Quelle n'est pas ma joie… Vraiment ? L’héroïne du nouveau Grøndahl est-elle si heureuse ? Le très modianesque Danois Jens Christian Grondahl publie un nouveau roman saisissant sur les couples, sa grande affaire depuis une quinzaine de romans. Quelle n’est pas ma joie (Gallimard) est une variation corrosive et douce sur le couple et l’imposture, à rebours des idées préconçues.
C’est l’histoire d’Anna et Georg, et d’Ellinor et Henning. Deux couples, jeunes, amoureux, qui deviennent inséparables. Jusqu’au jour où Henning et Anna disparaissent dans une avalanche. George et Ellinor se rapprochent, jusqu’à se marier, vivre 40 ans ensemble et élever les jumeaux de George.
A ce moment de l’histoire, le roman n’est pas commencé.
« Voilà, ton mari est mort lui aussi, Anna ». A la mort de Georg, Ellinor, 70 ans, prend sa plume pour écrire à la défunte Anna. Ainsi débute le roman. Ellinor s’épanche auprès d’une morte qui fut, 40 ans plus tôt, son amie… et la maîtresse de son mari Henning. Il y a là comme un solde de tout compte entre une disparue et celle qui a continué sa vie à sa place, comme épouse et mère. Elle raconte aussi comment tout s’efface de cette vie, à la mort de l’homme qu’elles ont aimé, jusqu’au lien avec les enfants qu’elle a élevés.
L’anti-vaudeville
Un secret habite et détermine la vie d’Ellinor, qui ramène aux terribles années 40 au Danemark. Les raisons qui expliquent comment cette femme a fait de la honte et de l’imposture la ligne de fuite de sa vie, elle ne pouvait les confier qu’à une morte. Pour s’en délivrer, peut être, mais aussi et surtout parce qu’au fil du texte se déploie une histoire d’amitié poignante entre ces deux femmes. Grâce à Anna, Ellinor a pu vivre une vie heureuse, mais illégitime. L’affection est immense et les rancœurs absentes. Il n’y a qu’une terrible nostalgie de soi pour donner le goût de l’amertume à ce roman. Jens Christian Grøndahl réajuste le fameux « parce que c’était lui, parce que c’était moi », ce serment d’amitié entre Montaigne et la Boétie, à l’aune du lien entre deux femmes qui ont tout partagé, même la trahison.
Quelle n’est pas ma joie est le début d’un vers, tiré d’un cantique danois, qui dit plus précisément « Quelle n’est pas ma joie et je m’en vais pleurer ». Voici les deux notes de tête de ce roman court et intense, écrit par un auteur qui ne cesse de questionner le couple de livre en livre. Un roman bref mais réellement bouleversant, un texte qui imprime une trace émue dans la mémoire du lecteur.
Pour tous ceux qui aiment découvrir ce qui se cache derrière les histoires de couples
Quelle n’est pas ma joie, Jens Christian Grøndahl (Gallimard, trad. Alain Gnaedig, 15 euros)
Oh là, là! Que cette chronique donne envie de découvrir cet auteur! Il faudrait avoir 48 heures dans une journée pour pouvoir lire toutes ces merveilles! Merci en tout cas pour ces chroniques!!! Et si vous avez besoin de quelqu'un pour tester ce livre, je suis d'accord!!!