"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Perdu dans un quartier inconnu de Jérusalem, le narrateur se félicite - à la vue de tous les ultra-orthodoxes qu'il croise - que ses arrière-grandsparents aient quitté leur shtetl ukrainien pour atterrir à Paris. Tout l'énerve dans ce voyage que lui a offert son neveu à l'occasion de ses cinquante ans. À commencer par le fait qu'il soit organisé, alors que, célibataire endurci, il n'aime rien tant que le calme de sa petite librairie de Bar-sur-Aube.
Mais Robert Stobetzky n'a pas planté là son groupe par pur désir de tranquillité : il croit avoir reconnu, dans la silhouette familière d'une femme suivant un prêtre en soutane, celle avec qui, l'été 1969, il a vécu trois semaines de bonheur intense et qui est restée l'amour de sa vie. Vingt-six ans plus tard, il comprend, à la violence de sa propre réaction, qu'il ne s'est jamais remis de leur rupture aussi soudaine que brutale : un beau matin, Madeleine avait quitté le petit appartement sous les toits parisiens en lui enjoignant de ne pas chercher à la revoir.
Le jeune orphelin de onze ans qu'il était - ses parents sont morts de la grippe en 1956 - a eu beaucoup de mal à surmonter ce nouvel abandon. C'est alors qu'il a décidé de quitter Paris et sa thèse sur Louise Labé pour s'installer en Champagne. Errant dans Jérusalem, il se remémore ses années de solitude, éclairées par la lecture et la révélation de la musique. Lui qui n'avait pas osé avouer à Madeleine sa méconnaissance des artistes figurant sur les pochettes des disques qu'elle lui avait fait découvrir est foudroyé par la Suite en do mineur de Bach, entendue par hasard à la radio. Il décide d'apprendre le violoncelle et sa rencontre avec Johann Chauchat, devenu son professeur, illuminera un temps ses journées...
Au fil de ses déambulations loin du groupe, cet homme au mitan de sa vie voit ce voyage touristique qu'il n'a pas choisi se transformer en une longue remontée de sa propre existence. Sans doute lui fallait-il le fantôme de Madeleine, entrevu dans cette ville toute pétrie de passé, pour qu'il accepte ce retour en arrière.
Jean Mattern, subtil instrumentiste d'un fascinant monologue où alternent ironie, allégresse et chagrin, écrit un très beau livre sur la perte.
Le narrateur se promène dans Jérusalem en longues phrases quand il croit reconnaitre son ancien amour.
Un amour d’étudiant qui n’aura duré que 3 semaines avant que la jeune fille ne s’enfuit.
J’ai aimé découvrir la vie de Robert Stobetzky, son frère et leurs parents décédés alors que les garçons étaient très jeunes.
J’ai aimé découvrir cet amour comme une étincelle dont le souvenir réchauffera longtemps le coeur de Robert.
Mais j’ai été triste de sa quête de la jeune femme jusqu’à l’autre bout de la France.
J’ai aimé son amitié avec son professeur de violoncelle, homosexuel dans une France encore fermée à cette sexualité.
J’ai aimé la fascination de Robert pour la fameuse Suite en do mineur pour violoncelle de Bach dès les premières notes qu’il entend à la radio, son envie d’apprendre l’instrument.
J’ai aimé me laisser porter par la mélodie du récit. Une lecture comme un sortilège de musique en mots.
L’image que je retiendrai :
Celle de Robert voulant échapper à son groupe dans les vieilles rues de Jérusalem.
https://www.alexmotamots.fr/suite-en-do-mineur-jean-mattern/
Pour ses cinquante ans, Robert Stobetzky est parti faire un voyage organisé en Israël.
Dieu sait qu'il n'avait pas du tout envie de ce voyage, mais c'est son neveu Émile qui a payé, et s'est occupé de tout, Robert n'a pas voulu lui faire de peine…
À Jérusalem, les touristes se prennent pour Jésus, Mohamed ou un autre prophète. Dès sa première sortie, il perd le groupe avec lequel il a quitté l'hôtel. Soudain, en déambulant dans les rues étroites, il est persuadé de l'avoir reconnue dans la via Dolorosa. Vision furtive, mais il est sûr que c'était bien elle, Madeleine. Comment faire pour la retrouver avec toute cette foule ?
Vingt-six ans qu'il ne l'a pas revue.
Trois semaines de bonheur intense, puis une séparation brutale qui laisse Robert complètement dévasté. Juste un petit mot avant de le quitter, “Tu comprendras un jour, sois heureux”.
“Suite en do mineur”, c'est l'histoire de cet homme défait, incapable de se reconstruire, et là, vingt-six ans plus tard, tout lui revient à l'esprit. Pourquoi ?
Lorsqu'il décide des années plus tôt de prendre des cours de musique, c'est par le violoncelle que Robert est attiré. Son professeur, Johann, qui deviendra son ami, disparaît aussi du jour au lendemain.
Le seul plaisir que la vie lui a offert, c'est ce lien qu'il est arrivé à construire avec son neveu Émile, avec qui il nouera une relation très profonde autour de la littérature, et qui vient lui donner tous les samedis un coup de main dans sa librairie. La vie de Robert est difficile et pèse sur ses épaules…
Je découvre Jean Mattern avec ce roman particulièrement sensible.
Alors qu'habituellement, je n'aime pas spécialement les phrases trop longues dans les romans, ici au contraire, elles se justifient, et donnent véritablement un sens au récit, accentuant même une certaine tristesse présente dans tout le récit. Je me suis laissé porter et Jean est arrivé à m'emmener dans son histoire triste et agréable.
