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Le sait-on ? Le plus grand journal de tous les temps a fermé les yeux sur le plus grand massacre de tous les temps.
Laurel Leff enquête sur ce qui a pu mener le Times à minorer systématiquement les informations sur le sort des Juifs d'Europe entre 1939 et 1945.
Ainsi, le 27 août 1943, un article annonçant l'anéantissement de trois millions de Juifs « par la famine, le travail forcé, les déportations, les pogroms et les meurtres méthodiques, dans des centres d'extermination régis par les Allemands », a été publié en bas de la page 7 plutôt qu'en « une ».
Les journalistes doutaient-ils de la véracité de l'information ? Souhaitaient-ils dissimuler ces accablantes nouvelles ? Ni l'un ni l'autre. C'est la crainte de manifester un intérêt trop marqué pour les Juifs qui semble avoir dicté cette politique éditoriale.
Issu d'une famille patricienne de la côte Est, Arthur Hays Sulzberger, le patron du Times, est un Juif très assimilé. A priori, on pourrait penser que nul ne serait plus motivé que lui pour dénoncer la Shoah aux lecteurs de son journal et - par l'influence profonde du Times sur les autres médias - au public américain en général. Pourtant, lui et ses journalistes hésitent à brandir les faits sous le nez d'un establishment américain dont ils savent qu'il n'est pas immunisé contre l'antisémitisme, et qui sera prompt à les soupçonner de communautarisme - un soupçon qui pourrait être fatal à la crédibilité du New York Times.
Et c'est ainsi les victimes furent-elles trahies par ceux-là mêmes qui étaient le mieux placés pour faire connaître leur martyre.
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