"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Oconee, comté rural des Appalaches du Sud, début des années 1950. Une ancienne terre cherokee en passe d'être à jamais enlevée à ses habitants : la compagnie d'électricité, Carolina Power, rachète peu à peu tous les terrains de la vallée afin de construire une retenue d'eau immense lac qui va recouvrir fermes et champs. Holland Winchester, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, disparaît mystérieusement. Pour sa mère, elle en est sûre, il a été tué : elle ne l'a pas vu revenir à midi, mais a entendu le coup de feu chez le voisin, un paysan pauvre sur le point d'être expulsé.Le shérif Alexander, originaire du coin, mais qui vit désormais en ville, retourne sur les terres de son enfance et retrouve son accent et ses manières qu'il aurait mieux aimé oublier, pour tenter de démêler la vérité.
Ce deuxième titre de Rash adapté chez Sarbacane après « Serena » est d’abord un polar rural. 1950, vallée de la Jocassee, Holland Winchester a disparu. Cela n’étonne en rien le shérif du comté habitué à coffrer ce vétéran de la guerre de Corée pour les rixes qu’il provoque dans les bars. Mais la mère du jeune homme en est certaine : son fils a été assassiné et selon elle le coupable est leur voisin Billy Holcombe qui n’aurait pas supporté que sa femme Amy le trompe avec Holland.
Pourtant, l’essentiel de l’œuvre ne tient pas à la découverte du coupable rapidement révélé au lecteur. L’important, c’est l’évocation de la vie de personnages cabossés. Tour à tour les cinq protagonistes livrent leur point de vue sur « l’affaire ». Chacun avec ses maux et ses mots. Foletti a réussi à inclure ces voix qui forment comme un sous-texte et sert de fil rouge au lecteur qui peut alors reconstituer le puzzle.
Giono est l’un des maîtres de Rash et si l’on retrouve ici la même description âpre et rude des misères humaines on y célèbre aussi le « chant du monde ». Dans de superbes pleines pages, Foletti rend lui aussi hommage à cette beauté des paysages, inspiré par sa région natale du Tessin tout en dénonçant par son jeu de couleurs l’emprise de la compagnie de barrage hydraulique.
Mais ce récit devient aussi un exemple de « Southern Gothic ». On y trouve la chaleur implacable, de multiples superstitions et légendes, des figures de sorciers, des lieux reculés où vivent des personnages perturbés et une faute originelle (ici la confiscation des terres Cherokee). Un peu comme la trilogie de Romain Renard « Melvile » dans laquelle on côtoie également un monde appelé à être englouti sous les eaux. Là encore, Foletti arrive superbement à rendre cette atmosphère grâce des pages nocturnes et muettes où l’on ne sait plus si on a affaire à des visages éclairés par un feu ou à des visions.
C’est l’enchevêtrement de tous ces thèmes qui donnent richesse et originalité à l’album et en font bien davantage qu’un simple whodunit. Un roman sombre rendu éclatant et coloré dans une adaptation réussie !
Chronique complète et ITW des auteurs sur notre blog : www.bulles2dupondt.fr
"Un pied au paradis" est la deuxième adaptation d'un roman de Ron Rash parue chez Sarbacane après "Serena" de Pandolfo et Risbjerg. Un roman que j'ai lu il y a quelques temps déjà et qui m'a laissé un grand souvenir... Autant dire que j'étais fébrile en ouvrant cette BD....
Oconee, 1950, des terres rachetées par une compagnie d'électricité en passe d'être recouvertes par un lac artificiel. Des paysans qui triment pour survivre avec l'espoir de trouver une vie meilleure en ville. Un homme a disparu. Où est Holland Winchester ? Sa mère le sait mort. Le shériff le cherche.
Le récit de Ron Rash est parfaitement respecté. 5 parties, chacune développant le point de vue d'un des protagonistes de l'histoire. Chacune éclairant l'autre d'un jour nouveau. L'amour, la jalousie, la vengeance, l'ego, autant de sentiments convoqués par l'auteur américain pour raconter le crime parfait... celui qui va se retrouver caché par les flots. Mais chaque crime doit se payer, "si c'est pas l'état, Dieu s'en chargera".
Le style est là, les passages récitatifs nous plongent dans l'Amérique rurale. Ce n'est pas tant l'enquête du Shériff qui nous captive, mais les sentiments des personnages impliqués, la succession des évènements qui a mené au drame, la vie avant et surtout la vie après...
Malgré cette superbe couv, la première impression graphique ne m'a pas emballé. Mais une fois plongé dans le récit, j'ai retrouvé les mêmes sensations qu'à la lecture du roman. Le dessin semi-réaliste est finalement bien adapté, il nous fait ressentir l'âpreté de cette vie rurale, le lien de ces gens avec leur terre...
Michele Foletti réussit une formidable adaptation de ce grand roman de Ron Rash. Un roman graphique qui porte bien son nom, une belle entrée en matière pour qui voudrait découvrir cet auteur américain.
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