"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Adolescente, la charnelle chevrière Tieta a fui les collines d'Agreste sous l'opprobre publique et le bâton vindicatif du vieil Esteves, son père. Trente ans plus tard, devenue une femme influente de São Paulo, elle regagne le paradis perdu de sa bourgade natale, dans la province de Bahia. Les habitants d'Agreste, mus par divers intérêts, semblent alors décidés à faire table rase du passé pour accueillir comme il se doit la riche veuve Antonieta Esteves Cantarelli, accompagnée d'une virginale jeune femme qu'elle présente comme la fille de son époux défunt. D'emblée, Tieta est consacrée figure tutélaire de la petite communauté bahiannaise, catalysant les fantasmes d'une ville « meilleure » et fastueuse, marquée au sceau du mythe du progrès urbain.
C'est pourtant la même Tieta qui, lorsqu'une industrie chimique menace de s'installer sur la paradisiaque plage du Mangue Seco, devient à son insu le porte-flambeau voluptueux et souriant d'une cabale menée contre l'usine et son cortège de maux que sont la pollution et la corruption.
Mais comment réagiront les protégés bien-pensants de la Pauliste quand ils découvriront que derrière une façade de joyeuse respectabilité se dissimule une tenancière de maison-close au service des millionnaires, et qui, loin d'avoir étouffé sa sensualité, dévoie chaque nuit son chaste neveu promis à embrasser la carrière de séminariste ?
Tieta d’Agreste est un des rares romans de Jorge Amado que je n’avais pas lu dans ma jeunesse. C’est maintenant chose faite et j’ai retrouvé de plaisir de mes 20 ans.
Vingt-cinq ans après avoir été chassée par son père pour avoir eu trop tôt le goût des hommes, Tieta, revient de São Paulo dans son village de la province de Bahia. C’est un coin de paradis mais totalement isolé et aux mentalités très traditionnelles par rapport aux années 70. Elle revient en veuve riche et influente. Sa respectabilité fait rapidement de l’ancienne paria l'égérie du village. Mais attention, car derrière le vernis se cache une sensuelle tenancière de bordel qui, tous les soirs, détourne son neveu de 17 ans destiné à la prêtrise.
Tieta n’est pas simplement une comédie de mœurs légère aux intrigues amusantes comme le laisse penser mon rapide résumé. C’est un livre très engagé (et l’on sait que Jorge Amado membre du PC ne manquait pas d’engagements) qui avec beaucoup d’humour aborde des thèmes comme le célibat des prêtres, la virginité, la fidélité. Il se fait encore plus politique quand une usine du dioxyde de titane projette de s’installer sur l’une des plus belles plages du coin. Un sujet qui divise les opinions entre ceux qui défendent le progrès et ceux qui défendent l’environnement.
Comme souvent chez l’auteur, le casting des personnages est pléthorique. Ça fourmille ! Prostituées, hommes d'affaires, fonctionnaires excentriques, ivrognes, veuves pieuses, poètes, hommes politique, prêtres, commères… Des personnages colorés, fascinants, amusants et bien construits. Au centre cependant il y a Tieta, avec ses fantômes, ses désirs insatiables, sa double vie.
Canaille et cynique, grivois et humaniste, Amado mène un récit dynamique constitué de micro scènes, entrecoupé de délicieuses interventions du narrateur omniscient qui insiste pour « se mêler » du récit.
Un régal !
Traduit par Alice Raillard
un enchantement qui m'a amené à lire toute l'oeuvre de Jorge Amado en français... un festival de couleurs de saveurs, d'émotions, qui nous dit l'être humain en marche !
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