange que bio et ne bois que des infusions de plantes. Le producteur de cinéma, parisien, pressé, accro à son téléphone, enfermé dans un conflit professionnel avec deux jeunes associés. (bien sur cliché des associés comme des loups). Cliché également sur la nature, les loups, les fauves, les chiens, la guerre, les hommes, l’opposition humains / bêtes, civilisation / nature. Tout n’est que cliché

 

Enfin, l’écriture ne m’a pas convaincue non plus. Le style manque d’acuité, de finesse. Certains chapitres sont à la limite du roman de gare, sans aucune crédibilité. Je passe sur le producteur, archétype du « bobo parisien », qui ne sait rien faire de ses mains et qui d’un coup arrache à mains nues les ronces sans la moindre petite écorchure (page 272 : «Franck dégagea le lierre et les ronces en tirant dessus, ces lianes étaient coriaces, mais il libéra une ouverture pour se faufiler …» pas très crédible surtout si c’est « coriace »). Et les quelques tentatives pour essayer de créer une atmosphère « inquiétante » autours de la maison, des bois, de la foret, tombent à plat car ultra banalisé et téléguidé. On voit venir le moindre rebondissement. En lisant, je pensais au roman « Les brumes de l’apparence », dans lequel Frédérique Deghelt arrive avec un style juste à instiller l’angoisse, le trouble et l’inquiétude chez son lecteur. Ici, rien de tout cela.

 

Il me semble que le roman aurait gagné à ne traiter qu’une des deux histoires, plutôt de que trainer le lecteur et une intrigue sur 475 pages, alors que seules les 50 premières et les 25 dernières font l’histoire (les 400 pages du milieu n’apportent rien à l’intrigue elle-même).

 

Le rendez-vous avec Serge Joncour était raté en 2015 et ce nouveau roman confirme que cet auteur ne correspond pas à mes gouts littéraires. Je suis peut être passé à côté d’un moment de lecture, comme cela arrive parfois.

 

© Christophe ROBERT

 

 

Daniel Paraire : Ah oui !

1914, pendant la première guerre mondiale, Wolfgang, un dompteur allemand fuit son pays et se réfugie avec ses fauves dans le Lot, semant la panique dans le village voisin. Un étranger qui plus est un ennemi entouré d’une meute de bêtes féroces, il n’en faut pas plus pour affoler la population locale.

2017, Franck et Lise louent un gîte perdu au milieu des collines, sans électricité ni réseau téléphonique. Lise, comédienne sur le retour, se réjouit de passer des vacances à se ressourcer en pleine nature. Franck, cinéaste, réalisateur de films est horrifié à l’idée de ne pas pouvoir être joint par ses deux jeunes associés.

 

Cent ans se sont écoulés lorsque Franck et Lise louent cette bâtisse perdue en haut du Causse; ils vont découvrir petit à petit le drame qui s'y est déroulé. 

Malgré des répétitions récurrentes, J’ai aimé ce livre pour son côté aventure. Ces deux histoires qui s’entrecroisent me font penser à un western moderne axé sur la nature sauvage du Causse de Limogne. Les deux personnages principaux sont attachants. Elle, fuyant la ville, tentant d’oublier qu’il est compliqué de tourner dans un long métrage lorsqu’on a perdu la foi. Lui, citadin dans l’âme, réalisateur sur le déclin, obligé de s’associer avec deux jeunes loups ne souhaitant que travailler sur Internet. Fini le cinéma conventionnel. Terminés les films à gros budget ne rapportant pas d’argent. J’oubliais un « personnage » important du récit : la nature. Tout au long du livre, on découvre ce coin du Lot, on ressent même les différentes senteurs au gré des promenades du héros.

C’est  cette nature sauvage qui va le sauver. Sa rencontre avec un chien ou un loup, qui va devenir un compagnon indispensable va bouleverser sa vie.

En déterrant le passé peuplé d’animaux sauvages, Serge Joncour nous fait prendre conscience de la sauvagerie de l’homme. La peur de l’inconnu, mais surtout la peur de l’autre, de celui qui ne vit pas comme nous.

Malgré cette violence latente, je trouve que ce roman est un appel à la vie. Un roman écologique par ce côté découverte de la nature. Cette histoire sur fond sonore de hurlements de loups, d’aboiements de brocards et feulements de fauves, nous pose la question : qui de l’homme ou de la bête est le plus monstrueux ?

 

© Daniel Paraire

 

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