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Psychiatre new-yorkais spécialisé dans le traitement des traumatismes, Charlie Weir s'est notamment occupé, dans les années 1970, de rescapés de la guerre du Vietnam, victimes du syndrome post-traumatique. Il a alors rencontré Agnes, soeur de l'un d'eux, mais après leur mariage, le frère d'Agnès a fini par se suicider, suscitant chez Charlie une telle culpabilité qu'il a préféré s'éloigner et divorcer. Dix ans plus tard, il exerce dans un cabinet et s'emploie à sonder l'inconscient de ses patients pour les délivrer de leurs démons. Alors qu'il est en train de s'engager dans une nouvelle relation amoureuse avec Nora Chiara, une jeune femme dont la beauté sulfureuse dissimule une instabilité psychique profonde, Charlie vit une étrange, car exclusivement sexuelle, liaison avec son ex-femme. Ensemble, ils ont eu une petite fille, Cassie, qu'il revoit depuis la mort récente de sa mère. Cette dernière était écrivain, personnage dépressif et funeste dont Charlie n'a jamais vraiment cessé de subir l'ascendant, au contraire de son frère, Walt, artiste-peintre à succès, résolument autonome et qui exerce en toutes circonstances son charme séducteur (au grand dam de Charlie animé à son égard d'un ressentiment non avoué). Et pourtant, quels que soient les manquements, les erreurs, et l'inaptitude à vivre de Charlie, le regard acéré que, par déformation professionnelle, il pose sur les comportements de ses contemporains n'est jamais aussi sévère que celui qu'il pose sur lui-même, en omettant toutefois de le diriger vers son traumatisme personnel, soigneusement enfoui au plus profond d'une mémoire que le roman va s'employer à cruellement réactiver. Déchiré entre deux femmes, travaillé par le deuil de sa mère (adorée ? abhorrée ?), sentant remonter en lui des angoisses dont il voulait se croire à jamais débarrassé, Charlie Weir affronte le mortifère «tsunami» d'un retour du refoulé qui ne cesse de pilonner les défenses du psychiatre qu'il est (et qui se révèle tout aussi duplice ou obtus que n'importe lequel de ses propres patients.), sombrant peu à peu dans un état de terrifiante impuissance tant sur le plan personnel que professionnel et social. Dans l'insondable solitude intellectuelle et affective qui est la sienne, Charlie Weir, victime de l'évolution qui se produit en lui à son insu et qui affecte durablement et sérieusement ses propres processus mentaux, vit l'expérience d'une totale dépossession de soi.
Dans ce roman qui prend pour théâtre New York en «Cité des Mauvais Rêves» au seuil du troisième millénaire, et qui s'achève sur la scène désolée d'un asile d'aliénés perdu dans les Catskills, McGrath explore les liens entre le Mal et la souffrance tels qu'ils se confondent au sein du chaos de la psyché à travers un personnage commentant sa propre destruction. Sur les falsifications de la mémoire, par ajustement, réduction, invention, voire omission pure et simple des faits, Patrick McGrath donne ici un roman fascinant et d'une rare puissance, placé sous le signe d'une «inquiétante et étrange familiarité» et servi par une écriture aussi déterminée qu'est subtile et prenante l'expérience que le livre fait, littéralement, vivre à son lecteur.
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