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La société néolibérale a complètement vidé de son sens la notion de style, en faisant de toute esthétique un simple outil de marketing.
L'architecture ne pouvait pas échapper à ce bouleversement, qui a brisé le lien indissoluble que la modernité avait espéré établir entre projet esthétique et projet social. Parmi les différentes mises en récit dont le projet architectural et urbain est devenu à la fois l'outil et la victime, cet ouvrage entend en aborder la déclinaison « paysagère » : la nature constitue désormais l'élément décisif assurant le succès d'un projet, le seul « grand récit » aujourd'hui existant. Nous pouvons observer à l'oeuvre, tant à l'intérieur du milieu spécialisé que dans le cadre du débat public, une série de rhétoriques productrices d'un « paysage réactionnaire ». Une grande partie du marketing structurant le discours architectural se sert d'images nostalgiques à haut potentiel de séduction : une acception « contemplative » du paysage, qui renvoie à la nostalgie d'une « belle intégralité perdue ». Il s'agit d'un phénomène de longue durée dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme, qui a néanmoins connu, à partir des années quatre-vingt, une forte impulsion grâce à l'affirmation de la pensée écologiste. La même décennie voit l'affirmation de l'hégémonie culturelle néolibérale. Il ne s'agit vraisemblablement pas d'un hasard : la « réification » du paysage et sa transformation en une image à deux dimensions - le paysage comme un tableau - détermine son intégration dans la dynamique de valorisation et de consommation typique de toute marchandise.
L'ouvrage s'appuie sur une série de cas d'étude paradigmatiques, en Île-de-France et en Italie : l'éco-quartier du Sycomore à Bussy-Saint-Georges et le quartier de Milano San Felice et de Milano 2. Il s'agit de micro-histoires emblématiques de la fin de la « ville réformiste ». Le fait que ces quartiers présentent également une configuration sociale d'auto-ségrégation des classes moyennes est un autre élément qui en fait des cas emblématiques de l'urbanisme « défensif » si typique de la société néolibérale. En vertu de leur « distance chronologique », ils prouvent en outre la longue durée d'un thème centrale pour cet ouvrage : l'existence d'un récit polémique à l'égard de de la ville des « Trente glorieuses ». La Modernité reconnaissait en effet le caractère anti-organique de la ville industrielle. Ce qui a souvent permis de réfléchir à la relation entre éléments naturels et éléments urbains, nature et raison. Au contraire, le régime d'esthétique réactionnaire que nous analysons ici repose sur le refus idéologique de cette opposition. L'objet de notre réflexion consiste donc à critiquer ce refoulement. Il s'agit d'un premier cadre conceptuel, qui dérive de l'analyse de certains choix linguistiques et de conception, et d'une brève reconstruction historico-théorique. Cette dernière porte sur l'identification de noeuds problématiques au coeur de la relation entre architecture et nature, et sur les contradictions du grand récit du naturalisme nostalgique.
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