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Ce n’est pas un premier roman, c’est une bombe !

Arthur Nesnidal déboule avec La Purge sur la scène littéraire - Une saison d’écrivains, épisode 4

Ce n’est pas un premier roman, c’est une bombe !

Ce n’est pas un premier roman, c’est une bombe que les éditions Julliard ont armée pour la rentrée littéraire : Arthur Nesnidal déboule avec La Purge sur la scène littéraire avec une langue, un regard, un engagement complètement singuliers. On ne vous a jamais raconté les classes préparatoires françaises comme ça.

Vous sortez un roman à la rentrée, comment vous y préparez-vous, quelles en ont été les grandes étapes depuis que vous avez rendu le manuscrit ?

On ne peut pas dire que je me prépare à la sortie en librairie ; cette partie appartient aux libraires. Je découvre simplement les étapes de production d’un livre, et je dois dire que je suis très surpris de voir combien de métiers et de savoir-faire cela engage. En fait, c’est passionnant. Relation presse et libraires, distribution, composition… C’est la correction qui m’a le plus intéressé ; quoiqu’on ne m’ait pas demandé de changer un mot de mon texte, j’ai passé d’extraordinaire moments à discuter grammaire  et orthographe d’usage, ce qui m’a captivé, moi qui passe mes journées dans les dictionnaires et les Bescherelle – chacun s’offre les plaisirs qu’il peut.

Sur un plan plus général, je prends conscience, il le faut bien, de ce que la parole publique dont je disposerai a de précieux. Il n’y a qu’un sujet qui me poursuive dans l’écriture ; l’oppression des puissants, la dignité des petits. Cela me crée un devoir. À mes yeux, écrire n’est pas qu’une fantaisie, légère, sans importance, sans conséquence ; écrire, c’est agir, c’est lutter, c’est résister. Il en va de même pour la parole, surtout lorsqu’elle est publique. Il n’est donc pas question de la gaspiller. Il s’agit d’assumer, aussi écrasant que cela puisse paraître, que parler publiquement, c’est parler pour les autres, qu’on le désire ou non. C’est une grande responsabilité. L’erreur n’est pas permise. J’emporte avec moi, en discours, une foule d’absents anonymes et aphones, qu’il n’est pas question de trahir. Pourvu que je sois à la hauteur !

 

Comment vous sentez-vous, quels sont vos trucs pour surmonter l'attente ?

Je ne surmonte rien du tout, je subis mon impatience comme un gosse qui attend l’heure du goûter. À force de piaffer, je vais finir par lasser tout le monde ; on en rit en famille. Malgré tout, j’essaie de savourer chaque instant avant le coup de feu de la rentrée littéraire. Ce n’est pas tous les jours qu’on publie un premier roman ! Je me fais la promesse que, à l’avenir, je parviendrai à me détacher de tout ça, à afficher un air désabusé… promesse d’ivrogne, j’en suis bien persuadé. Tant pis, j’aurai les yeux qui brillent, et l’air idiot.

En attendant, j’écris ; c’est le moment, tant que la promotion de La Purge ne prend pas tout mon temps. Je travaille beaucoup, je réécris sans cesse ; une page tient parfois plus d’un jour de ratures. Bien sûr, je ne perds pas de vue ce qu’il y a à dire, qui il reste à défendre, et ce qu’il faut encore raconter… Mais un livre à la fois, le lecteur attendra ! Qu’on partage mon impatience, il m’en restera toujours bien assez.

 

En attendant, cet été, qu'allez vous lire et pourquoi ?

Des bandes dessinées ! Ce sont les vacances, il faut en profiter. D’ordinaire, je suis un lecteur déraisonné de littérature classique, mais, pendant les périodes d’écriture, j’essaie de m’en extraire pour m’éloigner de son influence, et de son autorité. Quand on lit les grands romans, on reçoit un tel choc qu’il est difficile de se convaincre qu’il reste des choses à faire. Peut-on écrire après Hugo ? Quand on lit Les Misérables, on est si ébloui ; en tant qu’auteur, on se sent tout petit. C’est nécessaire, bien sûr. Cela donne une idée de la qualité qu’on doit au lecteur, et ça aide à rester humble. Mais on ne peut pas écrire, enfermé dans son admiration.

Donc, des bandes dessinées. Elles sont souvent dépréciées, voire méprisées en regard de la littérature traditionnelle. Je crois pour ma part que la bande dessinée est absolument incontournable, elle qui a comme tous les genres sa noblesse et ses chefs-d’œuvre. Écrire, ce n’est pas seulement aligner des mots ; c’est saisir et transmettre un bout d’humanité. La bande dessinée me fascine ; comme tout ce que je ne sais pas faire, je la trouve entourée de mystère ; et j’en apprends beaucoup sur mon propre métier. On y retrouve tout, et je ne saurai pas m’arrêter si je devais en conseiller. Pico Bogue, pour la tendresse de l’enfance, Le Château des étoiles où l’on s’émerveille aussi bien que dans un bon Jules Verne, Shangri-La, qui nous plonge dans l’horreur totalitaire dystopique d’une société entièrement vouée à la consommation, Les vieux Fourneaux, un magnifique hommage aux luttes syndicales… je pourrais continuer sans fin.



Propos recueillis par

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