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Ce soir de 27 juillet, le régime de Pyongyang diffuse dans le monde entier, comme chaque année, les photos impressionnantes du défilé, place Kim Il Sung, qui commémore la victoire de l'armée de la République Démocratique Populaire de Corée sur son voisin du Sud, le 27 juillet 1953.
On y découvre les phrases de propagande écrites en jaune sur fond rouge par des milliers de pixels humains et des bataillons de soldats, la jambe parallèle au sol.
Cette fois-ci, nous percevons les odeurs, le son des tissus des uniformes en tergal, le petit défaut d'alignement du troisième soldat, dixième rang en partant de la gauche.
Nous imaginons la carnation de ces centaines de visages, en les confondant avec les traits de ceux devenus familiers : celui tout rond de Chal, le traducteur affable, devenu un ami ; celui de M. Ri, sec mais s'illuminant parfois d'un sourire désarmant, celui de Kim chauffeur, rebaptisé Kim Rivers pour ses lunettes et sa coiffure en carton.
Nous avons assisté aux entrainements sur cette place, les flammes de la Juché découpées dans du carton et peintes au crayon. Il y avait des petits, des grands, certains s'appliquaient, d'autres suivaient mollement le mouvement. Tous avaient chaud. Nous étions à l'ombre.
Maxime et Colin avaient délaissé leurs trottinettes pour venir contempler la scène. Des dizaines de milliers d'enfants de leur âge, dans la moiteur du mois de juin, stoïques, répétaient une centième fois leur chorégraphie, matraquée par le grésillement des mégaphones. Les chefs encourageaient leurs ouailles, y compris pendant les courtes pauses où, les mains sur les hanches, les danseurs soufflaient, assommés de chaleur.
Pendant une année, notre famille a été domiciliée au Compound diplomatique, Munsundong, Taeddongang district, à Pyongyang. Nous avons donc pu soulever un coin du rideau, nous glisser dans le décor, et nous vous proposons de nous suivre dans cette exploration surréaliste et parfois drôle.
Libres de conduire et de circuler seuls dans la capitale la plus mystérieuse du monde, nous ramenons dans nos textes des moments forgés par un choc culturel de puissance 12 sur l'échelle de l'absurde. Une simple partie de tennis, l'achat de spaghetti, une réunion de travail, un cours d'anglais, tout prête là bas à rire ou à désespérer.
Notre petite histoire s'est également frottée à la grande, quand Kim Jang Il est mort, plongeant le pays dans un deuil terrible et notre communauté internationale, frappée de milles interdits, dans une morosité créative.
Nous vous embarquons pour un voyage à travers les regards de Quentin et Sarah, au son des chants de soldats ouvriers, des mégaphones grésillant et des roues des trottinettes de Colin et Maxime sur les pavés de la place Kim Il Sung.
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