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L'oeuvre de Kay en France a été disséminée à la fin des années 1990 et début 2000 chez plusieurs éditeurs (L'Atalante, Buchet-Chastel, J'ai Lu), puis les droits ont été repris par l'auteur.
La première version de Tigane en grand format a paru en 1998 (4000 ex. vendus) et elle a été disponible jusqu'à la fin 2014 ; le poche chez J'ai Lu n'est plus exploité depuis 2015.
Kay est à la fantasy historique ce que Pratchett est à la fantasy burlesque. Quand Pratchett écrit le premier volume de ce qui deviendra Le Disque-monde, son projet est de prendre le contre-pied de la « mauvaise » fantasy publiée au début des années 80 à coups de seigneurs noirs et autre décorum du genre ; de même, G. G. Kay met sa plume et sa soif de culture au service d'une forme qu'il veut sortir de « l'ornière ». Le Disque-monde se nourrit de culture populaire (folklore, sciences et techniques qui changent le quotidien) et dresse au fur et à mesure une vie de la Cité ; dans les livres de Kay, la « grande » Histoire est convoquée, les arts sont à leur sommet, les individus se dépassent, les émotions et les sacrifices sont grandioses.
Dans une Italie de la Renaissance alternative (deux lunes gravitent autour du monde et la sorcellerie est active), la Palme, péninsule divisée en plusieurs provinces, ne résiste pas aux deux puissances venues l'envahir, tant par les armes que par l'usage de la sorcellerie.
À l'ouest de la Palme a surgi Brandin d'Ygrath et à l'est Alberico de Barbadior. Seule une province offre une réelle défense : la Tigane. Au point que le prince Valentin, lors de la mémorable bataille de Deisa qui fait l'ouverture du récit, tue le fils de Brandin d'Ygrath.
Toutefois ce dernier, finalement, l'emporte, Valentin de Tigane est fait prisonnier, ses deux fils tués, et Brandin, fou de rage et sorcier de son état, soumet la Tigane à une terrible malédiction : elle s'appellera désormais la Basse-Corte, son nom ne sera plus jamais reconnu de ceux qui n'y sont pas nés avant cet affrontement, le sorcier l'effaçant de toutes les mémoires et éradiquant ce qui faisait sa culture.
Le thème du pays occupé - du sentiment d'injustice qu'il engendre et de la vengeance qui en découle - se double de celui de l'annihilation d'une culture.
Son traitement, à l'image de celui de l'esclavage chez Ursula Le Guin, peut se lire comme une lutte contre toute forme de domination et le déroulement d'une lutte de libération.
Le récit démarre 20 ans plus tard avec Devin di Asoli, jeune chanteur de talent. Mû par la curiosité et l'attirance pour sa collègue de troupe, Catriana, qu'il suit dans les couloirs du château d'Astibar, il surprend une réunion de conspirateurs et apprend sa véritable origine : celle d'un natif de la Tigane, que son père a fui après la bataille de Deisa. Il est donc de ceux qui peuvent entendre le nom ancien et le retenir. Alors, la vie de Devin bascule. Il se joint à un groupe d'hommes et de femmes décidés à renverser les deux tyrans, des gens dont il n'apprendra les véritables origines et motivations profondes qu'au fur et à mesure de ce long et fascinant roman.
Dans les neuf provinces de la Palme, un réseau s'est tissé, d'anciens habitants de la Tigane et de partisans du refus de l'occupation. Les principaux vecteurs d'informations et du développement de cette cause sont les marchands, les artisans et les troubadours.
Les architectes de la résistance sont le prince Alessan de Tigane, fabuleux flûtiste, et son ami Baerd, luthiste - trop jeunes pour aller au combat à l'époque de la bataille de Deisa, ils ont été emmenés dans unpays au sud de la Palme pour échapper à la répression. Leur projet : ne pas se venger de Brandin d'Ygrath seul mais éliminer les deux tyrans au même moment pour permettre à la péninsule entière de recouvrer sa liberté et la mémoire du nom de Tigane.
S'ensuit l'élaboration d'un plan fabuleux qui mêle alliances improbables, complots, trahisons, actions de guérilla et amours fous. Alessan lui-même n'a pas toutes les cartes en main, et les forces adverses dépassent l'entendement, en particulier la situation insensée de la soeur de Baerd, Dianora, devenue incognito la maîtresse de Brandin pour l'assassiner et qui en est tombé éperdument amoureuse...
Certains livres vous marquent plus que d'autres. Et pour ma première incursion dans l'oeuvre de Guy Gavriel KAY, je suis tombé sur un livre marquant. Quand on prend ce livre dans les mains pour la première fois, on se dit qu'il est imposant, volumineux, lourd. Quand on le repose pour la dernière fois, on se dit qu'il va être un peu difficile de passer à autre chose.
Pendant ces 765 pages, Guy Gavriel KAY nous entraîne au milieu de personnages aussi attachants que déterminés. Je me demande même si la puissance du livre ne repose pas plus sur les personnages que sur leur but ultime. J'ai lu ce livre avec l'envie à chaque fois de retrouver les protagonistes, de partager avec eux leurs rêves, leurs craintes, leurs espoirs, leurs déceptions.Tous les personnages, y compris les "méchants" arrivent à nous capturer, à nous embarquer avec eux dans leurs vies.
Guy Gavriel KAY a réussi à donner de l'humanité à des tyrans et de l'humilité à des "héros". Et grâce à ces personnages, on parcourt avec bonheur ce livre qui ne déborde pas d'action mais qui nous interroge sur notre identité et ce que l'on est prêt à faire ou pas pour la garder ou la retrouver.
Un vrai coup de coeur pour ce roman et son auteur.
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