A l'occasion d'un voyage à Jérusalem, offert pour ses cinquante ans par son neveu, Robert Stobetzky, aperçoit une silhouette, un port de tête inoubliable et unique dans la Via Dolorosa, ceux de Madeleine, avec laquelle il a partagé, vingt-six années auparavant, alors étudiant, en 1969, trois semaines de bonheur intense.
Madeleine le quitta brutalement, second abandon pour Robert, après la mort de ses parents lorsqu'il avait dix ans. Début des années 70, il s'installa à Bar-sur-Aube, là où son frère vit, il y créa une librairie, vite devenue pour lui son refuge.
C'est donc au milieu des années 90, que Robert, célibataire endurci, un poil misanthrope, ou plutôt qui n'aime pas les groupes, surtout ceux qu'on lui impose, visite Jérusalem. Lui, né de parents juifs, pas croyant, que les religieux qui arpentent les rues agacent. Ce voyage sera pour lui, sans qu'il s'en doute, râlant sur son neveu Émile qui le lui a offert, le moyen de sortir de sa bulle baralbine pour faire le point. Il raconte son enfance, entre foyers et familles d'accueil, avec Maurice son frère ; sa rencontre avec Madeleine, leurs trois semaines intenses et le brusque retour à la solitude, la découverte, un jour à la radio, de la suite en do mineur pour violoncelle et cette claque qui lui fait prendre plusieurs décisions dont celle de se mettre à la musique.
Mise à part, une sensation de longueur sur la fin du texte, cette impression que le narrateur tourne en rond, que l'idée de base s'épuise un peu, j'ai beaucoup aimé le roman de Jean Mattern. Il y a d'abord sa manière de parler de littérature, de musique qui m'a donné envie d'entendre cette suite en do mineur de Bach, sachant que je suis inculte en matière de musique dite classique. Évidemment sur la rencontre amoureuse ou amicale, sur la rupture, l'abandon et la solitude. Sans grandiloquence, dans de longues phrases, parfois très longues et très belles, il va au plus près des émotions. De belles pages également sur l'homosexualité et la difficulté à la vivre il y a 25 ans, si tant est que ça soit plus aisé maintenant. Sous le prétexte de parler de soi, le narrateur parvient à parler des autres et aux autres de tous les thèmes et les questionnements qui nous occupent chaque jour.
Comment faire face à la douleur d’une rupture, comment amortir le choc d’une perte ? c’est à ce questionnement qu’est consacré le roman de Jean Mattern Suite en do mineur.
Robert Stobetzky est un homme d’âge mur, qui participe à un voyage organisé en Israël, par l’entremise de son neveu Emile qui l’a poussé à l’accomplissement de ce déplacement. Prisant très moyennement les circuits organisés, Robert, juif non pratiquant, dont les parents originaires d’un shtetl ukrainien ont miraculeusement échappé à la déportation en se cachant dans la campagne française, s’isole rapidement du groupe. Il arpent la Via Dolorosa dans la vieille ville de Jérusalem et croit y reconnaître Madeleine, une femme qui l’a aimé et déniaisé il y a trente ans à Paris en 1969.
Cette vision d’un autre temps devient alors le prétexte pour démêler les fils de la mémoire, ses mécanismes, ses lois parfois.
Ainsi, le narrateur revisite-t-il la notion de deuil et parvient à la circonscrire et la définir : « Je ne me serai pas senti, ce soir-là en l’attendant, plus orphelin que jamais. Mes ces vagues de tristesse qui nous frappent dans les moments les moins appropriés, c’est peut-être cela, le deuil. »
Le narrateur est bouleversé, par le souvenir de cette femme, bien évidemment mais Jean Mattern expose aussi des interrogations très pertinentes : sur le souvenir, la nostalgie, la trace que laisse, ou ne laisse pas, une personne dans l’existence de ceux qu’elle rencontre.
Madeleine, cette femme qui l’aimé et emmené voir Hair au théâtre de la Porte Saint-Martin, est-elle toujours les même trente ans plus tard ? Là encore, l’auteur du récit fait appel à la mécanique de conservation du souvenir, des sensations, des empreintes affectives : « L’image que j’ai gardé de Madeleine se confond avec le profil aperçu à quelques mètres d’ici. C’est elle, et le seul doute que je veux bien admettre est de savoir si au bout de trente ans on est encore la même personne. »
Un autre sentiment est passé au scanner par Jean Mattern : la nostalgie. Cette dernière est souvent convoquée pour décrire les années soixante, période d’émancipation et de liberté. Pourtant, en se remémorant les paroles de cette comédie musicale Hair, le narrateur fait un constant qui infirme l’attrait de la nostalgie : « Mais en écoutant Johann chanter cet air tiré de Hair, je me rendis compte que l’excitation de l’époque Peace and Love renfermait autant de drames que d’amour et de paix. »
Ce roman renferme également un autre décryptage :celui du pouvoir de la musique sur les êtres humains .Le narrateur Robert , lorsqu’il déménage à Bar-sur-Aube pour y fonder une librairie, se lie avec un professeur de musique qui l’initie au violoncelle .C’est cette rencontre avec l’univers musical son ambivalence , sa richesse qui aident Robert Stobetzky à surmonter , définitivement, la douleur du souvenir , l’acceptation de son parcours de vie : « La musique, quand elle sonne juste, déplore et console en même temps, elle chante la beauté du monde et se lamente de notre solitude irréductible. L’humanité a besoin de musique, car elle seule peut faire danser notre âme. »
Une activité essentielle pour l’humain, en quelque sorte…
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