- Sans doute. Mais si ton gars se permet de rêver, il aura à se rendre compte que tôt ou tard le rêve rencontre son moment de vérité. Comme tout le monde d'ailleurs, il lui faudra un jour comprendre qu'il n'y a pas de magie dans le réel, car croire que le rêve se réalisera un jour tel qu'on l'a imaginé, c'est croire aux mirages.
- Mais est-ce possible de vivre sans rêver ? demande le cinéaste - Je ne dis pas qu'il faut abdiquer le rêve en soi, Martin, mais il faut le situer dans son contexte réel. Par exemple, le rêve de l'architecte, c'est d'ériger une cathédrale dont le clocher s'élèverait jusqu'au ciel. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de matériaux sur terre qui lui permettent de produire un tel monument. C'est pourquoi toutes les cathédrales qu'on admire aujourd'hui ont été taillées dans la pierre bien concrète de notre monde, mais leurs clochers, faute de pouvoir se perdre dans le ciel, sont tout de même les maisons de nos rêves. Il en est ainsi de toute entreprise esthétique, à mon avis, y compris ton film. Car tout le beau ou le vrai que l'homme a créé depuis qu'il existe découle de ce moment de reconnaissance, dans le sens de reconnaître, qu'il n'y a pas d'amnésie provisoire ou d'entre-deux pour nous aider à transporter nos rêves tels quels dans le monde réel. Mais crois-moi, mon gars, ils vivent, ces rêves, derrière la façade des chefs-d'oeuvre qui parsèment notre histoire.
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