"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 1417, Poggio Bracciolini, jeune humaniste sans emploi depuis la déposition de l'antipape Jean XXIII, part sur les routes à la recherche de textes antiques. En Allemagne, il découvre un manuscrit du«De rerum natura»de Lucrèce, poème dont la diffusion permet une redécouverte du matérialisme antique. Prix Pulitzer 2012.
Difficile à lire lorsque le soir il faut s'accrocher sur chaque phrase...
Mais c'est un superbe livre, que dis-je, plus qu'un roman, plus qu'une histoire, une aventure, une quête splendide...
Lucrèce (entre 98/94 et 55 av JC) restera le grand nom de l’épicurisme romain.
Son long poème en vers (7 400 héxamètres non rimés), "De la nature" (De rerum natura), hommage vibrant à Epicure, hymne insolent à Vénus la déesse de l’Amour, innovante vision scientifique du monde, nous parle, encore, plus de deux mille ans plus tard, de religion, du plaisir et du sexe, de la maladie et de la mort, de la nature, de la société.
Ce texte va influencer Shakespeare, Michel Ange, Boticelli, Montaigne (qui le cite abondamment dans ses Essais), Giordano Bruno, Machiavel.
Stephen Greenblatt nous raconte (nous conte merveilleusement), avec une érudition passionnante (jamais pesante, ni prétentieuse), la redécouverte de "De la nature" par l’italien Poggio Bracciolini, dit le Pogge en 1417 dans un monastère au sud de l’Allemagne.
Comment ces moines allemands ont-ils accueillis ce brûlot ?
Pourquoi ont-ils copié et recopié cette poésie sulfureuse ?
Comment et pourquoi ont-ils sauvé cette oeuvre révolutionnaire ?
Latiniste brillant, le Pogge fut "scriptor" (clerc chargé de rédiger les documents officiels de la curie), secrétaire apostolique puis "chasseur" de manuscrits de la Rome classique et de l’Antiquité.
C’est le début de la Renaissance et de ses humanistes.
C’est l’histoire de l’écriture, des rouleaux de papyrus à la naissance de l’Imprimerie en passant par les codex.
L’histoire mouvementée du douloureux passage des religions païennes au catholicisme.
L’histoire de l’agonie de l’Empire romain d’Occident.
L’histoire, souvent scandaleuse et parfois rocambolesque de la papauté.
L’histoire du devenir des textes païens remis à jour par les humanistes de la Renaissance.
Le Pogge va redonner vie (comme une renaissance), après des siècles de silence et d’obscurantisme, au poème radical de Lucrèce.
Ce texte, obscène et malfaisant selon l’Eglise catholique officielle prétend que l’âme se dissout après la mort, "ainsi du vin quand son bouquet s’est évanoui, du parfum dont l’esprit suave s’est envolé".
Ce texte affirme que l’Univers n’a pas de créateur ni de concepteur, que la Providence est le fruit de l’imagination.
Ce texte voit la vie comme une recherche du plaisir.
Cet essai de Greenblatt est un coup de maître.
Non, non, cher lecteur, surtout ne fuyez pas, ce bel ouvrage se lit comme un roman.
Une véritable mine d’or d’histoire culturelle.
Un grand moment de lecture, les yeux écarquillés de bonheur d’apprendre.
Sincèrement recommandé.
Tiens, j’ai déjà envie de le relire…
"Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit." Ovide
Le Pogge était un bibliophile passionné qui visitait les monastères d’Europe à la recherche de manuscrits rares et anciens. Auteur des facéties, un recueil de grivoiseries sur la cour du pape, il renonce à la prêtrise qu’il considère comme la pire des servitudes. Il lui préfère le cœur des femmes et les œuvres des philosophes grecs. Un jour de janvier 1417, il tombe, presque par miracle, sur un poème mentionné par Saint-Jérôme, De la nature de Lucrèce. Partant d’un constat que l’Église reprouve – l’univers est constitué de particules élémentaires et ces particules sont éternelles – le poème de Lucrèce, largement diffusé après la découverte du Pogge, va influencer tous les plus grands penseurs de son temps, de Machiavel à Montaigne. A tel point qu’il est légitime de se demander si De la nature n’est pas l’un des textes fondateurs de la Renaissance. C’est la thèse de Greenblatt dans ce livre qui se dévore comme les aventures d’un explorateur.
« Quattrocento » raconte la redécouverte du poème de Lucrèce « De rerum natura » par Le Pogge en 1417 et en évalue l'impact. Mais cet ouvrage est, à mon sens, bien plus qu’un simple roman…
En fil conducteur, nous suivons donc le parcours du découvreur de manuscrits, l’humaniste Poggio Bracciolini dit le Pogge, son travail au sein de la curie romaine, ses longs voyages dans les monastères à la recherches d’œuvres antiques… Mais nous apprenons également comment se sont constituées et comment ont disparu les grandes bibliothèques antiques - privées, comme celle de Herculanum, ou publiques comme celle d’Alexandrie -, comment certains ouvrages de l’Antiquité sont parvenus jusqu’à nous, pourquoi d’autres – la plupart – ont malheureusement disparu. L’auteur nous trace également le portrait d’Epicure dont Lucrèce fut un disciple et dont la philosophie se situe aux antipodes des préceptes de la religion catholique. Et bien entendu, l’œuvre de Lucrèce, « De rerum natura » est largement détaillée.
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