"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans l'Italie de Mussolini allié d'Hitler, Alberto Toscano nous fait découvrir le destin singulier d'un homme qui s'est élevé contre la barbarie. Cet homme est une figure reconnue en Italie et en France : champion cycliste, il a remporté le Giro (tour d'Italie) à trois reprises et le tour de France à deux reprises.
Mais ce ne sont pas là ses seuls faits d'arme. Profondément croyant, Gino Bartali n'a jamais parlé de ce qu'il a fait pendant les années sombres car il ne s'est jamais pris pour un héros. Et pourtant...
Contacté par un réseau de résistants, il accepte de passer des messages d'un bout à l'autre du pays. Il les dissimule dans le guidon de son vélo et dans sa selle. Il est fouillé à plusieurs reprises mais les fascistes n'auront heureusement jamais l'idée de démonter sa bicyclette. Ses courses d'entraînement lui sont un prétexte pour sillonner l'Italie et grâce à lui, 800 Juifs dont de nombreux enfants sont sauvés de la déportation.
Ce sont des témoignages qui, après la guerre, lui vaudront le titre de Juste parmi les nations. Il est mort à Florence en 2000 mais sa mémoire est perpétuée grâce à son fils. Le 4 mai 2018, pour la première fois de son histoire, le Giro d'Italia partira d'Israël. Avant la course, un hommage lui sera rendu dans le jardin des Justes de Jérusalem où son nom est gravé dans la pierre depuis 2013.
L'éternel rival de Fausto Coppi a mis sa popularité au service d'une cause morale comme le sauvetage de plusieurs centaines d'enfants juifs persécutés par les nazis.
Tout cela s’est passé il y a plus de trois quarts de siècle et ces faits importants ne sont connus que depuis peu de temps, la faute au principal auteur d’un héroïsme qu’il refusait de mettre en valeur : Gino Bartali, « Juste parmi les nations » depuis… 2013.
Aussi, le livre signé Alberto Toscano, célèbre journaliste italien, vient à point préciser, contextualiser l’histoire d’un champion cycliste qui n’était connu que pour ses exploits et sa religiosité qui l’avait fait surnommer Gino le Pieux. Personnellement, je lui préférais celui qui fut son grand rival avant de devenir son ami : Fausto Coppi.
En préface, Marek Halter rappelle que 47 000 juifs vivaient en Italie, en 1930. Si 7 000 d’entre eux ont été déportés, que sont devenus les autres ? Par qui ont-ils été épargnés et sauvés ? Un vélo contre la barbarie nazie est là pour parler d’ « un homme simple et courageux qui n’est pas allé au-delà de l’école primaire mais, toujours, ne fut guidé que par le respect de ses valeurs, par sa sagesse, et par sa volonté. » Cet homme, je l’ai déjà cité, il est de Florence, en Toscane et a vécu de 1914 jusqu’en 2000.
Je ne vais pas détailler les éléments historiques rappelés dans ce livre que j’ai pu lire grâce à Masse Critique essais de Babelio et aux éditions Armand Colin que je remercie. Il faut simplement rappeler que Gino Bartali (photo ci-dessous), entre autres exploits cyclistes, réussit à remporter le Tour de France en 1938 et en… 1948 ! Entre temps, les ravages de la Seconde guerre mondiale avaient bouleversé le monde. Le nazisme, en particulier, avait tenté, avec la complicité de partis fascistes, d’exterminer les Juifs dans tous les pays d’Europe tombés sous sa domination.
Dans l’Italie d’avant la guerre, l’extrême-droite, emmenée par Benito Mussolini, prend de plus en plus d’importance et s’apprête à conquérir le pouvoir car le roi Victor-Emmanuel II n’a pas la volonté de lui résister.
À Ponte a Ema, faubourg de Florence, Gino abandonne l’école primaire pour devenir mécano. En fait, il travaillait déjà pour pouvoir se payer un vélo. Il débute la compétition en 1931 et se fait vite remarquer. Dans la roue de Bartali, l’auteur retrace toute l’évolution politique et sociale de notre voisin italien, une histoire que je connaissais bien imparfaitement.
Lorsque l’occupant applique sa politique de déportation vers la mort, il trouve des statistiques toutes prêtes, élaborées avec un zèle incroyable par le parti fasciste au pouvoir. Le pire est à venir mais un réseau humanitaire se met en place grâce à une entente entre les religions juive et catholique, et au réseau très dense de convents et de responsables religieux prenant tous les risques.
Alberto Toscano parle ainsi beaucoup religion catholique, oublie de rappeler que de nombreux criminels de guerre nazis ont réussi à échapper à la justice après la guerre grâce à d’autres responsables de l’église catholique mais je reste positif et reviens à Gino le Juste, celui qui réussit à transporter dans les tubes de son vélo, les faux-papiers indispensables aux Juifs pour échapper à la mort.
Le cardinal de Florence, Elia Dalla Costa, son ami, lui a demandé de devenir « un facteur de la liberté » et Gino a parcouru une quarantaine de fois la distance Florence – Assise (environ 200 km) mais aussi Florence – Gênes (230 km), par Lucques, jouant de sa célébrité pour passer les contrôles, même s’il a été arrêté fin juillet 1944 par une bande de collabos fascistes.
Dans ce livre, j’ai apprécié les quelques documents photos, particulièrement cette photo dédicacée offerte par Gino Bartali à Giorgio Goldenberg, le 16 juillet 1941, un enfant juif qu’il a caché dans sa cave avec sa famille et dont le témoignage a été crucial, à Yad Vashem, pour que le champion cycliste devienne « Juste parmi les nations. »
« Je veux qu’on se souvienne de moi pour mes performances sportives et pas comme un héros de guerre. Les héros, ce sont les autres, ceux qui ont souffert dans leur chair, dans leur âme, dans leur famille », disait Gino Bartali mais il fallait sortir ses actes héroïques de l’ombre dans un livre qui est une véritable leçon pour l’Europe actuelle où resurgissent des partis extrémistes prônant l’exclusion et le repli sur soi.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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