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Paraît un jour un livre, d'un romancier allemand, qui raconte l'histoire universelle, sagement absurde bien qu'alambiquée, d'un homme ordinaire, dans une ville sans qualités. L'ouvrage passe inaperçu ou presque, jusqu'à ce que l'on découvre, sept ans plus tard, l'existence d'un roman « jumeau », au titre et à l'intrigue en tous points identiques. Un livre publié à la même époque, mais de l'autre côté de l'Atlantique, dans une autre langue, par un auteur uruguayen. Lequel serait resté dans l'anonymat le plus total s'il ne s'était pas ainsi trouvé, avec son confrère allemand, promu héros d'une vertigineuse coïncidence dont s'emparent vite éditeurs, essayistes, critiques, universitaires... Mais la question demeure : deux hommes, étrangers l'un à l'autre, peuvent-ils réellement avoir écrit le même roman ?
Avec une ironie diffuse, traversée d'élans burlesques, Kostis Maloùtas dessine, de fausses pistes en vrais questionnements (qu'est-ce que la création ? à quel point est-on original ?), un impressionnant réseau de textes « gigognes » où sont soulevés, un à un, les grands enjeux de l'industrie littéraire : arbitraire du succès et de la réception critique, course à l'exégèse et à la traduction, hantise du plagiat, appât du gain et, par conséquent, « condamnation » de l'écrivain à toujours alimenter son oeuvre. Au-delà des références explicites (Borges, mais aussi Perec et Melville, que les personnages invoquent au gré de leurs pérégrinations), le récit de Maloùtas n'est pas sans rappeler, dans l'esprit et la générosité, les proses inventives et réflexives d'Italo Calvino et de Flann O'Brien, deux de ses principaux modèles.
Ce court récit au titre pour le moins cocasse fait partie de ces romans, protéiformes, qui sont difficilement classables. Non pas qu'il soit difficile à lire ou ennuyeux, bien au contraire, Kostis Maloùtas, l'auteur grec s'amuse à brouiller les codes de la fiction et se prend à jouer avec son lecteur. C'est donc un premier roman plutôt hors-norme, pourtant publié en France après que sa seconde oeuvre l'a été si l'on en croit sa maison d'éditions française, Les Éditions Do. Très peu de choses restent connues de l'auteur, dont le nom et l'oeuvre restent encore bien confidentiels. Si Kostis Maloùtas est effectivement grec, ne vous attendez pas à ce que le récit se passe dans la république hellénique, l'écrivain ayant choisi d'ancrer son histoire dans pratiquement les quatre coins du globe – Uruguay, Allemagne, France, Canada – sauf dans son pays natal.
Pourtant, c'est un bouquin qui mérite que l'on s'y arrête et prenne un moment pour le lire. D'autant qu'avec ses 128 pages, vous n'aurez guère le temps de vous lasser. Car sa trame narrative est pour le moins diablement ingénieuse et l'auteur l'a exploitée de façon intelligente et avec esprit. Premier point notable, ce texte n'est qu'une longue succession de paragraphes et ne comporte aucun type d'interruption, au moyen de chapitres ou de parties, pas la moindre trace de subdivision. Pour autant, cela n'alourdit pas la lecture du roman puisque l'auteur a su éveiller l'intérêt du lecteur dès les premières lignes, qu'il prend bien soin d'entretenir tout au long de sa narration. Kostis Maloùtas a, en effet, choisi de ne pas simplifier la tâche de son lecteur en bâtissant un récit sans structure aucune mais qui est par contre truffé d'effets de miroirs et de mises en abyme, de jeux de symétrie et parallélisme. Car le lecteur se voit attribuer une place beaucoup plus significative que dans toute autre oeuvre de fiction.
Voilà un roman, on s'en rend compte au fur et à mesure de notre lecture, qui se raconte lui-même et qui mène en partie une réflexion sur sa propre existence, comme si l'oeuvre échappait aux mains de son auteur à partir de l'intervention du lecteur qui découvre et s'approprie le roman. le thème du roman, celui de deux ouvrages identiques écrits par deux plumes différentes, et publié par deux éditeurs distincts se révèle être un véritable sujet d'expérimentation par notre auteur hellénique: Dévoiler le texte masquéEt nous voilà, simple lecteur, à essayer de dénouer les fils de ce livre que notre auteur a, pour son plus grand plaisir on le ressent, soigneusement entremêlés.
Effectivement, notre Une fois (et peut-être une autre) ne contient ni point culminant, ni conclusion fermée, loin de là, et pas le moindre rebondissement ; c'est ce qui fait l'intérêt de ce roman hors du commun, qui passe outre les codes narratifs habituels. En plus d'avoir sa propre vie, le lecteur est activement impliqué dans la narration de Kostis Maloùtis. Il parachève l'oeuvre dont l'artiste s'est détaché, en lui donnant tout son sens, indépendamment des intentions de son créateur. le lecteur, moi, vous, nous, sommes ainsi dévoyés à la tâche de donner un sens à ce récit, de créer nous-mêmes, involontairement une structure à récit, qui n'en a aucune, rappelons-le. Ce que je n'ai pas manqué de faire de mon côté. Dévoiler le texte masqué
Ce roman offre de multiples pistes de réflexion sur la littérature, sur le monde de l'édition, mais pose aussi la question de l'inspiration de l'écrivain. Interrogations ouvertes auxquelles naturellement Kostis Maloùtas prend soin de ne pas apporter de réponse toute faite en laissant son lecteur libre de mener sa réflexion dans le sens qu'il le souhaite. Outre la difficulté de pouvoir donner un sens à cette énigme de cent quatre vingts pages, notre habile auteur nous amène à nous poser la question de la singularité et l'unicité de chaque oeuvre fictionnelle composée. En nous déployant le temps de quelques dizaines de pages une synthèse détaillée de l'oeuvre de ses deux auteurs, uruguayen et allemand, pendant laquelle il prend soin de préciser que la particularité de l'ouvrage est de ne conférer aux lieux et aux personnages aucune appellation précise, Kostis Maloùtas démontre de la banalité de sa trame de fond, mais plus globalement de la banalité de beaucoup d'entre elles à partir du moment où on leur retire tout attribut nominal, locatif ou temporel. En gommant les principales qualités identitaires du roman, il n'en reste qu'un texte vague, fade presque triste que l'on a peine à garder en mémoire.
Soyons clair, il ne faut pas s'attendre à un fil narratif cohérent, déterminé et continu, on se retrouve lors de quelques passages à vide, où les personnages, pantomimes ridicules et inconsistantes, s'ébattent en vain dans tous les sens. Ce qui allège le propos, qui aurait pu devenir brumeux à certains moments, c'est cette absurdité provenant de cette heureuse petite touche d'humour, qui naît de situations a priori ineptes et qui confère plus de corps et d'âme au texte.
Quoi que l'on puisse penser de cet étonnant roman, il me semble que cette vision qu'il apporte sur la littérature fictionnelle, sur un mode un peu extrémiste néanmoins un brin cocasse, constitue une approche tout à fait atypique. C'est un roman totalement déconcertant car le lecteur est livré à lui-même et a besoin de s'affranchir des rares repères narratifs pour essayer de saisir le but de l'auteur. C'est un livre qui ne peut forcément s'apprécier mais qui engage forcément à la réflexion.
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