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Mon nom est Centauros.
J'ai bien vécu, je crois, libre et fier comme un roi malgré mon corps difforme. Tout seul de mon espèce, j'ai grandi avec Elles sur les versants abrupts du rude Mont Pélion, au milieu des forêts et des torrents glacés. Autour de moi, si laid, la nature était belle, qui m'offrait ses splendeurs sans jamais me juger. Les Juments m'ont aimé, ont fait de moi un homme. Elles m'ont tout appris, et d'elles je connais les plantes qui guérissent, et le sel de la mer, et les baies comestibles.
J'ai chassé avec elles le gibier des collines, et je m'en suis repu avec délectation. La vie m'a été douce, et j'ai mal de la perdre. Mais le temps est venu, il me faut la quitter. Je souffre de mourir en laissant ma famille, celle que j'ai connue et qui m'a élevé. Mais je garde en mon coeur le regret lancinant de quitter cette terre sans avoir pu apprendre de qui je fus issu. J'aurais tant aimé voir, ne fût-ce qu'une fois, celle qui m'engendra ! Mais personne jamais n'a percé ce secret, même pas les Juments ! Elles m'ont adopté lorsqu'elles m'ont trouvé, paquet abandonné sur le bord d'une plage.
Enveloppé d'un drap, j'étais nu, vulnérable, pauvre être contrefait renié par les siens ! Aujourd'hui que je touche à la fin de ma vie, je suis fier de laisser sur cette terre amie ma fière descendance, la race des Centaures. De mon nom mes enfants ont été baptisés. Mi-hommes mi-chevaux, ils tiennent de leurs mères un corps fier et altier, bien planté sur le sol par leurs quatre sabots. Ils ont reçu de moi ce que j'ai de meilleur, un torse charpenté et deux bras vigoureux.
Mon seul regret, hélas, c'est qu'ils aient hérité aussi de mon visage aux traits lourds et grossiers. Mais qu'importe ! Au Pélion ils sont maîtres des lieux, et ont su s'imposer aux troupeaux de juments et aux hommes d'ailleurs. Peut-être ont-ils en eux trop de sauvagerie et paraissent encore trop frustes et trop bestiaux ! Mais le temps est puissant et qui sait si un jour l'un deux ne deviendra aussi sage que moi ? Je l'espère en tout cas !....
Mes paupières sont lourdes, mon souffle se fait court... J'entends au loin des cris et des hennissements qui me pleurent déjà... Il est temps que je parte... Dire adieu à ce monde !.... En un dernier regard j'embrasse mes montagnes, me gorge de verdure et de bleu azuré, puis sombre doucement dans l'éternel néant...
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