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«Une chanson de gestes» : voici la définition d'Hermès, donnée un jour par un visiteur invité à découvrir ses ateliers. Elle décrit finement, pour qui la perçoit «de l'intérieur», la ruche bruissante, mystérieusement affairée, qui se cache sous la signature connue. Véritable pays de la main, insoupçonné dans son étendue et dans la variété de ses activités. Incessant ballet de doigts agiles maniant avec sûreté l'outil sur la matière qu'ils apprivoisent. S'appuyant sur son savoir-faire fondateur de sellier harnacheur, Hermès maîtrise aujourd'hui seize métiers. C'est ainsi que se mêlent, en connaisseurs autant qu'en esthètes, les artisans de selle, vêtement, chapeau, peau, chaussure, chemise sur mesure, soie imprimée, parfum, sac, gant, bijou, montre, art de la table. À cette liste toujours ouverte, les filiales d'Hermès ajoutent l'art du cristallier, de l'orfèvre ou du maître bottier. Autant de savoir-faire singuliers, se décomposant à leur tour en série d'opérations spécifiques, jalonnées de tours de main experts, de gestes précis, minutieux, rigoureusement transmis, bannissant hasard et tâtonnement. Paradoxe ?
Nombre de ces actions, presque impossibles à décrire sans démonstration manuelle ou schéma, n'en possèdent pas moins des mots attitrés, sinon pour les expliquer, du moins pour les nommer : signe de l'étroite et très ancienne intelligence entre savoirfaire et savoir-dire.
Dès lors, Hermès se voit l'un des dépositaires privilégiés d'un patrimoine linguistique original. Mots forgés dans l'atelier, certains termes n'en ayant guère quitté le cercle clos, parfois absents des dictionnaires, d'origine souvent obscure, familiers ou quasi ésotériques, onomatopées aisées à traduire, ou syllabes hermétiques aux néophytes, quelques-uns rares ou même disparus, d'autres de fraîche ou naïve invention, ils composent un vocabulaire à part, savoureux, expressif, que la longue mémoire artisanale a pétri, l'usage patiné, les fantaisies de la transmission orale revisité, thésaurus où butineront les linguistes, les sociologues, les curieux et les poètes.
Pour la première fois, Hermès laisse parler à livre ouvert ces mots de la tribu, choisissant de cueillir cent verbes, confiés à la plume inventive et inspirée d'Olivier Saillard. D'abat-carrer à visiter, en passant par décreuser, chipoter, bichonner, gratte-bosser, insculper, liéger, marier, planer, palissonner, putoiser, rétreindre, roulotter ou sabrer, une grande liberté a été donnée à cet amoureux des mots, connaisseur des plis intimes de la mode, de jouer des cocasseries, des correspondances, des glissements de sens, des syllogismes - jusqu'aux non-sens qu'il faut bien pointer (ainsi «doubler» qui signifie tripler pour le maroquinier, ou «frapper», le geste du doreur, dont la main se garde bien de frapper) - par lesquels ces termes nous tendent le miroir d'un monde surprenant. Avec intelligence, érudition, poésie, ironie et tendresse, Olivier Saillard croise anecdotes et observations, pour nous livrer, plutôt qu'un portrait, une somme de détails et de richesses, en manière de pamphlet - bienveillant pour autant - sur la mode, ses pratiques et ses métiers. Acts Sud a conçu sous la forme d'un opuscule simple et élégant ce vagabondage en tous sens au pays des gestes d'Hermès.
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