Premier roman de l'Américaine Margaret Wrinkle, Wash se situe dans les années 1800-1825, dans le sud profond des Etats-Unis, le long de la frontière du Tennessee. À la fin de la guerre anglo-américaine de 1812, un ancien combattant, Richardson, revient dans sa plantation en ruine. Désespéré, il...
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Premier roman de l'Américaine Margaret Wrinkle, Wash se situe dans les années 1800-1825, dans le sud profond des Etats-Unis, le long de la frontière du Tennessee. À la fin de la guerre anglo-américaine de 1812, un ancien combattant, Richardson, revient dans sa plantation en ruine. Désespéré, il suit les conseils de ses voisins et se lance dans l'élevage d'esclaves, sur le modèle de l'élevage de chevaux, puisqu'il est désormais interdit d'importer des esclaves d'Afrique. Il choisit comme étalon reproducteur un jeune homme grand, fier, vigoureux et d'une incroyable beauté, une sorte de "pur-sang" d'Afrique de l'Ouest, Washington, dit "Wash". Sa mère, Mena, a été violemment arrachée à son pays alors qu'elle n'était encore qu'une toute jeune femme et qu'elle était enceinte ; Wash est donc lui aussi un esclave, il n'a jamais connu que cette condition.
Richardson met en œuvre son projet sordide et abject : chaque semaine, il fait mener Wash pour féconder les esclaves des voisins, contre rémunération. Est ainsi organisé un viol légal, systématique, infâme auquel Wash ne peut rien... Peu à peu, dans toutes les plantations alentours, sur les visages des enfants d'esclaves, il reconnaît ses propres traits. Un moyen certes odieux mais un moyen tout de même d'atteindre l'immortalité et de transmettre le sang de ses ancêtres africains.
Dès le prologue, on est saisi par l'écriture forte, somptueuse, poétique qui sert le récit sous forme de destins croisés entre les trois personnages principaux. Points de vue, voix, sensations et sentiments s'entremêlent, renforçant la puissance tragique et terriblement évocatrice de l'histoire. L'auteur évite subtilement les caricatures, ls stéréotypes et les clichés, gageure sur un sujet aussi douloureux que celui de l'esclavage. Elle réussit brillamment un récit coup de poing, sans manichéisme, où les retours en arrière nous plongent un peu plus encore dans l'histoire de Wash. Le style puissant et visuel, le récit tragique et violent s'imposent à l'esprit du lecteur.
Au-delà de l'horreur de l'esclavage et des actes imposés, le roman pose aussi la question de la liberté ou plutôt de comment parvenir à se préserver un espace de liberté dans une vie qui n'est qu'emprisonnement. Wash tente de se construire une identité qui soit vraiment la sienne, qui lui permettrait de ne pas être uniquement la propriété de son maître.
Rien n'est épargné au lecteur des horreurs perpétrées et certaines scènes sont à la limite du supportable. Même ce qui n'est que suggéré induit une profonde impression de malaise. Néanmoins, il semble que ces passages, aussi difficiles soient-ils, se révèlent nécessaires dans ce roman sans concession, violent, poignant, peuplé de personnages inoubliables et qui touche autant qu'il interpelle.
Wash nous entraine dans le sud profond des Etats-Unis du début de XIXème siècle, à la rencontre d'une société esclavagiste plus ou moins bien ancrée dans les mœurs. Nous faisons connaissance avec différents personnages, des maîtres et des esclaves, et rentrons de plain-pied dans le sordide : enlèvements, tortures, viols, etc., rien ne nous est épargné, jusqu'à l'utilisation de l'esclave Wash comme étalon reproducteur. Et bizarrement, malgré la noirceur du sujet, j'ai été littéralement transportée par ce roman, en grande partie grâce au style de l'auteur. En effet, Margaret Wrinkle mêle habilement dans son récit les voix de plusieurs personnages, qu'ils soient maitres ou esclaves. J'ai adoré le changement de style et de point de vue entre les différents narrateurs, il se fait de manière harmonieuse et très vivante et permet de comprendre les actions et ressentis de chacun. Roman sur l'esclavage, Wash parle également de la solitude et de la force que l'on peut trouver en chacun de nous pour surmonter le pire. Une petite perle que je recommande chaudement.